Texte : Maude JNVX

Nous nous sommes glissés pour la deuxième année consécutive dans les 37 000 visiteurs quotidien du WOO HAH !, un des plus gros festivals hip-hop des Pays Bas, du 12 au 14 juillet, à Beekse Bergen, près de Tilburg. Cette année, la programmation était tenue par de nombreuses têtes d’affiches très attendues comme Travis Scott, Schoolboy Q et Stormzy. Retour sur un weekend sold out sous le signe du hip-hop.

Vendredi

L’an dernier, le Woo Hah ! nous avait régalé. Un temps superbe avait accompagné notre weekend, la chaleur provoquant d’ailleurs d’impressionnants nuages de poussière pendant les mosh-pits qui avaient donné au site un air post-apocalyptique à la Madmax. Cette année les organisateurs avaient pris les devants, recouvrant le sol qui borde le lac de carreaux de plastique pour étouffer le sable et allant jusqu’à vendre des masques floqués « Woo Hah ! » aux différents stands.

Malheureusement, ce n’est pas un grand soleil estival qui accompagne ce début de weekend, le festival ouvrant ses portes sous une fine pluie qui rafraîchit les campeurs, bardés de matériel, attendant la fouille avant de trouver un emplacement au camping en bord de plage. Après une petite demi heure d’attente, nous pénétrons enfin dans l’enceinte du festival.

On retrouve la Desert Stage, mais aussi la Forest, la Waterfront et la Snipes. Le « Lil Cube », défricheur de talents locaux, se dresse toujours au beau milieu de la forêt, au bout d’un chemin guidé par quelques lampions (il faudra attendre qu’il fasse nuit pour mieux profiter du panorama). Les food trucks sont, comme l’an passé, nombreux. On change quelques tokens, et nous voilà partis pour le premier concert de la journée.

Comme l’année dernière, la programmation manque de femmes. Sur la journée du vendredi seules Tokimonsta et Rico Nasty assurent le show sur un total de 19 artistes. La plus grande scène, Snipes Stage, est fermée pour la journée. Direction la Forest pour débuter le festival avec Lil Mosey. Comme de nombreux artistes de son époque, on assiste à un show moitié playback, moitié cris d’encouragement à la foule, peu original, le rappeur back ses propres morceaux, mais le public semble ravi. Puis nous décidons d’aller découvrir le duo « They. » à la Waterfront Stage, scène à taille humaine qui jouxte le lac.

Belle surprise ! Le duo américain de R&B nous vient tout droit de Los Angeles et a sorti en 2017 « Nü Religion : Hyena ». Sur scène, ils assurent le show, chantent, rappent, jouent du piano, vont jusqu’à faire monter sur scène une demoiselle du public pour lui chanter la sérénade, confortablement assise sur une chaine. Très cool à voir en live, et à écouter au calme chez vous, car leur projet est d’une grande qualité et nous vous en reparlerons prochainement !

Gunna et Ocean Wisdom se superposent tandis que nous nous dirigeons vers le concert de Pusha T. Le rappeur du Bronx met tout le monde d’accord sans backeur. L’ancien Clipse enflamme le public du Woo Hah, « Numbers on the board » et « If you know you know » déchaînent la foule. Pusha T est toujours aussi bon sur scène. School Boy Q prend la relève et offre au public un show complet d’une heure, reprenant ses plus grands tubes comme « Collard Greens » et le classique « Man of the Year », tous deux sur son excellent album « Oxymoron » (2014).

La première journée se termine, il est 1h du matin et les nombreuses heures de route pour se rendre à Beekse Bergen, près de Tilburg, ont eu raison de nous. Rico Nasty, Jarreau Vandal, Deejay Abstract, Bizzey et What so Not viennent clore la soirée à 3h.

Samedi

Le temps nuageux se maintient, et nous débutons la journée par le concert de Jay Rock sur la main stage. Le rappeur livre une prestation correcte devant un public restreint, les festivaliers se réveillant d’une longue nuit de fête, il est 15h30. Le choix est difficile aujourd’hui entre les différentes scènes car le site est étendu. L’application du festival nous permet de nous organiser, direction Little Simz, une des deux femmes présentes aujourd’hui avec la DJ Jamz Supernova. Toutes deux sont anglaises et ont du talent à revendre. Little Simz ne déçoit jamais sur scène, accompagnée de son band, elle est un de nos meilleurs concerts du Woo Hah ! Ses nombreuses tournées lui ont donné un véritable talent scénique et on apprécie tout particulièrement ce moment.

Le public commence à arriver en masse devant Goldlink, puis surtout devant Sheck Wes. En effet, son morceau « Mo Bamba » est l’hymne du weekend, les DJ de chaque scène le passant en boucle pour chauffer le public avant chaque concert. Pourtant le show n’est clairement pas à la hauteur, le rappeur se contentant de s’ambiancer sur ses propres sons devant un public pourtant chauffer à blanc. S’il faut bien reconnaître une chose au Woo Hah!, c’est la ferveur du public qui se donne à chaque concert comme si c’était le dernier. Pogos et mosh pits ne cessent de se former et la foule connait chaque parole par cœur. Impressionnant !

Si l’an dernier avait vu des X avec les bras fleurir partout dans les rangs du public, en hommage au rappeur XXXTentation, assassiné par balles la même année, l’édition 2019 a pu entendre des «  Free ASAP ! » à chaque recoin du festival pendant 3 jours, le rappeur américain étant actuellement détenu dans les geôles suédoises suite à une altercation. C’est donc entre deux “Free ASAP” que nous retrouvons Rae Sremmurd qui s’emparent de la Snipes Stage devant un immense public. Il est 20h, la nuit commence à tomber et les muscles sont chauds pour sauter partout sur le tube « Black Beatles ». Le playback est une maladie très contagieuse dans le rap US, nous n’en dirons pas plus et préférons nous diriger vers le concert d’Aminé.

L’artiste, originaire de Portland, gravit peu à peu les échelons de la notoriété. Il faut dire que ses nombreux tubes sont rafraîchissants comme « Red Mercedes », « Caroline » ou son hymne au mythique Girls Band des années 90 « Spice Girl » (qui lui a valu une rencontre avec Mel C en personne à l’occasion du concert du groupe au stade Wembley de Londres). Sur scène, le rappeur assure le show, souriant comme toujours, même si on regrette que l’heure de show se transforme vite en medley (une autre des regrettables maladies contagieuses du rap game).

Stormzy est la tête d’affiche de la soirée, la foule s’est massée devant la Snipes Stage. Nous prenons un peu de recul pour regarder le show du rappeur britannique. Très présent sur scène, Stormzy est un des piliers du grime anglais, dans la veine de Dizzee Rascal.  Sur les écrans, les paroles de ses chansons, plutôt engagées, sont projetées et sa scénographie fait la différence avec les autres shows vus aujourd’hui. Son show donne envie d’être vu en salle pour mieux apprécier les différents effets de lumière, c’est un très bon moment que nous passons à l’écouter.

On termine la journée avec la performance de Flatbush Zombies, inconditionnels de la scène, toujours en forme, qui retournent littéralement le public du festival dans un show très complet. Rien à redire, on les place directement dans notre top du festival !

Dimanche

Trois jours passent tellement vite quand on s’amuse bien. Nous voilà déjà dimanche, et aujourd’hui il faut faire les bons choix car les artistes se superposent entre les nombreuses scènes. Au Block, le skate parc du festival, les skateurs n’ont pas arrêté une seule seconde et doivent laisser leur place à des B-boy cet après midi.

Nous débutons la journée avec le rappeur Joey Purp. On connaissait son morceau « Girls » avec Chance the Rapper, sorti en 2016 et on avait très envie de l’entendre jouer son petit dernier, « Elastic ». Vraie belle surprise pour nous (et élu sans équivoque rappeur le plus souriant du festival), Joey Purp nous entraîne dans un show aussi rap que dansant pendant 45 minutes, on en veut encore !

Puis c’est au tour de Saint JHN de s’emparer du micro sur la mainstage. Avec ses dreads et ses bijoux, il rentre complètement dans le costume du rappeur trap du moment, allant jusqu’à célébrer sa propre messe pendant 1h en demandant au public de scander « Amen » quand il dit « Saint JHN ». Soit. On le préférera tout de même à Trippie Red qui lui succède sur la Forest Stage. Très attendu, il semble lui aussi atteint du syndrome « j’ai la flemme de rapper mes propres morceaux et laisse le public le faire à ma place » et donne une prestation qui nous donne envie d’aller voir ailleurs.

Cela tombe bien, Skepta vient de prendre ses quartiers sur la Snipes. Pionnier du grime, ses sonorités viennent contraster avec le reste de la journée et c’est tant mieux. En parallèle, on file voir Saba sur la Waterfront, où le rappeur de Chicago nous sert un concert très chill ! Puis tout s’enchaîne très vite… Un peu de l’excellent J.I.D, signature de l’écurie Dreamville qui ne déçoit jamais, Brockhampton tous d’argenté vêtus devant un public à perte de vue, SuicideBoys avec un show inégal comme à leur habitude (on pense savoir pourquoi), et enfin le très très très attendu Travis Scott qui vient clore l’édition 2019.

On avait longuement entendu parlé de la scénographie de Travis sur sa tournée et on se demandait comment elle allait pouvoir être adaptée en festival. Sur ce point, nous n’avons pas été déçus, deux immenses tourelles bordent la scène, surélevant son DJ comme jamais. En début de show, le public en prend plein les yeux avec la projection d’une publicité vintage pour un parc d’attraction étrange, Astroworld (dernier album du rappeur).

Les écrans projettent des images de carrousels, tout droit sortis d’un parc démoniaque, de manège inquiétants et… d’enfants qui vomissent. Pour ce qui est du show, le symptôme « je crie et je fais yeah yeah sur mes propres morceaux » est malheureusement passé par là. Pourtant Travis est connu pour ses excellentes prestations et on en attendait beaucoup de son concert, mais il faut reconnaître que le rappeur ne semble pas trop se fouler aujourd’hui, se contentant de rapper les passages qu’il préfère par dessus la bande son et d’écarter la foule comme Moïse pour divers mosh pits. Pour ce qui est de l’ambiance, il suffit de taper « Travis Scott Woo Hah » dans youtube pour voir par vous même l’hystérie collective, rien à redire sur ce point il est vrai.

Et voilà, c’est ainsi que le Woo Hah se termine. On a apprécié cette édition même si elle met aussi en exergue pour nous le fait que les prestations scéniques ont tendance à s’homogénéiser et c’est regrettable. Fort heureusement, de nombreux rappeurs et rappeuses ont aussi prouvé que la scène hip-hop est plus vivante que jamais et sait toujours se renouveler. On a adoré (re)découvrir sur scène des artistes comme they., Joey Purp, Faltbush Zombies, Little Simz, J.I.D, ou Saba et on en veut plus !  Alors, à l’année prochaine !