Son talent singulier danse la tolérance et son geste questionne la société. Antoinette Gomis hisse l’art chorégraphique à une cime, qui la place dans la haute lignée des chorégraphes afro-descendantes pionnières Germaine Acogny, Elsa Wolliaston et Marie-Rose Guiraud.
C’est à Antoinette Gomis que j’ai aussitôt pensé, quand le vidéaste et photographe Salah Mansouri, infatigable explorateur des expressions artistiques qui relient les êtres humains et qui rapprochent les continents, m’a demandé de présenter un de mes coups de cœur pour sa chaîne YouTube.
J’ai souhaité braquer les feux sur cette chorégraphe et danseuse d’exception pour plusieurs raisons, la première étant, bien sûr, la qualité artistique. En outre, j’ai désiré mettre en lumière le Théâtre Municipal Berthelot – Jean Guerrin de Montreuil-sous-Bois (93). Pour moi, ce théâtre est un véritable lieu d’éducation populaire, du fait du remarquable travail qu’accomplit son programmateur et responsable des projets culturels Patrice Caillet avec l’équipe du théâtre, au service de la diffusion culturelle, d’une réflexion collective et de l’échange entre artistes et public. Cet échange s’effectue, par exemple, à travers des rencontres publiques, à l’instar de celle que je vais mener avec la participation d’Antoinette Gomis et de son metteur en scène emblématique, Cyril Machenaud.
Bientôt, à La Philharmonie de Paris, «Panenka» mêlera danse hip-hop, musique et football freestyle
La rencontre publique du 16 avril clôture la résidence montreuilloise de la Compagnie Antoinette Gomis, qui a saisi cette occasion pour approfondir ses investigations en vue de la prochaine création, «Panenka», qu’elle présentera, avec l’ébouriffant quatuor à cordes Leonis, le 9 juin à 16 heures, à La Philharmonie (Paris). Pour cette création soutenue par l’Olympiade Culturelle, la Compagnie Antoinette Gomis et le Quatuor Leonis combinent danse hip-hop, instruments à cordes et football freestyle. Sur scène, à leurs côtés, le DJ Junkaz Lou, des élèves du réseau des Conservatoires d’Est Ensemble, des danseurs amateurs du crew Funky People (placé sous la houlette des Funky Ladies, structure impulsée par Antoinette Gomis, aux Mureaux) et des footballeurs de l’Association Sportive de Bondy.
Chorégraphe connue et reconnue dans la sphère hip-hop, Antoinette Gomis s’est produite aux côtés de sommités artistiques comme Madonna, ou encore à la fête organisée, à Montreux, pour les 85 ans du légendaire producteur et musicien afro-américain Quincy Jones. Par ailleurs, elle a été la première «artiste associée» du centre culturel hip-hop La Place, lors de la saison 2021-2022. Dans la vidéo réalisée par Salah Mansouri, je souligne qu’Antoinette Gomis n’a pas oublié l’Afrique dont est issue sa famille. Son art, qui garde cette terre mère au plus profond de lui, fait d’elle une digne héritière des chorégraphes afro-descendantes historiques, Germaine Acogny (du Sénégal), Elsa Wolliaston (Jamaïcaine établie en France en 1969) et la regrettée Marie-Rose Guiraud (1944-2020), de Côte d’Ivoire. «Dans sa danse, j’entends l’Afrique, Antoinette Gomis enjambe les frontières et nous relie, elle danse la tolérance», dis-je dans la vidéo de Salah Mansouri .
À La Villette, un hommage à son père et à la classe ouvrière
En 2022, Antoinette Gomis a joué, au Théâtre Berthelot de Montreuil notamment, son bouleversant spectacle «Les Ombres», célébrant la mémoire des migrants, en particulier celle de de son père qui, dans les années 1970, avait effectué le long et harassant voyage, de sa contrée africaine jusqu’à la France. Et Antoinette, de me préciser : «Quand mon père est décédé, j’ai ressenti le besoin de lui rendre hommage, ainsi qu’à tous les exilés, qui ont quitté leur terre avec l’espoir d’offrir à leurs enfants et à eux-mêmes une vie meilleure, laquelle, hélas, n’a pas toujours pu se réaliser. Papa avait marché, pédalé durant des kilomètres et des kilomètres sous le soleil africain, il avait déployé des efforts incroyables, pour, finalement, se retrouver ouvrier qualifié à l’usine Renault pendant vingt-cinq ans, jusqu’à sa retraite».
À La Villette, du 25 au 27 avril 2024, nous découvrirons «Le Silence», qui constitue la suite de l’épopée «Les Ombres». Cyril Machenaud, qui a signé la mise en scène, nous explique : «Le titre fait référence au silence, à l’isolement, à l’invisibilité, dans lesquels ont été enfermés les travailleurs, africains en particulier, que la France des Trente Glorieuses a embauchés pour se reconstruire». Pour traduire cette violence, la Compagnie Antoinette Gomis a corsé son hip-hop de break, house, steppin’ et krump, danse surgie dans les années 2000 dans quartiers déshérités de Los Angeles. Avec, là encore, comme Antoinette et Cyril tiennent à le faire, la langue des signes réinventée en fascinant langage chorégraphique. Impressionnant…
Texte : FARA C.
INFORMATIONS PRATIQUES :
AU THÉÂTRE MUNICIPAL BERTHELOT – JEAN GUERRIN, Montreuil-sous-Bois (93100) :
Mardi 16 avril 2024 à 10 h 30, rencontre publique, Fara C., Antoinette Gomis et Cyril Machenaud, entrée libre. Ligne 9, métro Croix-de-Chavaux
Sarah Mansouri :
Sa chaîne YouTube :
https://www.youtube.com/@Musiquesdumonde
L’interview vidéo, version de 5 mn :
https://www.facebook.com/share/p/PmmAMxm7xvjQkPPp/
L’interview vidéo, version de 11 mn :
À LA VILLETTE, Paris :
Les 25 et 26 avril à 19 heures, le samedi 27 avril 2024 à 18 heures, «Le Silence», Cie Antoinette Gomis, à partir de 8 €
https://lavillette.com/programmation/plateau-hip-hop_e1790
À LA PHILHARMONIE, Paris :
Dimanche 9 juin 2024 à 16 heures, «Panenka», coproduction de la Cie Antoinette Gomis, du Quatuor Leonis et de la Philharmonie.
https://philharmoniedeparis.fr/fr/activite/spectacle/26291-panenka
Cie Antoinette Gomis : https://www.facebook.com/cieantoinettegomis/?locale=fr_FR
Quatuor Leonis : https://www.quatuorleonis.com