
Rencontre avec le binôme BiG RED et DJ ABSURD, créateurs du nouvel album de Big Red, “Come Again” ! Entre retour sur leurs parcours respectifs, leurs valeurs, leurs perceptions de la musique et les prochaines dates de concerts à venir, rencontre avec deux piliers de l’histoire de la musique .
Interview : La Rédaction
Pour ne pas déroger à la tradition, petite présentation de l’un et de l’autre ?
BiG RED : Moi c’est Big Red, MC depuis perpèt’, toujours en mission.
DJ ABSURD : Je suis donc DJ Absurd, comique amateur, et passionné de musique.
Rapsonic, c’est loin pour toi Big Red… Qu’est-ce qui te motive encore ?
BR: Il y a justement un mec qui vient de mettre en ligne un concert de Rapsonic, à St Germain en Laye, à la Clef… D’ailleurs Repose en Paix à Cool MC et à Doc qui nous ont lachés il y a quelques années. Avec Crazy B, je suis seul survivant du groupe, je suis toujours en mission, un peu comme Rambo. Je ne suis pas seul dans ça, nous sommes plusieurs, toujours en guerre. Je suis passionné et quand tu es passionné, tu peux traverser le désert sans avoir soif, c’est un peu ce qu’il s’est passé, j’ai rien bu depuis 1987.
DA: Quand je parle de notre collaboration, souvent je fais l’analogie avec les Blues Brothers et leur fameux “We’re on a mission for God” a ceci prêt que notre mission n’est pas du tout divine mais Il sont dévoués à leur cause, ils sont en mission, peu importe ce qu’il se passe, on y va.
BR: C’est ce qui fait qu’à cet âge là je suis toujours au micro à ambiancer des soirées jungle comme j’ai fait il y a peu à Rennes ou des sound system au fin fond de la France.
Qu’est-ce qui fait votre connexion?
BR: La vision, la passion, on a une certaine vision de l’intégrité musicale qui passe avant tout le reste. On la partage avec des mecs comme Dee Nasty, avec plein de gens. On peut dire le Paris Finest. On s’y accroche, on ne sait faire que ça, alors on continue.
DA: On se connait, on se croisait depuis longtemps.
BR: Il veut pas le dire mais il avait 13ans…
(Sourires)
DA: Cette forme d’éclectisme, en fait on est très peu à le partager. Finalement c’est rare les gens avec qui tu peux parler de keupon, autant que de culture sound system, que de garage, que de machin, enfin parler de musique pour la musique tu vois.
BR: C’est ce que je retrouve chez lui et chez d’autres potes qu’on a en commun. Quand j’étais tit-pe, à Bougival, j’allais chez une pote, on squattait chez elle, il y avait des ne-ski, des ke-pun, …moi j’espérais avoir des dreads, j’etais un minot, il y avait ce mélange de culture. J’ai été placé dans une famille, il y a un grand frère qui m’a appris le Metal, grandir avec un rasta, un ne-ski, connaître le début du hip hop, aller dans les sound systems, ça ouvre culturellement, j’ai jamais été fermé. J’ai toujours été ouvert à ce qu’il y a de meilleur dans l’alternatif. Comme arme j’ai pris le reggae en commençant par le hip hop parce que c’était plus facile d’accès. Mais je suis ouvert à tous les gens qui sont ouverts.
Ça transpire beaucoup dans cet album, ce coté humain!
BR: On a laissé la technique de coté pour faire parler le coeur, j’ai plus de 50ans, on a abordé ce projet sans se mettre de pression, sans se forcer a avoir du recul et décomplexé. C’est l’age qui me permet ça. Au début on s’est monté la tête pour faire un projet bass music, genre uk drill grime vener sale avec des combinaisons qu’on a fait d’ailleurs. Et il me sort un riddim reggae, un reggae sur lequel j’aurai pu grandir, le Tosh, de Dennis Brown et tous les sons, tous les codes étaient respectés sans pomper les riddims. Donc il m’a sorti des riddims originaux, puis un autre, puis un autre, …
DA: La vraie phrase qu’il m’avait dit à l’époque, c’est “Pourquoi tu me prends la tête avec ton reggae?” parce que je lui parlais que de rocksteady, car chez moi j’écoute quasiment que ça, enfin beaucoup en tout cas. Et un jour il me dit ça tranquille, “Qu’est-ce tu me casses les c…tout le temps avec ton reggae? Essaie d’en faire 1 au moins.” Je ne me sentais pas trop légitime à faire ce truc, pour différentes raisons et quand je l’ai ramené, ça a bien marché, il m’a dit d’en faire un autre et un autre… Sur tout ceux que j’ai fait, il y en a peut-être 2 qui n’ont pas marché…
BR: Ils fonctionnaient tous, après c’est du feeling et on a enregistré comme on en parle en fait. Le mec il peut faire de la bass, du sale, du dirty, du putain de reggae, ou en l’écoutant je me retrouve gamin.
DA: Je l’aurai jamais fait avec quelqu’un d’autre que lui!
BR: On a eu l’occasion de pouvoir enregistrer cash grâce à Waks. Tout s’est goupillé. On a fait ça en 5 5 malgre les aléas de la periode Covid.
Tu citais Dee Nasty entre autres, tu as fait la dernière tournée des NTM, tu remontes aussi sur scène avec tes anciens titres?
BR: Je vais faire une petite tournée, vers Mars, Avril, il y a un tourneur, Ovastand, qui mise un peu sur moi, une dizaine de dates, avec un band. Je ferai l’album mais aussi des classiques. Je ne vais pas faire une tournée de mes vieux tracks. Je vais faire le nouvel album et je vais caser quelques titres que j’ai pu faire. Après les anthems auxquels on peut m’associer ce sont ceux de Raggasonic. Mais ce n’est pas une tournée d’adieu, mais oui je vais faire quelques tracks plus anciens. Il y a des gens qui me parlent de ces titres qui ont 25ans donc c’est normal que j’en fasse.
DA: C’est d’ailleurs un truc cool qu’on a sur les retours des 2 premiers titres qu’on a sorti, c’est que les gens sont contents de pouvoir écouter les classiques en concerts, mais ils disent aussi qu’ils l’attendaient sur ce type de titres qui se rapprochent plus de ce qu’il pouvait faire avant.
BR: J’ai fait du reggae comme je l’entend, comme j’aurai pu le faire dans Raggasonic, tout simplement. C’est une certaine vibe où on peut retrouver Raggasonic, comme moi en solo ou d’autres artistes. Je suis pas en train de faire le feu follet habité par Jah, je suis pas mystical, …je suis 100% urbain et ce reggae là il est propre à nous, ceux qui partagent cette vibe là!
DA: Il n’y a pas de posture factice pour draguer le public en le confortant dans les clichés habituel, c’est pas du cinéma…
BR: Je ne vais pas te faire croire que je vais ouvrir des puits et des écoles en Afrique, c’est pas vrai. C’est de l’urbain, de la musique pour vivre, du reggae modeste. On essaie de mettre des mots propres, vrais et spontanés sur de la musique vraie, propre et spontanée, en respectant les Jamaicains. La je fais 2 petits sounds par moi, pour la cadence, pour vivre. Depuis que je suis petit je veux être MC. En tant que MC je suis vernis de ouf, toute ma vie j’ai voulu être MC, toute ma vie j’ai été MC et je suis toujours MC.
DA: Et tu viens d’une époque où tu ne pouvais pas faire un plan de carrière de MC.
BR: Ce que j’entend par MC c’est défendre ma mission le plus longtemps possible et mes gosses n’auront manqué de rien. La vraie réussite d’un MC c’est la reconnaissance, pas les putes et les caisses. C’est sur la reconnaissance que tu bases une carrière. Ça ne remplit pas le frigo, mais le coeur il déborde, partout où je vais je reçois de la reconnaissance et du respect. Mes filles ont vu leurs parents charbonner, batailler, taffer et c’est sur ça qu’elles se sont basées. Ce qui est fait et fait, c’est gratifiant le passé, mais ce qui me motive c’est ce qu’il y a à faire, aller de l’avant.
Après une vie en major tu fais le choix de l’indépendance…c’est pour pouvoir faire ta musique?
BR: Beh là je suis content d’avoir une structure. J’ai longtemps marcher tout seul, à faire ce que je voulais. Je suis fier de m’en être bien sorti, mais là ça tombait bien d’avoir une petite structure derrière moi, qui est motivée et un jeune tourneur. Je me retrouve dans tout ça, ça fait du bien.
DA: Ca c’est fait de manière très spontanée, comme l’album qui s’est crée tout seul. Quand Baco nous contacte, l’album est fini, on s’est débrouillé tout seul, on est prêt.
BR: Mon équipe avec lui c’est un échange, on avance et on fait.
DA: Quand Baco m’appelle, le côté officiel, je ne connais pas, je me demande même pourquoi Baco m’appelle. Mais la proposition est pertinente, tout se fait dans la spontanéité.
BR: Quand je décide de faire un album, à chaque fois, ça part de zéro, il faut des fonds, etc. Faire un album, c’est aussi ça de magique. Tu pars de pas grand chose.
DA: Bigups a Waks qui a su trouver les bons musiciens pour le projet ,a permis qu on puisse faire les sceances studio etc.
Aujourd’hui avec cet album, tu veux te rapprocher de certaines choses qui se font?
BR: Il y a des choses que je veux faire que j’ai pas encore fait, comme du keupon. A l’époque de L’Esprit Du Clan j’aurai pu le faire mais j’étais pas prêt. C’est un projet, avec Dj Absurd, ou pas…mais surement. On a des choses qui arrivent sur l’album de Dj Absurd. Finir en Dj Jungle comme j’ai commencé.
DA: Il ne le dit pas souvent mais c’est un des 1ers Junglist en France.
BR: Juste en 93, on a joué pendant 1an au Rex, avec Dj Otis, Gilbert et Loïc de Radio Nova, et les gens commençaient à dire qu’on était pas des mecs du Ragga. Tous les 1ers morceaux était fait en jungle, à Brigthon, puis on a refait en Suède et finalement les refaire avec Frenchy sur des riddims originaux.
Tu parles de Frenchie, là, pour cet album tu es en binôme avec Absurd…
BR: J’ai toujours été avec des Dj, Crazy B, Faster J, aujourd’hui Absurd, par moi la musique c’est du partage, chacun fait son truc.
DA: Lui pour le coup c’est un vrai MC, si on fait un set Bass ensemble, il s’adapte sans probleme en respectant les codes du genre qui pourtant sont pas forcement evidents.
BR: Dans notre concept du sound, le MC est en retrait, il est là pour mettre en valeur la musique et le selecteur. La star c’est la musique. La dernière fois, ils ne comprenaient pas pourquoi je me mettais en retrait. Aujourd’hui on mise beaucoup sur l’aspect scénique, mais on perd le contenant. Cest vers ca aussi que j ai voulu revenir avec cet album: faire de la musique point, pas celle qui est à la mode, mais on a fait un album comme on aime, avec une structure, un tourneur et elle est belle. On y va, on le fait et on se barre.