Paco, c’est une histoire du rap français à lui tout seul, un pan du rap issu de l’école de Montreuil (93100) dont il n’est pas le seul à avoir émergé. Il revient ce vendredi avec l’album “Corps & Âme” où il se livre pleinement, comme à son habitude.

Interview : La Rédaction

Nous allons nous passer de ta présentation, ton parcours parle pour toi… Tu arrives vendredi avec un nouveau projet, “Corps & Âme”, disponible en CD et même en cassette audio. Comment t’es-tu mis dedans?

Sur cet album, je suis parti d’un morceau, “Corps & Âme” écrit il y a environ un an lors du confinement, un titre qui représente tellement ma manière d’être et de faire à tous les niveaux. J’ai voulu que l’album soit dans la lignée de ce morceau dans les thèmes abordés et les idées à défendre.

Cet album, solo, comporte un seul featuring avec Loko. Est-ce dû aux contraintes de la situation sanitaire actuelle ? Du fait que tu sortes d’une collab° avec Swift Guad ? Ou parce que tu avais l’envie de faire quelque chose de très personnel ?

Du tout. En terme de projets, il y a eu “Balafrés” avec Swift. Avant, il y avait eu “Baraka Feat” où j’ai réuni pas loin d’une trentaine de MC’s… J’avais envie de faire un album solo, un pavé. J’étais d’ailleurs à une vingtaine de titres et il a fallu en retirer quelques-uns pour des soucis technique ! Cet unique featuring avec Loko est dans la continuité de “Baraka…”, c’est un ami avant tout et un vrai qui rappe avec les tripes et le cœur, qui bosse à côté et assume sa famille. Le morceau s’est fait spontanément entre deux barbecues et j’ai voulu l’incorporer dans l’album car il y a sa place, tout simplement.

Ton album compte 18 titres, sans doute ton plus copieux en solo. Tu avais tant que ça besoin de te livrer quand bon nombre de rappeurs raccourcissent leurs albums et le format de leurs titres pour gagner en volumes de streaming ?

Honnêtement, je n’en ai un peu rien à foutre des codes : je fais ma musique à l’instinct, sans calculer quoique ce soit. Si j’avais pu mettre 30 morceaux, je l’aurais fait. J’étais dans une période prolifique où les textes s’enchaînaient rapidement, deux ou trois par semaine parfois. Il a même fallu que je me freine et que je garde quelques cartouches pour plus tard… Elles sont au chaud ! 

Ton précédent projet en compagnie de Swift Guad est sorti il y a un peu moins d’un an. Finalement, tu as vite enchaîné, tu avais déjà des choses de prêtes à ce moment-là ?

Le projet avec Swift s’est fait rapidement en effet, tu connais le loustic, il fallait suivre la cadence ! J’étais chaud et dans une bonne dynamique d’inspi° à ce moment-là et j’ai voulu enchaîner sur un solo, un vrai truc cohérent pour une fois. Pour “Corps Et Âme” tout a été écrit et enregistré en moins de 6 mois, le tout à la maison dans des conditions optimales à mes yeux… J’avais des thèmes à foison et le reste a suivi.

16 morceaux, 8 beatmakers… Peux-tu revenir sur la conception de cet album ? Ce sont les prods qui guident tes raps ou l’inverse ? 

Huit beatmakers de génie, tu peux le dire ! Une grosse pensée pour eux sans qui je ne serais rien. Et pour te répondre, c’est la musique qui m’inspire, l’atmosphère qu’elle dégage, les choses qu’elle me donne envie de dire. J’ai besoin d’un véritable coup de cœur avec l’instru pour écrire, sinon c’est la feuille blanche. J’ai reçu énormément de prods pour cet album, peut-être 200, c’est te dire à quel point je suis difficile là dessus. il faut que ça me parle, tout simplement.

Ton parcours, malgré une longue absence, reste très lié à Swift Guad, Mani Deïz, Montreuil… Tu revendiques toujours cette école. C’est autant une histoire de potes que de musique finalement ?

J’ai connu Swift il y a plus de 20 ans maintenant, on a démarré ensemble, c’est un ami. Pour ce qui est de Montreuil, j’y suis lié en effet, un fidèle narvalo ! Je suis né à Bagnolet, j’ai grandi à Fontenay, j’ai vécu à Montreuil… Bref, je suis resté dans ce rayon de 5 km toute ma vie quasiment, ce sont des choses qui restent gravées bien qu’aujourd’hui je sois parti très loin de cette belle grisaille. Mani, quant à lui, était dans le 91, je l’ai connu par le biais de Ol’Zico à l’époque, et on a fait le morceau “Grande Gueule” ensemble. Le début d’une belle aventure humaine et artistique.

De 2004 avec “À Base De Vers Durs” à 2021 et “Corps & Âme”, qu’est-ce qui change et surtout qu’est-ce qui te pousse à toujours rapper ?

Je pense que c’est l’envie d’écrire surtout qui prend le dessus sur tout ça. J’ai toujours des idées qui viennent, des thèmes, des phases et ce à n’importe quel moment de la journée. Je suis comme connecté H24. C’est même parfois pénible pour mon entourage ! Après, toutes les choses ont une fin et j’arrêterai un jour, certainement le jour où je deviendrai grand père !

Cet album va également sortir en cassette audio (a.k.a. K7), format analogiqueque nous apprécions beaucoup chez iHH™. Était-ce un plan ? Une envie de ressortir sur ce format ?

Quand Addictive Music m’a proposé de sortir une série de K7, j’ai tout de suite kiffé. Je suis un grand nostalgique et les gens qui m’écoutent le sont aussi. Aujourd’hui, tout est virtuel, ça streame à tout va, on passe d’un album à un autre en un clic… Je ne suis pas de cette génération, j’ai du mal avec ça… Un vrai vieux con ! Puis, tout comme le vinyle, j’aime l’objet, son authenticité. Ce sont des choses qui, je pense, ne se perdront jamais.

Tu fais partie de l’école de ceux qui écrivent, qui se racontent, se livrent… Tu parles de choses tant personnelles que touchantes… Dans tes premiers extraits de “Corps & Âme”, tu parles de la planète. Quel regard portes-tu pour toi et pour tes enfants sur la situation mondiale actuelle ? 

J’ai envie de te dire que la réponse est dans cet album justement. J’aborde ce sujet de plusieurs façons différentes dans “Petite Boule Bleue” et dans “Petit Homme” qui se rejoignent autant dans le message que dans le titre. Quand on fait le bilan de ces dernières années, de l’accélération de cette dérive… Il y a aussi les morceaux “Les puissants” et “La vie d’avant”, deux autres sujets qui me révoltent autant. Pour résumer : il serait vraiment temps que l’on pense aux enfants de nos enfants.

Tu dis, sur le morceau qui conclut l’album : “Sur les choses qui n’vont pas, je lève mon doigt, mets mon grain d’sel”. Tu te vois comme un grain de sable dans cette matrice ? Qu’elle soit musicale ou politique ?

Totalement, c’est d’ailleurs pour ça que je le dis et si je peux laisser une empreinte avec ma musique, ce sera tant mieux. J’ai toujours travaillé à côté, les priorités de la vie m’y obligent… Je n’irai pas loin avec ma retraite de rappeur !

Avec ton parcours atypique, qu’est ce qui t’a poussé à revenir ? Et finalement à être régulier dans tes sorties ?

Après mon premier album, il y a eu du changement dans ma vie. Mon fils venait de naître, ma fille est arrivée en 2006, j’ai arrêté pas mal de conneries et j’ai privilégié la vie au rap, mais j’ai aussi gardé le contact avec les potes. Swift, Sake, Zico Warlock etc. Mani Deïz a été le premier déclencheur en m’envoyant des instrus dont il a le secret, ça m’a refilé de l’inspi et l’envie. Ensuite, l’équipe Addictive Music (Stéphane et Nabil) a été le second détonateur en me proposant de bosser avec eux. Ça m’a motivé à rechausser les crampons et je ne le regrette pas ! Big up à eux ! 

Si demain ton fils ou ta fille te disent qu’il/elle veut être rappeur, tu lui donnes des conseils ? Tu le produis ? Qu’est-ce que tu fais ? 

Je lui en colle une [rires] ! Non, plus sérieusement, si tel était le cas (il ne l’est pas), je pense que je les aiderais à ne pas partir à la dérive comme certains. Être honnête, authentique et ne pas se mentir. 

Merci à toi !

Big up à vous !