Nouvelle soirée au Nancy Jazz Pulsations 2022. Le cadre reste le même : le chapiteau de la Pépinière de Nancy. L’affiche, quant à elle, change drastiquement. Au programme de ce soir, les douces mélodies de Gabi Hartmann et ses musiciens, puis l’incroyable création mêlant musique et cinéma : Eastwood Symphonic.

Paris, Londres, Rio de Janeiro

On aura beau chercher, difficile de trouver meilleur programme pour un lundi soir. C’est la chanteuse Gabi Hartmann qui démarre la soirée tout en délicatesse. Si le style musical n’est pas précisé, c’est parce qu’il n’est pas évident à résumer de prime abord.

La voix feutrée et soul de Gabi Hartmann nous fait très rapidement penser à Norah Jones. On ne croit pas si bien dire, le producteur de cette dernière, Jesse Harris, suit également de près la carrière de Gabi Hartmann. Au niveau des sonorités, on oscille bien souvent entre couleurs jazz, chanson française et héritage bossa nova du Brésil.

Gabi Hartmann chante donc, en toute logique, en anglais, en portugais mais aussi en français. Elle dédie même l’un de ses titres au grand Henri Salvador. Les morceaux s’enchaînent et parviennent à faire voyager l’audience, au gré des expériences de vie de la chanteuse. Un beau moment.

Gabi Hartmann, accompagnée d’un sextet, défendra la sortie de son premier album le 24 janvier 2023 à la Seine Musicale, à Paris.

Quand le 4ème art rencontre le 7ème

Alors que les petites mains s’affairent sur scène pour disposer l’orchestre de l’Opéra national de Lorraine, nous attendons désormais la venue d’Eastwood, Kyle de son prénom. Si le père ne nécessite aucune présentation, le fils est plutôt connu des aficionados de jazz. Ce soir, cela tombe bien, tout le monde s’y retrouve.

La création Eastwood Symphonic : une interprétation grandiose des titres des films de Clint Eastwood, est rendue possible par le travail d’arrangements de Kyle Eastwood et de son quintet, ainsi que par la direction du chef d’orchestre et compositeur luxembourgeois Gast Waltzing.

Jazz à la baguette

La rétrospective musicale s’ouvre avec magnificence sur les thèmes de « Magnum Force » puis de « Dirty Harry ». L’orchestre apporte une puissance évidente aux morceaux dès le départ, mais il sait aussi donner de l’espace aux envolées jazz plus « improvisées » des musiciens du quintet. Plongée au cœur des années soixante-dix.

Les morceaux sont ponctués par des extraits vidéo mettant en scène Kyle et son père, discutant avec simplicité des bandes originales des films. On comprend donc alors que le titre suivant sera un hommage flagrant à John Williams puisqu’il s’agit du thème de « The Eiger Sanction » 

L’accent est mis sur le fait que cette œuvre de Williams reste boudée au sein de la discographie du compositeur. Bien que relativement connue, la musique de « The Eiger Sanction » se voit encore éclipsée par des performances indéboulonnables comme pour « Star Wars », « Jurassic Park » ou « Superman ». C’est bien dommage, car la musique se place ici comme véritable colonne vertébrale de la pellicule. Les sonorités jazz rappellent l’intrigue américaine, emboitant le pas aux évènements en Europe (en Suisse précisément) avec la résurgence du classique, et donc de l’orchestre. Un véritable dialogue est à l’œuvre sous nos yeux.

Les élans grandiloquents reprennent de plus belle avec les thèmes de « Letters from Iwo Jima » et « Flags of Our Fathers ». Kyle Eastwood participe depuis de nombreuses années aux films réalisés par son père, que ce soit en tant que compositeur autant qu’aux arrangements. Il ne s’agit donc pas simplement d’un hommage mais bien d’insuffler une nouvelle âme en live à certains titres, que Kyle lui-même a fait naître.

The Good, The Bad and the Beautiful

A mesure que l’assemblée progresse et retrace les succès, le plaisir se fait grandissant. L’orchestre entonne les titres de « Gran Torino » et de « Changeling ». Le quintet garde toujours un rôle majeur au sein de la prestation, permettant à chaque musicien de dérouler des improvisations percutantes. Bravo au pianiste, au saxophoniste, au trompettiste, au batteur et bien évidemment à Kyle Eastwood à la basse et contrebasse.

Alors que l’on touche au dernier acte du concert, la discussion entre Kyle et Clint oriente l’orchestre vers les œuvres magistrales et intemporelles de deux monuments italiens : le compositeur Ennio Morricone et le réalisateur Sergio Leone. 

C’est un moment particulièrement attendu, on ressent presque un état de fébrilité lorsque les thèmes de « For a Fistful of Dollars » et « The Good, the Bad and the Ugly » résonnent. Pour ce voyage en territoire western spaghetti, il faut encore une fois souligner le travail minutieux effectué par Kyle et Gast Waltzing au niveau des arrangements. Les mélodies prennent de la hauteur et parviennent presque à se détacher du canon western. La musique est transcendée, on termine en apothéose.

Bravo aux nombreux musiciens, bravo à l’orchestre de l’Opéra national de Lorraine, à Gast Waltzing, à Kyle Eastwood et à son quintet. Enfin, merci à Clint Eastwood de continuer à faire rêver petits et grands avec une filmographie impeccable, nimbée de grande musique.