Originaire de La Courneuve, K.S.A est un rappeur pétri de talent. Membre du groupe Eddie Hyde, proche de la sphère Don Dada, à la fois rappeur et chanteur, il a tout pour prendre une nouvelle envergure dans les mois à venir. iHH™ MAGAZiNE a rencontré un artiste prometteur et perfectionniste pour qui la fame est tout sauf une finalité. 

Interview : Dorian Lacour

iHH™ : Salut K.S.A, je voulais revenir brièvement sur ta carrière. Tu es dans le rap depuis plusieurs années, et tu as fondé en 2016 le label RPTG. Raconte-moi la formation de ce label ? 

En gros à la base je fais partie du groupe Eddie Hyde et d’un autre qui s’appelle Brownie Dubz Gang. Avec le temps, on s’est rendu compte que c’était important d’avoir un label qui créerait notre identité aux deux groupes. On s’est dit qu’on devait se protéger, pour les contrats, les projets à venir. Alors on a créé le label RPTG composé des deux groupes et des membres solo de chacun des groupes. Maintenant c’est comme un mouvement, ça nous pousse.  

iHH™ : C’est important pour toi d’avoir ton propre label, même si tu n’es pas le seul derrière ? 

Par rapport à ma vision du jeu, ce que j’ai envie d’entreprendre, oui c’est important. J’écoute beaucoup de rap américain, je vois plein de mecs, tu les connais pas, tu as jamais entendu parler d’eux, mais il ont déjà leur label, leur identité. Tout est clair, et c’est important pour développer sa carrière. Donc bien sûr avoir le label RPTG c’est crucial pour moi.

iHH™ : Parle-moi aussi de Eddie Hyde. Qu’est-ce-que ça t’apporte de faire partie de cette aventure ? 

Avant d’intégrer Eddie Hyde je commençais déjà à écrire seul. Quand j’ai rencontré 3010 et que j’ai intégré le groupe j’ai appris une nouvelle manière de travailler. J’ai atteint de nouvelles limites, on apprenait, on testait, on créait notre univers, notre monde. Ça m’a apporté beaucoup de confiance en moi. 

iHH™ : Tu restes très attaché à La Courneuve. C’est important pour toi de représenter l’endroit d’où tu viens ? 

Bien sur, surtout de ne pas oublier d’où tu viens. Après, je te le cache pas, mon ambition c’est pas de rester à La Courneuve et d’en devenir maire ! Je veux vivre une vie tranquille sur la Côte d’Azur dans une belle villa avec ma famille. Mais il faut toujours se rappeler de l’endroit d’où l’on vient, c’est très important. 

iHH™ : Justement, on sait qu’il y a un véritable vivier de talents là-bas. Tu penses que toi et d’autres pouvez mettre la lumière sur votre ville grâce au rap ? 

Personnellement je pense qu’on est en train d’y arriver, petit à petit. Peut-être que dans un ou deux ans, quand chaque artiste sera confirmé, La Courneuve fera comme des villes comme Sevran. Mais si tu regardes bien, il y a déjà 4Keus, 4Keus Gang, il y a Dinos, y a même Prime qui est de là-bas. C’est des gens très suivis, ils sont en train de faire en sorte qu’on mette vraiment la lumière sur chez nous. J’espère pouvoir faire partie de ces gens qui ramènent la lumière sur notre ville. 

iHH™ : Tu as un parcours assez atypique dans le rap, dans le sens où tu pratiques également le gospel. Comment t’est venue cette passion ? 

En vrai mon approche de la musique à la base s’est faite par le chant. Quand j’étais plus jeune je voulais être un chanteur de R’n’B, un Usher ou un Sisqó. C’est après que j’ai commencé à apprécier le rap. J’aime le hip-hop, mais plus le côté danse à la base. Quand j’ai commencé à manger des DMX, Mystikal, Wu-Tang, ça m’a incité à faire du rap. Pour ce qui est du gospel, en fait j’ai intégré une chorale gospel au collège et ça m’a beaucoup servi : comment se comporter sur scène, les prises de souffle, tout ça je le dois au gospel. 

K.S.A par Emmanuel Garcia (@ivry.zoo)

iHH™ : Est-ce-que ça influence ton rap ou pas du tout ? 

Je fais la part des choses. Pour moi ce sont deux choses qui se traitent différemment. Par exemple un rappeur peut feater avec un gars au refrain R’n’B et ça va être super, je pense au morceau entre Nas, Big Sean et Don Toliver [“Replace Me” – NDLR] qui est sorti y a pas longtemps. Sur le refrain l’arrivée de Don Toliver elle déboite. Mais pour moi c’est important de faire la part des choses pour pouvoir bien faire les deux. Même si les deux se marient magnifiquement bien, ce ne sont pas les même codes. 

iHH™ : Je voulais revenir sur ton album “Clochard de luxe” en collaboration avec DJ Weedim. Quel souvenir gardes-tu de ce moment ? 

C’est un super souvenir. J’étais un fan de ce que faisait DJ Weedim. Quand j’ai eu l’opportunité de faire un projet avec lui c’était vraiment important pour moi. C’était une grosse étape dans ma carrière, parce que j’étais juste le petit gars d’Eddie Hyde. Ce projet m’a montré une manière différente de travailler aussi, ça m’a donné de la force. Ça fait du bien, ça m’a confirmé là où j’en étais. C’était important que ça se passe comme ça, pour que je puisse être à l’aise, c’était le destin que je fasse ce projet. Je voulais tellement taffer avec DJ Weedim que ça s’est fait naturellement, on a pas forcé le truc. 

iHH™ : Travailler un projet avec un seul beatmaker, qu’est-ce-que ça apporte ? 

Ce qui change c’est que tu es plus tout seul dans ta bulle. Par exemple même avec Eddie Hyde quand on écrivait des morceaux en groupe, tu écoutes l’instru à plusieurs mais après t’es tout seul. C’est toi et la prod°. Quand un beatmaker entre dans la boucle faut que vous soyez tous les deux en harmonie, que vous soyez sur la même longueur d’onde pour que la magie opère. Tu dois vraiment prendre en compte le musicien qui est en face de toi, pour que ça fasse de la bonne musique. 

iHH™ : Depuis tu as multiplié les projets et les apparitions. Parle-moi de l’imagerie de tes derniers projets, et en particulier des pochettes. Comment te viennent les idées ? 

En vrai j’ai ma vision du truc. Quand j’étais petit y avait des CDs que je prenais juste à cause de la pochette, pour moi c’est important d’avoir une image qui donne envie de regarder le clip ou d’écouter le son. En plus on est dans un monde où le visuel est hyper-important. Par exemple pour “Swishland” j’avais la vision d’un monde bizarre, où j’étais le maitre de ce monde. J’avais plein d’idées et avec mes gars de WWWESH STUDIO™ on a discuté et ça s’est fait comme ça. Moi j’ai le brouillon on va dire et les gars autour de moi m’aident à peaufiner le truc pour que ce soit au plus proche de ma vision. C’est ce qu’il s’est passé pour la cover de “Swishland“, les gars de WWWESH STUDIO™ étaient connectés avec un graphiste aux États-Unis [@texassatrdust – NDLR]. On lui a expliqué mon idée de ce “monde-île” bizarre. Il a réussi à retranscrire ce qu’on imaginait. C’est un travail d’équipe. 

iHH™ : Tu es aussi très proche de Don Dada Records et d’Alpha Wann. Tu as participé à sa tournée l’an passé. Quel souvenir gardes-tu de ça ? 

Franchement j’ai eu deux fois cette sensation. La première fois c’est quand on a sorti l’album “La malédiction du Nord” avec Eddie Hyde. C’était comme un accomplissement dans ma vie. La deuxième fois c’était cette tourné de concerts, c’est plus qu’un rêve. Y a aucun endroit où je me sens mieux que sur scène, c’est là où ta musique prend vie. Pendant un an j’ai pu tester ma musique sur des gens qui ne me connaissaient pas, c’était une expérience inoubliable. En plus j’étais face à un public assez solide dans ses goûts, un public qui aime la qualité. Même si Alpha et moi c’est différent les gens ont vu la qualité en moi. Ils chantaient les refrains, on m’envoyait des messages, ils cherchaient mes sons sur les plateformes… C’est que du positif.  

iHH™ : D’ailleurs vous y revenez avec Alpha Wann et Infinit’ sur le morceau “UMLA Tour“. C’était quoi l’idée avec ce track ? 

C’était histoire de marquer ce moment pour nous trois. Quand t’es en tournée tu vis des expériences inoubliables. Je pense que Infinit’ avait besoin qu’après ça on puisse le marquer en musique. Évidement j’ai accepté. 

iHH™ : Et en parlant d’Alpha Wann, vous êtes revenus ensemble sur le “CDN Freestyle” il y a quelques semaines. C’était quoi l’idée avec ce morceau ? 

En fait on travaille sur la mixtape Don Dada qui va bientôt voir le jour. Au début on a fait des séries de morceaux et celui-là c’était un de ceux qu’on kiffait le plus. Une prod° de JayJay et LamaOnTheBeat, real trap shit. On a tout donné, c’est un morceau pour les kiffeurs de sons. J’ai eu des mégas retours, j’ai fait le plus haut nombre de vues de ma carrière ! C’est sympa et puis ça prépare pour la mixtape Don Dada.

iHH™ : Cet été tu avais également sorti “Purple Tour Eiffel”, et par rapport au freestyle c’est beaucoup plus mélodieux. C’est essentiel dans ton rap d’alterner entre le découpage de prod° et les flows mélodieux ? 

Oui c’est très important parce que ça fait mon identité. Comme je te disais j’ai fait du gospel, du chant et ensuite du rap. C’est important de mixer les deux pour créer mon monde, que les gens me reconnaissent grâce à ça. Ça me permet d’avoir une identité, de faire un truc différent. Même si maintenant tout le monde chante et que tout le monde rappe, moi je veux apporter une autre qualité, une autre vision du truc. Avant de lancer un de mes morceaux c’est la surprise, tu te dis “ah ouais qu’est-ce-qu’il va nous faire cette fois ?”

iHH™ : Quelle importance tu donnes au choix des prod° ? 

C’est très important, je peux pas poser sur n’importe quoi. J’ai grandi avec des beatmakers qui ont fait mon identité. Je maitrise leur son et je sais jusqu’où je peux l’amener. Je pense à JayJay, à Lama, à Jeffe, c’est vraiment des mecs qui font des instrus de qualité, ils font attention aux petits détails. C’est pour ça qu’ensemble on est une arme de destruction massive. 

K.S.A par @miaskick

iHH™ : On t’a aussi retrouvé sur d’autres morceaux cette année. Je pense notamment à “Payday” de Loveni. Tu pourrais m’expliquer comment la connexion s’est faite entre vous ? 

En fait Loveni c’est un gars à moi depuis très longtemps. Depuis qu’on a lancé Eddie Hyde avec les Bon Gamin [Ichon, Loveni et Myth Syzer – NDLR] on se voyait déjà. Ça faisait un moment qu’on ne s’était pas revus, on avait déjà fait un morceau ensemble qui n’est jamais sorti. J’étais au studio, Loveni est passé me voir, on a écouté les prod° et c’était partie. D’ailleurs quelques jours après on a appris le décès de Kobe Bryant quelques jours après, s/o Kobe. C’est important pour moi de sortir de mon cercle, de faire des trucs avec des rappeurs avec lesquels les gens n’ont pas l’habitude de me voir.

iHH™ : Peut-être que je me trompe mais j’ai l’impression que tu n’es pas dans une course aux ventes ou à la visibilité. Est-ce-que je me trompe ? 

Je pense que tu as raison, parce que si je cherchais de la visibilité je ferais le rap que tout le monde fait. J’ai mon identité, j’ai envie d’amener mon truc. J’ai pas envie de suivre un rail parce qu’on doit suivre ce rail-là. Plus tard je pourrais me regarder dans la glace et me dire que je suis fier, que je suis resté moi-même. Je sais que je me mets une balle dans le pied en faisant ça, on est pas aux États-Unis ou au Canada, en France on est très très français et on est “à propos” de ça. Après il y a un nouveau créneau qui s’est créé, les gens ont une nouvelle mentalité, c’est juste que ça va mettre un peu de temps et je pense que j’atteindrais mon objectif. Je cours pas après la fame. C’est pas parce que personne te regarde que ce que tu fais est mauvais. 

iHH™ : Qu’est-ce-qui figure dans ta playlist en ce moment ? 

Ce matin c’était l’album de Deen Burbigo [“Cercle vertueux” – NDRL], le morceau “Savoir-Faire” plus précisément. Sinon j’écoute beaucoup de musique d’Atlanta, Doe Boy & Southside qui ont sorti un projet [“Demons R Us” – NDLR], NAV & Wheezy… On parlait des duos beatmakers-rappeurs, aux States ils sont à fond là-dessus. J’écoute aussi “5G” de Booba pour être au courant, mais ma playlist c’est vraiment l’Amérique. J’aurais du vivre à Atlanta en vrai, je suis très influencé par leurs sonorités. 

iHH™ : C’est quoi tes objectifs dans le rap, à long ou court terme ? 

Franchement j’aimerais apporter une nouvelle vision de ce que les gens ont connu avant. Créer une nouvelle branche et qu’à travers celle-ci d’autres émergent, qu’on crée une espèce d’unité pout défendre notre musique. Après bien sûr j’ai l’ambition de faire un album, pour que les gens apprécient ma musique. Reprendre les concerts aussi quand ce sera possible, j’adore ça. Mon objectif aussi c’est de développer RPTG à fond, pour pouvoir réaliser nos plus grands rêves. 

iHH™ : Qu’est-ce-qu’on peut attendre de toi maintenant ? 

Quelque chose va tomber du ciel très vite. C’est la période de la Don Dada mixtape, ça peut tirer à tout instant. Personnellement, je prépare un morceau avec Slimka et Di-Meh, un single. Je suis dans une dynamique où j’ai envie de partager avec les gens qui m’entourent. 


Pour découvrir un peux mieux K.S.A, vous pouvez l’écouter juste ici :