Depuis deux ans, les cassettes audio ont vu leurs ventes augmenter de 103 % rien qu’au Royaume-Uni. Un phénomène impressionnant qui touche le monde entier et les artistes de tous les milieux. Alors comment expliquer cette popularité grandissante, après des années de stagnation ?

Texte par : Nicolas Sadourny

Nous avons tous connu quelqu’un de passionné par une chose considérée “has-been”, mais croyant dur comme fer qu’elle reviendrait sur le devant la scène. Et bien les passionnés de cassettes audio avaient raison. Depuis 2003, les ventes de ces petites bobines entourées de plastique étaient passées sous la barre des 100 000 unités vendues par an. Un chiffre en baisse constante, qui avait réduit les aficionados de ce support audio à quelques milliers individus sur Terre. Et pourtant…

103 % de ventes supplémentaires en un an

Depuis 2017, les ventes de cassettes à l’international n’ont cessé d’augmenter. Un phénomène porté entre autres par certains artistes ultra-populaires comme Selena Gomez ou Lady Gaga, qui vendent leurs albums en version cassette audio en plus des habituels vinyles et CD.

Le fait est que, lors du premier trimestre de 2020, plus de 65 000 cassettes ont été vendues rien qu’au Royaume-Uni. Ce chiffre correspond à plus du double de ce qui avait été vendu sur la même période en 2019. Fin 2020, la barre des 100 000 unités a été dépassée pour la première fois depuis 17 ans. Notons qu’en France, le SNEP est incapable de donner des chiffres, preuve supplémentaire du manque de prise sur le terrain du syndicat patronal des éditeurs phonographiques.

Paul Martin est directeur créatif à BandCDs (https://www.bandcds.co.uk/cassettes/cassette-tape-duplication/), une entreprise qui duplique depuis le Sud de l’Angleterre des cassettes pour des multinationales du disques et des labels indépendants en passant également par des artistes et particuliers dans le monde entier. Il a pu se rendre compte de l’engouement grandissant qu’ont connu les cassettes ces dernières années : “Nous avons pu constater une augmentation régulière de 20% sur les ventes de cassettes chaque année, et ce depuis sept ans. Nous en avons produit 350 000 l’an dernier, et nous devrions largement dépasser les 400 000 unités cette année. Notre plus grosse commande effectuée date d’il y a trois mois avec une livraison de 16 000 cassettes pour un artiste. En ce moment, nous préparons une très grosse commande de 24 000 cassettes pour un même artiste”. Une augmentation donc vraiment significative, qui ne semble pour l’instant que accélérer.

Une expérience unique

Pourtant, les amateurs de musique diront qu’en termes de qualité audio, la cassette n’est sans aucun doute pas le premier choix. La bobine magnétique se trouve bien derrière le CD, le vinyle et le numérique en terme d’authenticité. Alors, pourquoi cette attirance ?

Pour Crown, beatmaker depuis 1997, la cassette audio l’a suivi tout au long de sa carrière : “Mon tout premier projet, c’était en cassette”. Crown a fondé son label Just listen en 2005. Depuis deux ans, tous les artistes qui font partie de ce dernier sortent leurs gros projets en cassette. Le producteur a choisi de ne pas abandonner ce format, qui attire toujours une clientèle : “Les jeunes artistes d’aujourd’hui misent sur le digital parce que ça ne coûte rien. Mais il y a plein de gens de notre génération qui aiment acheter des supports physiques, tout en en ayant marre des CD. Dans ce cas, la cassette est une alternative pas chère et originale”.

Crown, beatmaker et producteur pour le label Just Listen – Crédit : MindVision

Mais ce qui pour Crown fait toute l’attirance de la cassette, c’est l’expérience qu’elle apporte : “Écouter une cassette, c’est vraiment quelque chose de particulier. Il n’y a pas de sélection de tracks, de retours en arrière instantanés. Tu appuies sur “play”, et ça défile. J’ai toujours vu ce format plutôt destiné aux DJ. La plupart de mes cassettes sont des compilations de scratch, de mix. Je pense qu’un album serait moins appréciable”.

Un avis partagé par ZUMI TNKZ, DJ et producteur : “La cassette c’est un objet léger, peu encombrant et qui ne coûte pas cher à produire, environ dix fois moins qu’un vinyle. Et évidemment, il y a toute cette dimension nostalgique qui va avec”.

Remettre les cassettes au goût du jour

Pour TNKZ, la cassette peut s’adresser à différents artistes, et revenir sur le devant de la scène selon leur utilisation : “Ceux qui ont la nostalgie de la cassette se tournent plutôt vers les mixtapes et les beat tapes. Mais je pense qu’elles peuvent aussi servir aux artistes qui veulent proposer leurs projets non-aboutis en format physique. Je pense que la cassette peut faire un grand come-back si par exemple les jeunes artistes s’en servent. Ça pourrait du coup attirer un public de leur âge, et se répandre par effet de mode. Seul l’avenir nous le dira !”.

Les cassettes audio semblent avoir encore de beaux jours devant elles, bien que, selon Paul Martin, elles pourraient de nouveau perdre en popularité d’ici une dizaine d’années. D’une part à cause des difficultés rencontrées aujourd’hui pour trouver des éléments de bonne qualité pour la fabrication [ne subsistent que peu d’usines de bandes magnétiques, notamment en Indonésie, Corée, USA et France, uniquement pour des bandes ferriques – NDLR], ainsi que l’impact environnemental de la production et livraison [qui reste néanmoins incommensurablement moindre que la production de vinyles – NDLR].

L’inventeur des cassettes audio, Lou Ottens, est décédé il y a un peu plus d’un mois, le 06 mars. Au cours des dernières années de sa vie, L’ingénieur aura pu voir sa plus grande invention briller à nouveau sur le devant de la scène.

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