Sa voix d’or illuminait la musique “made in France” depuis des décennies. Que Karl “The Voice” Leury repose en paix, lui, le frère d’art et d’âme qui a offert son chant à nombre d’artistes hip-hop d’Expression Direkt à Princesse Aniès, en passant par DJ Damage, le Secteur Ä, Rim’K, Antilop Sa, Tunisiano, Khéops, etc. Jî Dru, Rodolphe Lauretta et Kohndo nous confient leur peine et leur admiration.
C’est par un post, sur les réseaux sociaux, signé de Jî Dru, éminent flûtiste, compositeur et collaborateur de la charismatique chanteuse Sandra Nkaké, que la nouvelle m’est tombée dessus, le 13 février. Infinie tristesse… On ignore encore les raisons du décès soudain du vocaliste, auteur, compositeur et producteur né en Martinique. Toute la rédaction de iHH™ Magazine adresse ses condoléances à la famille de Karl, à ses proches et à la constellation musicale en deuil…
Connu, notamment, pour son habileté à renouveler la house music, Karl The Voice n’a cessé d’enjamber allègrement les frontières, de la soul au rap, en passant par la funk, le jazz et, bien sûr, l’héritage caribéen. Dans son titre emblématique “Mon Île”, il évoque sa Martinique natale. Par sa pratique artistique résolument ouverte, Karl nous montre que la musique est, comme l’humanité, une et indivisible.
“Son surnom lui vient de Loik Dury, avec qui il officiait sur Nova, nous rappelle Jî Dru. Karl est une part d’histoire de musique en France : bassiste de Taxi Girl, fan de house des débuts, chanteur solaire de soul… Ami fidèle et solide musicien, il a partagé la scène avec nous au sein de Push Up!, collectif engagé de soul [réunissant Sandra Nkaké, Jî Drû, Karl The Voice, le poète Allonymous et le pianiste Jean-Phi Dary – NDLR]. Producteur infatigable, il est aussi un acteur du monde associatif et musical du quartier La Chapelle qu’il habite depuis 30 ans”.
Jî Dru continue de parler au présent de Karl. Pour lui, pour les mélomanes, Karl The Voice est et sera toujours parmi nous… Jî poursuit : “Karl est une belle âme, qui habite nos vies depuis des décennies. Sandra Nkaké a commencé le métier à ses côtés dans les Soultimbanques, avec Kova Rea, Janice Leca et Gerald Toto (tous deux sont originaires de Tartane, en Martinique). Il suffit de taper son nom sur Internet pour voir à quel point Karl est artisan de la musique et combien son réseau dépasse les clivages musicaux, réconcilie toutes les familles”.
En outre, dans le cadre du remarquable album “Kreolia” publié par le saxophoniste et compositeur Rodolphe Lauretta, Karl The Voice a conjugué son élégante inventivité avec le leader. “Je connaissais Karl depuis longtemps, nous partagions des liens forts en commun avec Jî Dru, mais je n’ai eu l’occasion que tardivement de travailler avec lui, nous confie Rodolphe Lauretta. Je l’avais entendu auprès du saxophoniste jazz Julien Loureau, avec les rappeurs Stomy Bugsy et Doc Gynéco du Secteur Ä, et dans les jams parisiennes, notamment au Glazart. À la sortie de mon 2e opus, “Kreolia”, je lui ai proposé d’interpréter un titre de l’album, “We All Are One”, sur lequel, chante, dans le disque, le grand Dwight Trible, qui vit en Californie. D’emblée, Karl The Voice s’est emparé de cette chanson, il y a infusé la pureté de sa voix et son sens de l’improvisation. Ce fut un honneur de partager quelques scènes avec lui au sein de mon groupe”. Le concert au Parc Floral de Vincennes en août 2023 appartient aux sommets musicaux partagés par Karl et Rodolphe, qui précise : “Je me rappelle que son regard avait brillé, lorsque nous avions réalisé que le foyer de nos familles respectives était à Trinité, en Martinique”.
Karl The Voice nous semblait éternel. Il donnait tant. Son talent est aussi grand que sa bienveillance et sa modestie. Sa voix ductile comme l’or, et gorgée de groove, s’est mise au service de personnalités hip-hop aussi diverses que Stomy Bugsy, les Neg’ Marrons, Passi, Doc Gynéco, Assassin, Rim’K, Kohndo… En 2014, il participait au concert de reformation du Ministère Ä.M.E.R., à l’Olympia. Dix ans plus tard, début 2024 , c’est avec, entre autres, DJ Noise et le “prince des lascars”, Stomy Bugsy, qu’il se produisait.
Pour le rappeur à la conscience affûtée Kohndo, “Karl, du haut de ses 65 ans, brûlait d’une éternelle jeunesse”. Et Kohndo de conclure : “À l’instar de son chant, il était profond, humain et malicieux. Les discussions avec mon grand frère Karl me manqueront, tout comme sa voix, son rire et son esprit”.
Propos recueillis par FARA C.
Facebook de Karl The Voice :
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