Originaire de Strasbourg et âgé de 19 ans, Werco est un rappeur très prometteur qui sort aujourd’hui sa mixtape “Sixo Siete”. Récemment signé chez Believe, il met sa polyvalence au service de sa musique pour offrir un projet diversifié et très efficace. Werco s’est entretenu avec iHH™ MAGAZiNE à l’occasion de la sortie de sa mixtape.
Interview : Dorian Lacour
iHH™ : Salut Werco, alors déjà parle-moi de toi, depuis quand est-ce-que tu es dans le rap ?
Je m’appelle Werco, j’ai 19 ans et j’ai commencé la musique en seconde il y a un peu plus de quatre ans, c’était un petit délire avec un pote à la base. Depuis tout petit j’écoute beaucoup de musique, quand j’ai eu mon premier téléphone j’écoutais du rap à mort, je me suis dit que j’allais tenter ma chance en sachant que la musique c’est mon kiff de base, et je me suis pris au jeu. Je suis allé dans un homestudio chez un pote, les premiers morceaux que j’ai envoyé sur Soundcloud il n’y avait pas de mixage ni rien. Par des connaissances j’ai connu des mecs qui avaient des studios plus poussés, au fur et à mesure j’ai rejoint un groupe qui s’appelait La Krimeri, un peu plus structuré, un peu plus pro. Le groupe s’est arrêté et un ami de longue date qui était mon manager a décidé de se concentrer sur moi. Depuis mi-2018 je suis à fond et je concentre mon temps sur la musique pour avoir un son poussé de A à Z avec un mix complet, un mastering, on travaille les prods, les mélos, c’est beaucoup plus pro qu’avant mais c’est l’évolution normale je pense. J’enregistre au studio H2O Production.
iHH™ : Pour revenir sur La Krimeri, c’est à ce moment que tu t’es dit que tu passais à l’étape supérieur ?
Mon entrée s’y est faite tout naturellement en fait. J’ai croisé l’un des créateurs de La Krimeri dans un homestudio, je lui ai montré ce que je savais faire et il m’a pris directement. Ça m’a permis de rencontrer le réalisateur Quentin Ecrepont, la photographe Lisa Lehmann, le graphiste et toute l’équipe de Trooplug avec qui je travaille encore aujourd’hui. J’ai pu avoir des connexions avec d’autres rappeurs de Strasbourg que je ne connaissais pas du tout, c’était une super expérience semi-professionnelle. Ça m’a permis de me faire une petite idée, de savoir comment se passe la musique en groupe, et j’ai vite compris que ce que je voulais c’était faire ma propre musique, en solo.
iHH™ : Justement, tu viens de Strasbourg, on voit quelques rappeurs émerger de là-bas mais ça reste encore une scène mineure en France. Tu penses que les choses peuvent changer ?
Ouais grave, de fou ! Déjà il y avait quelques têtes qui ont pété, Marwa Loud c’est la première de là-bas qui a vraiment explosé même si elle ne l’a pas trop revendiqué. Maintenant il y a Larry qui met beaucoup de lumière sur la ville, des médias comme Booska-P ou Rapelite viennent. Le Planète Rap de Larry nous a donné de la force aussi. Je ne me fais pas de soucis pour ça parce qu’il y a beaucoup de pépites sur l’Alsace et sur Strasbourg qui font du rap de fou. Forcément à Paris ou à Marseille c’est beaucoup plus facile, les connexions permettent de faire péter les artistes plus rapidement, nous à Strasbourg c’est encore un peu compliqué mais je m’inquiète pas.
iHH™ : Tu as donc signé avec Believe, comment est-ce-que cela s’est fait ?
J’avais sorti plusieurs sons sur Spotify dont mon premier EP “Hermanito” [en mai 2019 – ndlr] complètement par hasard, sans promo, sans rien. Ensuite j’avais fait un single qui s’appelait “Mauvais” et qui avait vachement bien marché. Un recruteur est tombé sur moi, il a écouté un peu ce que je faisais, on a pris contact et ça a découlé sur une proposition de contrat. On a discuté pendant plusieurs semaines et on a trouvé un truc qui convenait à tout le monde.
iHH™ : Parlons de ta mixtape “Sixo Siete”. Tu l’as appelée comme ça en référence au Bas-Rhin je suppose ?
Ouais exactement, je voulais quelque chose qui me représente. Pour moi le rap c’est avant tout de l’authenticité, un rappeur doit raconter quelque chose de réel, s’il ment sur sa vie ça perd tout son sens. Je voulais un truc qui rappelait chez moi et “67” c’est pas fou, “6.7” non plus, c’est pas de noms qui claquent. J’avais vachement aimé le délire de Ninho qui disait “siete siete” pour parler du 77 alors je l’ai remanié, j’ai décidé de prendre ça et de le ramener à ma sauce. Ça a donné le titre de ma mixtape, “Sixo Siete”.
iHH™ : C’est ton premier projet en maison de disque. Depuis combien de temps est-ce-que tu travailles dessus ?
Je dirais que ça fait environ un an que je bosse dessus, j’ai loupé mon troisième semestre à cause de ça ! Je suis pas quelqu’un qui se dit qu’il va faire un album en fait. J’écris tout le temps, je sortais des singles et inconsciemment à un moment j’ai écrit plein de sons sans les sortir mais avec toujours une direction artistique, un fil rouge, ce n’était pas forcément voulu mais voilà comment je me suis mis à travailler sur mon projet.
iHH™ : Tu es encore jeune, est-ce-que tu penses que cette mixtape est une étape importante dans ta carrière ?
Très importante clairement, c’est un peu ma carte de visite. Il y a de tout, j’ai proposé une palette de musique assez ouverte, des sons pour danser en boite, pour pleurer solo, pour rouler le soir en voiture, tu passes par toutes les émotions en écoutant le projet. Cette mixtape, même si demain elle ne m’emmène pas au devant de la scène elle va m’emmener quelque part c’est sûr.
iHH™ : Dans le morceau “Sixo Siete” tu dis que tu pourrais taper dans le R&B ou bien le raï… C’est vrai ou c’est de l’egotrip ?
C’est grave de l’egotrip, je vais rester dans le rap ! Le R&B c’est pas du tout pour moi, et le raï je t’en parle même pas. Après je m’inspire beaucoup des choses qui m’entourent, ça m’arrive d’écouter du Amy Winehouse alors qu’avant je ne le faisais pas du tout. Ça me permet de faire un concentré de tout ça et de proposer ma propre musique.
iHH™ : Parle-moi du morceau “J’ai du mal” en featuring avec Kenza. C’est un parti pris intéressant le refrain en anglais. Comment est-ce-que tu as eu cette idée ?
En fait de base c’est une pote à moi, je sais qu’elle chante et pour moi elle chante super bien. Je voulais aussi montrer un peu la palette de choses que je sais faire. Je me suis dit que ce serait bien d’intégrer un morceau avec une fille qui chante, ramener ce côté féminin. On a pas réellement choisi de thème sur ce son, parce que souvent quand il y a des sons garçons-filles ça part sur des relations amoureuses qui ont mal tourné, je voulais pas trop ça… Au final ce morceau est très intéressant je trouve, ça s’est fait naturellement.
iHH™ : Alors même que ta carrière débute on dirait que tu maitrises déjà plusieurs types de rap, c’est essentiel pour réussir aujourd’hui selon toi ?
Pour un artiste c’est important d’avoir un style à lui, mais pour moi c’est essentiel de toucher un public large. Par exemple le son “Corrida” c’est de la pure ambiance. Si tu es pas bien tu vas te tourner vers un son comme “Exil” ou “Mauvais“. Pouvoir être tout terrain te permet de toucher le plus de gens possibles et pour moi c’est très important.
iHH ™ : Comment s’est fait le choix de “Shérif” en premier single ?
Je voulais continuer sur la lancée de “Corrida”, dans le délire banger qui ambiance avec un refrain qui bouge et des paroles qui restent en tête. D’un autre côté je voulais introduire beaucoup de prods mélodieuses avec le violon dans “Shérif“, je trouvais que c’était un bon mélange entre trap et mélodie. J’avais beaucoup hésité avec d’autres sons mais finement c’est “Shérif” qui est sorti du lot.
iHH™ : Tu invites également Karamelo sur le morceau “Topboy”, parle-moi de cette connexion…
La connexion s’est faite au Planète Rap de Larry, on a tous regardé qui était invité et en fait avec Karamelo on s’est tout de suite envoyé des messages pour savoir comment on allait aller sur Paname et tout. Je kiffais ce qu’il faisait et lui pareil pour moi. Je suis assez réservé, je vais pas trop parler aux gens de base, mais ça s’est fait naturellement, on s’appelait souvent et c’est devenu un ami, c’est mon reuf. On a fait le feat avant même de se voir, pour la petite anecdote on a plié le truc en 1h30 par FaceTime ! Ensuite on est allés sur Paris ensemble, on était dans le même hôtel et c’était super cool.
iHH™ : Enfin on retrouve BRK sur “Fais ton job”, un son qui devrait être une démonstration de kickage !
Il y a deux ou trois ans j’étais monté à Belfort pour une première partie de Doums et Népal en open mic. Je l’avais rencontré là-bas et pour moi ça avait été le seul à plier l’instru ce jour-là. On est restés en contact, on a suivi ce que chacun faisait, et je savais qu’il allait envoyer si je l’invitais sur ma mixtape. Je voulais vraiment convier des gens que je connais pour garder cette proximité, l’esprit “Sixo Siete”.
iHH™ : Souvent pour un gros projet de lancement on ne retrouve pas de featurings, tu as fait le choix d’en mettre trois, pourquoi ça ?
En fait j’aurais pu tout à fait sortir un projet de vingt titres en solo, mais la musique j’aime bien la partager. Puis ce projet ça va être ma carte de visite, pas celle de ceux qui ont featé avec moi tu vois. Je les ai invités pour montrer que la connexion entre nous elle existe, et montrer aussi que je suis ouvert à tout type de musique. Le son avec Karamelo est très ambiancé, avec BRK on est sur une trap pure et dure, et avec Kenza c’est une musique qui te fait voyager un peu. Je veux aussi montrer qu’à ma toute petite échelle je peux donner de la force, j’ai envie de le faire avec eux, ils le méritent à mort et ils sont super forts en vrai.
iHH™ : Quelles sont tes influences musicales, globalement et pour ce projet ?
Je m’inspire pas réellement de gros rappeurs mais un rappeur qui m’a beaucoup bercé depuis ses débuts c’est SCH. Pour moi c’est un artiste qui touche à tout, il sait tout faire, il envoie des morceaux comme “La nuit” qui pourraient passer sur RFM et des putains de bangers comme “R.A.C.“. Il a aussi une image qu’il entretient à la perfection, il a calé une paire d’Asics avec un pantalon de costard ! Des artistes comme ça il y en a pas trente-six. Maintenant il y en a plein d’autres que j’apprécie comme Ninho, PLK ou Larry que j’écoute beaucoup. Mais j’essaye de faire ma propre musique, je les écoute mais je ne m’inspire pas forcément de ce qu’ils font, je veux faire mon truc à moi.
iHH™ : C’est quoi tes objectifs avec cette mixtape ?
Pas forcément en terme de ventes parce que je sais très bien que je ne vais pas balancer un disque d’or tout de suite, mais déjà j’aimerais bien surpasser ce que j’ai pu faire jusqu’à maintenant. C’est-à-dire que là mon maximum de streams c’est 250 ou 300 000, je voudrais franchir une étape de plus que ce que j’ai pu faire sans promo. Il n’y avait aucun article, aucun relais, rien, je balançais juste ça sur Instagram et Twitter et je voyais ce qu’il se passait. J’ai envie de faire plus, j’aime pas trop me saucer mais honnêtement je pense que ce j’ai produit là c’est le meilleur de ce que je peux faire à ce moment précis de ma carrière. La mixtape je l’ai vraiment travaillée, j’ai donné de mon temps, de ma personne, de mon cœur dans ce projet.
iHH™ : J’imagine que ce n’est que le début, qu’est-ce-qu’on peut attendre de toi pour la suite ?
En ce moment je viens de terminer la mixtape donc je suis pas trop dans l’écriture, il faut que je retrouve de l’inspiration un peu. Mais j’ai bossé déjà sur des singles qui sortiront dans l’année et j’ai prévu de clipper au moins deux titres de l’album. Sinon, le 10 novembre j’ai un concert à La Laiterie, à Strasbourg, avec le label Iconic pour qui j’avais fait un son [“D.M.V.” sur la mixtape “ICONIC Strasbourg” sortie le 24 avril 2020 – ndlr]. Il y aura plusieurs artistes et j’ai été placé en tête d’affiche !