Renaître de ses cendres

Après des difficultés dues à un concours de circonstances lors de la précédente édition, le Jardin du Michel était bel et bien de retour pour fêter sa majorité le weekend dernier ! Cette année, le festival revient en force et a décidé de faire peau neuve en délocalisant le site pour les concerts. Retour sur la première soirée du JDM 2023, ce vendredi 2 juin 2023.

Le rendez-vous est donné à quelques centaines de mètres de la sublime cathédrale de Toul dans un espace plus large et accoudé au camping. Le cadre est optimal et la nouvelle mouture s’avère on ne peut plus prometteuse. Le line-up du soir fait envie, et on ne va pas se plaindre du ciel bleu et du grand soleil d’accueil.

Un grand espace central s’offre aux festivaliers avec de multiples stands pour se “rafraîchir” ou/et se restaurer, l’appétit s’ouvre rapidement lorsqu’on laisse traîner nos nez curieux. 

Petite nouveauté de cette année : un chapiteau, nommé « La Cabane » est monté ici pour alterner avec les artistes de la grande scène. La déambulation s’en voit extrêmement fluide, on sent que les personnes présentes ressentent le besoin de retrouver l’ambiance particulière du Jardin du Michel.

Le Jardin Du Médine

Le bal s’ouvre pour nous avec le rappeur venu tout droit du Havre que l’on interviewait la semaine passée. Ce dernier arrive sous un soleil qui ne faiblit toujours pas. Rapidement, l’artiste remercie l’organisation du festival pour sa programmation et pour « ne pas s’être laissée intimider par l’extrême droite ». Le ton est donné. 

La timide foule de la grande scène se mue progressivement en avant-poste pour le public fidèle de Médine. Nous le constations déjà lors de son passage à L’Entrepôt d’Arlon il y a quelques mois, les fans savent répondre massivement présents. Il faut remercier également l’organisation pour l’ingénieuse idée de placer la scène en contrebas d’une petite pente, c’est plaisant pour la vue dégagée et pour les plus petits festivaliers qui apprécient l’attention.

L’amour des siens c’est pas la haine des autres

Médine se montre, comme à l’accoutumé, très souriant et communiquant. Il ne manque jamais une occasion d’échanger avec son public. Très complice avec son backeur, il scinde la foule en deux, lance une compétition de « convaincus », à ceux qui feront le plus de bruit. Taquin, Médine nargue les fans se trouvant sur son côté droit, à l’extrême droite…

Puis vient le moment de célébrer la montée du club du Havre en ligue 1. Pas avare, le rappeur s’octroie un doublon sur scène du titre “La puissance du Port du Havre », le timing est vraiment parfait. La puissance du titre met le public en jambe, c’est alors que Médine allume la mèche pour, non pas un ni deux, mais bien quatre « Walls of Death ». Le rappeur semble extatique sur scène tandis que les fans bougent dans tous les sens. Pas de doute, nous pouvons déclarer ouverte la saison des festivals !

Une piñata à l’effigie de Zemmour vole sur scène, reprise de volée et retour au public. Médine s’amuse : « Je ne suis pas responsable de ça moi hein ! »

Good Vibrations

Et de bonnes vibrations, nous allons en recevoir avec l’artiste qui suit. Alors que le soleil tire tranquillement sa révérence, Patrice se charge désormais d’apporter la juste dose de douceur et d’énergie. Le reggae chaleureux de l’artiste n’est pas sans rappeler certains titres de Ben Harper. Patrice est accompagné d’un band complet sur scène et enchaîne les titres entraînants.

Le chanteur gratifiera même la foule d’un moment de voltige, escaladant un des piliers qui soutient la scène tout sourire. Les fans de la première heure auront retrouvé ses premiers tubes comme Change Today, ou cette reprise très sympa de Rivers of Babylon de Boney M, avant de conclure sur l’inévitable et attendu Soulstorm.

« C’est pas la première, ni la deuxième… C’est même pas la troisième fois qu’on vient au JDM ! »

Ils arrivent en territoire conquis et ils le savent ! La troupe de Danakil prend le relai et se charge de mettre encore quelques degrés de plus sur le thermomètre. C’est armé de cuivres éclatants et d’un bassiste redoutable que le groupe ouvre sa prestation. Les deux chanteurs sont en osmose avec le public, avec un naturel dont ils ont le secret.

Moment de grâce, comme on ne peut en voir qu’en festival, lorsque les festivaliers reprennent le refrain de “Je ne regrette rien” version reggae. L’énergie déployée est vraiment superbe, Danakil est un groupe extrêmement généreux.

United Nations of Gogol Bordello

Alors que la soirée suit son cours et que nous allons flâner du côté de La Cabane, retour devant la main stage pour découvrir les gypsys les plus punk du monde (ou l’inverse), qui débarquent tonitruants sur scène.

Outre l’aspect “punk américain qui rencontre les Balkans et les tziganes d’Europe de l’Est”, la musique de Gogol Bordello a la volonté assumée de se placer hors les cases. Elle se distingue de tout qualificatif en mettant au premier rang des sonorités qui viennent d’absolument partout et le tout se marie à merveille avec la voix éraillée du chanteur, d’origine ukrainienne, Eugene Hütz. 

Le rythme est infernal, la formation ne nous lâche pas un instant, avec des mélodies qui font du 100 à l’heure, du plus grave au plus aigu. C’est toujours quelque chose qui suscite la curiosité, de voir qui du violoniste, de l’accordéoniste ou du guitariste finira par emmener le public dans une transe musicale. Certains morceaux démarrent avec des notes, relativement douces, d’accordéon puis on lâche les chevaux, les membres courent sur toute la scène, le guitariste envoie des riffs survitaminés. La chanteuse, puissante, accompagne régulièrement le chanteur, sans hésiter parfois à pousser des hurlements, littéralement. Gogol Bordello c’est un cri de rage qui vient du cœur, avec tout l’amour du monde.

Au sein du groupe, les origines des musiciens sont multiples. Alors, naturellement, Eugene ne manque pas de rappeler son soutien indéfectible au peuple ukrainien. La joyeuse troupe a beau déployer une magnifique folie sur scène, ils savent également rappeler leurs convictions. Une banderole présentant un poing serré aux couleurs de l’Ukraine trône en fond de scène. C’est d’ailleurs la couverture d’un projet parut le 23 mai de « Gogol Bordello and Friends », dont les bénéfices sont reversés à « Kind Deeds », fabricant de prothèses venant en aide aux combattants ukrainiens blessés. 

Bon Fucking soir yo !

La soirée touche à sa fin pour nous, mais pas avant une ultime révérence de Gogol Bordello ! Après avoir demandé au public « d’aller emmerder les programmateurs » pour un vrai rappel, le groupe revient une ultime fois et fait durer la fête encore un peu. Enfin, Eugene conclut de la meilleure manière qui puisse être : « Bon fucking soir yo ! ».

Les plus motivés de ce début de weekend pourront encore danser furieusement jusqu’au bout de la nuit avec La P’tite Fumée, groupe emblématique d’une scène électronique / trance foisonnante qui puise des influences dans la world music (avec des rythmes tribaux, ethniques et des didgeridoos), la techno et même l’esprit de la rave.

Bravo aux organisateurs et à toute l’équipe du Jardin Du Michel 2023 pour ce lancement sans fausse note ! On vous dit à dimanche pour la suite.