Sa poésie écarlate, le courroux de ses vociférations, ses mélopées déchirantes, son cri d’amour, ses sanglots ravalés, ses tempêtes d’onomatopées continueront de palpiter en nous. Paix à la diva prolétaire Catherine Ribeiro…

De sa voix incandescente, la fille d’ouvrier chantait : “J’ai appris mon enfance / Face aux fumées d’usine / Par les chemins de grèves / Empruntés par mon père”. Elle est restée fidèle à ses rêves, irréductiblement, malgré la violence des épreuves qui, à trop de reprises, l’ont frappée. “Je l’ai échappé belle plusieurs fois”, me souffla-t-elle à l’oreille, en 1994, lors d’une interview. Et rajouta : “Je ne crains pas la mort, c’est plutôt une compagne. En revanche, la mort d’un anonyme, quel qu’il soit, m’arrache quelque part. La mort d’un sans logis, la mort d’un migrant, la mort d’un militant, la mort d’un enfant, cela me ravage…”. Pour elle, chanter, c’était résister, et offrir sa voix aux sans voix.

Catherine Ribeiro, “Le Chant Des Partisans”, aux Bouffes du Nord en 1995, son magnifique a cappella

D’une sensibilité vive comme le feu, et jamais émoussée, Catherine Ribeiro a souffert, incessamment, jusqu’à son ultime souffle, meurtrie par l’immonde organisé par le monde impitoyable des puissants. La poète prolétaire a souffert, jusque dans les tréfonds de son cœur, jusque dans la chair profonde des mots. Elle, dont le verbe en barricade irradia la jeune militante que je fus à partir du début des années 1970, me fit l’honneur, plus tard, de m’offrir sa confiance.

Photo : D.R.

En 1996, elle m’adressa une lettre, après avoir lu mon compte-rendu, dans le quotidien L’Humanité, de son concert à la Fête de l’Humanité. “La fin de ton article m’a émue jusqu’aux larmes”, confie-t-elle, évoquant la conclusion de l’article :

“La brûlante diva embrase notre conscience pour mieux embrasser nos rêves. De sa hardiesse, la Ribeiro libère la source miraculeuse de l’espoir. En écho à la fameuse chanson de Louis Aragon et de Jean Ferrat, nous voudrions lui murmurer : Que serions-nous sans toi, qui vins à notre rencontre, dans cet immense foyer, au cœur de notre Fête”.

En 1996, elle avait publié l’album “Vivre Libre”, enregistré en live aux Bouffes du Nord, sous la direction musicale du pianiste et arrangeur Michel Précastelli. Outre ses propres textes et “Le Chant Des Partisans”, elle interprète, en ce disque, des chansons de Jacques Brel, Barbara, Louis Aragon et Jean Ferrat, Léo Ferré, Colette Magny… Des perles qui prennent, sur le fil de sa tendre véhémence, des lueurs singulières, d’une violence retenue et d’un amour infini.

En 1972, sa chanson “Paix” me foudroya. Catherine Ribeiro y rend hommage aux humbles bafoués, aux migrant.e.s, mais aussi à la nature martyrisée, aux animaux exploités… En effet, au fil de l’envoûtant rock expérimental de son groupe Alpes, elle évoque le “courroux de l’homme qui a faim”, “la rage des opprimés”, “nos ventres – grands réservoirs de poubelles académiques”, “celui qui marche sur les routes Jusqu’aux horizons sans fin”…

Elle n’oublie pas de célébrer le “cheval de labour”, les “âmes mal-nées qui enfantent des cauchemars”, “[les] rivières, [les] mers, [les] océans / Qui accouchent de poissons luisants de gas-oil”, “Celui qui n’est plus / Et qui toute sa vie a trimé attendant des jours meilleurs”.

Paix à toi, notre Amie, dont la tendresse indomptable nous sera à jamais une nécessité…

Par FARA C.

Catherine Ribeiro, “Paix” (1972)