Rédaction : Sébastien Muzi
Photographies : Maude JNVX
Retour sur une soirée mémorable à la Rockhal pour un concert de Gorillaz à guichet complet produit par Den Atelier. 6000 personnes ont répondu présent à l’appel pour retrouver sur scène le groupe de Damon Albarn, à l’occasion de son retour après 5 ans d’absence au Luxembourg.
En 2010 sortait un album de Gorillaz intitulé « Plastic Beach », fier successeur de deux galettes qui avaient déjà marqué leur temps, respectivement « Gorillaz » (2001) et « Demon Days » (2005), ce dernier rejoignait le canon, la légende. S’en suivait une tournée phénoménale « Escape to Plastic Beach World Tour », un album enregistré au cours des voyages : « The Fall » (2011) dont la particularité reste d’avoir été entièrement composé sur iPad puis… une révérence, tombé de rideau.
Il fallut alors se rassurer et espérer, autant que faire se peut, un hypothétique retour de 2-D et sa bande, de Damon Albarn et Jamie Hewlett, selon le point de vue.
Ce n’est qu’en 2017 que les choses se remettent en marche et il fallait bien quelques années pour revenir avec un nouveau chapitre marquant de la saga Gorillaz. L’album « Humanz » sort au printemps et propose pléthore de titres ultra efficaces comme « Saturnz Barz », « Andromeda » et comme toujours des invités prestigieux. Pour « Hallelujah Money », Gorillaz fait appel à Benjamin Clementine, le clip faisant référence à l’investiture de Donald Trump, alors fraichement élu aux Etats-Unis.
« Press the button to begin »
Avec une énergie renouvelée et une créativité toujours folle, le groupe embarque pour une nouvelle tournée. C’est en novembre 2017 qu’il débarque à la Rockhal et que nous avons l’opportunité de découvrir la mouture flambant neuve de Gorillaz sur scène.
Depuis, les acolytes Albarn-Hewlett n’ont plus raccroché les gants. Au contraire, Gorillaz a régulièrement alimenté les fans avec de la nouveauté, que l’on y ait trouvé son compte, ou non. En 2018, c’est l’album « The Now Now » qui emboite le pas, puis en 2020 « Song Machine : Season One » et enfin un EP en 2021 : « Meanwhile EP ».
Au milieu de tout cela, Damon Albarn trouve tout de même le temps de composer un album solo : « The Nearer the Fountain, More Pure the Stream Flows », inspiré de paysages islandais et ayant pris forme pendant le confinement de 2020, il ne faudrait pas se risquer à trois minutes d’inactivité.
Très récemment, Gorillaz a amorcé la suite (encore !) avec une direction artistique Hewlett-ienne qui évolue perpétuellement et semble faire référence à une forme de culte. Le premier titre « Cracker Island » en collaboration avec Thundercat est sorti le 22 juin 2022.
Le groupe a également lancé une tournée mondiale, qui court jusque fin octobre. En petits chanceux que nous sommes, la portion estivale de celle-ci fait un nouveau crochet au Luxembourg, sur la scène de la Rockhal, grâce à l’Atelier. C’est parti.
Let’s join the last cult.
Le groupe de Damon Albarn se déplace rarement seul et nous découvrons avec plaisir Mr Jukes & Barney Artist pour une première partie qui sonne indéniablement hip-hop. Le duo chauffe la salle et donne envie d’en savoir plus dès la fin du concert ! Barney Artist a d’ailleurs participé à l’émission Colors en 2017.
Comme à son habitude, Gorillaz propose une expérience totale sur scène. En plus d’une formation imposante qui compte plus d’une dizaine de musiciens (deux batteurs, des choristes, deux claviers, un guitariste, un bassiste… et Damon Albarn évidemment !), le fond de scène est encore une fois occupé par un écran gigantesque qui illustre les morceaux avec les décors et personnages de Jamie Hewlett. L’univers riche de Gorillaz doit pouvoir se déployer pleinement aux yeux du public.
Les musiciens font leur entrée sur le titre « M1 A1 », dans lequel est samplé un passage inquiétant du film « Day of the Dead » de George Romero. En plus de saluer le public, le groupe peut ainsi faire forte impression d’entrée jeu car le morceau se mue rapidement en rock percutant, à l’aide de la guitare saturée.
Gorillaz sait dérouler la trame du concert en emmenant son public au gré des albums. On commence donc avec « Strange Timez » en collaboration avec Robert Smith de The Cure, dont le visage apparaît dans la Lune (logique) à la manière d’un film de Méliès. L’enchainement se fait avec « Last Living Souls » et « Aries ».
Sur « Tomorrow Comes Today », Damon Albarn prend le temps de recommencer car le mélodica est défectueux. Cet instrument au son si reconnaissable fait largement la marque de fabrique de plusieurs titres de Gorillaz, autant se munir correctement !
Les visuels s’enchaînent et retracent les aventures de Murdoch, 2-D, Noodle et Russel. C’est d’autant plus appréciable que le titre « Rhinestone Eyes » démarre et qu’il faut rappeler le non-aboutissement du clip de ce dernier, censé apporter des informations cruciales sur le déroulement de l’arc narratif de l’album « Plastic Beach ». Magie de l’internet, les storyboards ont finalement trouvé monteur et le résultat est disponible ici.
Avant de dévoiler la version live du tout récent (et donc pratiquement inédit) « Cracker Island », Damon Albarn et sa clique offre au public « 19-2000 », qui a fait les belles premières heures de Gorillaz.
Pour la suite, Damon opte pour un instant d’intimité au piano avec l’introduction revue de « O Green World ». On reste dans la thématique plus douce avec « On Melancholy Hills » et « El Mañana », deux morceaux teintés de nostalgie.
On reprend de l’aplomb avec un titre assez rare : « Rockit » présent sur les « D-Sides » du groupe, datant de 2007.
Damon Albarn ne parle pas beaucoup, mais lorsqu’il le fait, il s’assure d’apporter des informations assez singulières. En témoigne le titre suivant « 5/4 » qui tient son nom de la mesure utilisée. Celle-ci est asymétrique et se prête donc moins bien à l’exercice d’un titre « pop ».
Gorillaz sait aussi aborder des questions sensibles dans ses titres, « Kids with Guns » ne prend aucun détour pour expliciter la teneur des paroles. Michelle Ndegwa se charge ce soir de reprendre les paroles de Neneh Cherry et parvient à donner une outro grandiose au morceau.
On vogue toujours au rythme des envies de Gorillaz. Après le très dansant « Andromeda », la part belle est faite aux choristes avec « Dirty Harry », qui reprennent les chants des enfants. Le tout est sublimé par la présence surprise de Bootie Brown, membre fondateur de The Pharcyde et rappeur originel du titre.
La dernière partie du concert verra s’enchaîner « Momentary Bliss » (en collaboration avec Slowthai), « Plastic Beach », « Pink Phantom » présentant le rappeur 6lack et une version animée d’Elton John à la sauce Hewlett, et « Stylo ».
Feeling good.
Avant de plier bagage, Gorillaz dispose encore de quelques munitions et pas des moindres. Il est pratiquement inconcevable de se quitter sans « Feel Good, Inc. » et « Clint Eastwood ». Qu’à cela ne tienne, pour l’occasion, Damon Albarn a convié du beau monde (oui, encore). Ce n’est autre que De La Soul qui monte sur scène pour le premier titre, faisant l’exaltation du public. Enfin, Sweetie Irie débarque pour la reprise Reggae/Dub de « Clint Eastwood » de DJ Ed Case, comme sur le tout premier album de Gorillaz. L’émotion est évidemment à son paroxysme.
Avec pratiquement deux heures d’un show ultra maîtrisé, Gorillaz a su ravir le public présent, venu remplir de 6000 âmes le « main hall » de la Rockhal, qui affichait donc complet. Bravo à Damon Albarn et à ses musiciens, bravo aux choristes et aux invités surprises. Merci à Den Atelier pour une date qui restera marquée dans nos esprits pour un bon moment.