Texte : Axel Bodin

Producteur de renom provenant de Beverly Hills, ancien DJ d’Eminem, rappeur à ses heures perdues, The Alchemist a toujours su être productif en multipliant les collaborations entre l’ancienne et la nouvelle scène Hip Hop. A l’occasion de son passage exceptionnel au Demi Festival à Sète du 7 au 9 août prochain, revenons sur ses nombreux projets.

Visible dans le paysage depuis le début du siècle, il devient un acteur majeur avec une patte reconnaissable entre mille qui se répand aussi bien à Los Angeles qu’a New York. Car en plus de ses incalculables apparitions sur de grands albums comme The Carter III, Murdaz Musik ou plus récemment Damn, ses nouveaux projets déboulent chaque année. Mais difficile d’y faire le tri et de sélectionner les plus attractifs. Alors on se devait de vous présenter ceux ayant retenus notre attention, ceux avec qui Alchemist aboutit à une fusion efficace avec les artistes en question, là où  les formules chimiques qu’il cuisine en studio donne un ensemble explosif.

The Good Book Vol. 2 – Budgie (2017, ALC)

Le concept est simple : sampler uniquement des chants Gospels sur 45 tracks divisées en 2 disques, l’un produit par  Alchemist et l’autre par Budgie, son pote Londonien, lui aussi fan de Soul. Les pistes sont des mises en avant d’instruments ou bien de rappeurs comme Mobb Deep, Royce da 59, Buddy ou encore Westside Gunn venus poser leur texte. Fortement inspiré de l’œuvre Biblique, l’album en physique prend la forme d’un livre épais à la couverture rouge sang, offrant une longue traversée du désert à la recherche de la terre promise.

https://www.youtube.com/watch?v=cRFG5BTjlGQ

Moving Parts Lunice (2017, Lucky Me)

Dans les collaborations improbables, je demande Lunice. Car si Alchemist garde une essence très Boo- Bap, Lunice est un pur produit de la scène électro industrielle. Connu pour avoir fait parti du groupe TNGHT abordant des paterns purement Trap, il n’hésite pas à s’aventure sur d’autres terrains. Tous deux vont superposer leurs rythmes et créent alors quelque chose d’unique confrontant des BPM opposés. La volonté de se rapprocher du Breakbeat le temps d’une demi-heure est palpable, offrant à l’auditeur de rap la possibilité de découvrir un tout autre univers.

Paris L.A. Bruxelles – Red Bull Music Academy Festival Paris Mixtape (2018)

Il serait dommage pour notre producteur de se limiter à son pays quand on a l’occasion de se rendre sur les terres européennes. Passé sous les radars, Red Bull Records a pourtant pris une belle initiative en invitant nos rappeurs francophones à rapper sur les instrumentales qui trainaient dans l’ordinateur de The Alchemist. Il est alors étonnant de retrouver Caballero et Jean Jass, Lomepal ou Prince Waly poser leur flow sur des productions remplies de samples vocaux coupés au millimètre.

No Idols – Domo Genesis (2012, Odd Future)

A l’époque, Odd Future règne en maitre en cassant toujours plus les codes du rap. Domo Genesis, l’un des nombreux membres, vient poser sa voix sur de sombres beats. Entre guitares stridentes, notes froides de claviers et vocaux énigmatiques (comme cet homme qui pousse un cri de souffrance pendant 3 minutes), l’atmosphère générale est cohérente et permet au rappeur de révéler tout son mal-être. De plus, on y trouve de luxueux featurings comme Earl Sweatshirt, Freddie Gibbs ou encore SpaceGhostPurp.

My 1er Chemistry Set – Boldy James (2013, Decon)

Les batteries sont presque sourdes, recouvertes par une multitude d’effets situés au même niveau que le flow de Boldy James, rappeur de Détroit maniant avec habilité la langue de Shakespeare. On a clairement deux nerds qui ont bossés dans leur labo, mélangeant des acides pour aboutir à un album compact qui demande de nombreuses écoutes pour le démystifier. Boldy arrive avec des lyrics anxiogènes, recréant le sentiment qu’il a pu connaitre durant son enfance au sein de sa ville.

Rare Chandeliers – Action Bronson (2012, Vice Records)

Depuis le début de sa carrière, Action Bronson a toujours été proche de notre producteur sur le plan artistique en s’alliant sur de multiples pistes. Mais lorsqu’ils déboulent avec une mixtape complète, nous avons affaire à la B.O. autobiographique de Bronson. Celle d’un Easy Rider trainant sa bécane dans le désert des Mojaves, écumant les bars à la recherche d’adversaires à sa taille, d’alcool à plus de 90°, de femmes dodues et de cuisses de poulets bien grasses. Sous des instruments dépouillés, le duo arrive avec une œuvre grandiose qui vous accompagnera dans vos balades sur l’asphalte cuisant.

Fantasy Island – Jay Worthy (2017, ALC)

La cover de l’EP résume très bien l’ambiance générale. Car si Jay Worthy aime les boucles funky et le soleil qui tape sur son crâne, la nuit reste une fatalité. Pour retranscrire ces nuits calmes où les flics ont décidé de ne pas faire leur ronde, Jay s’allie à Al’ pour constituer de subtiles nappes de synthétiseurs, survolés par des chants de Soul féminin. Avec un flow où chaque mot se fait entendre, on ressent toujours l’énergie de Compton, les grosses basses vibrantes en moins. A déguster au bord de la piscine, allongé en mangeant des tapas.

FETTIFreddie Gibbs & Curren$y (2018, Jet Life)

Des vagues dansent devant les yeux de tous ceux qui écouteront l’EP réunissant la douceur de Curren$y et la brutalité de Gibbs. Flotter sans penser à la chute. Des fumées apparaissent pour s’élever vers le plafond et le corps s’engouffre dans le fauteuil en cuire. En 8 pistes, les 3 artistes arrivent à créer une cohérence en amenant des boucles interminables de guitares aux cordes tendues. Les vocaux sont dépoussiérés et les batteries placées au second plan. Le projet est la preuve que le producteur ne s’essouffle pas malgré les années qui passent. Encore un grand cru.