Quatre ans après “À des années lumières”, Hayce Lemsi et Volts Face unissent de nouveau leur force sur “Adal 2”. Un projet à mi-chemin entre le rap de leurs débuts et les sonorités actuelles, dans lequel les deux frères combinent à merveille. Pour marquer le coup, Hayce Lemsi s’est entretenu avec iHH™ MAGAZiNE.

Interview : Dorian Lacour

iHH™ : Salut, alors vous revenez aujourd’hui avec “Adal 2”, quelques années après votre premier projet commun. Comment est-ce-que l’idée d’un projet à deux est revenue dans vos discussions ? 

Hayce Lemsi : On trouvait ça limite logique. Quand on a fait “Adal 1” on s’est toujours dit qu’on en ferait un deuxième. Ça fait plus de quatre ans qu’on s’est retrouvés sur le même album. On s’est dit que ce serait bien de boucler cette boucle. On était en studio tous les deux, on se disait que ce serait bien faire un dernier album ensemble, pour se faire plaisir et pour faire plaisir au public.

iHH™ : Vous prenez ça comme une fin de cycle, comme tu viens de me dire ? 

Hayce Lemsi : On a jamais parlé de faire un “Adal 3” donc je pense bien oui. Mais c’est une très belle aventure, on a quand même fait deux albums entre frères. Parce qu’à la base on est pas un groupe, on est deux artistes solo ! On était très contents de revenir sur un projet commun, on le prépare depuis un petit moment en plus. 

iHH™ : Ça fait combien de temps ? 

Hayce Lemsi : Ça fait un an qu’on le travaille mais six mois auparavant on parlait déjà de faire un projet ensemble. C’est une idée qui remonte dans notre tête, depuis un moment. 

iHH™ : Qu’est-ce-que ça fait de revenir ensemble comme ça ? 

Hayce Lemsi : Des fois c’est mortel parce qu’on se comprend musicalement et tout, des fois ça l’est mois parce que mon frère et moi n’avons pas réellement le même style musical. Il est plus boom bap, punchlines, alors que moi je suis plus new wave. Mais c’est pas très important ça, au final on garde les meilleurs morceaux et on reste dans une productivité constante. On arrive toujours à se mettre d’accord. 

Hayce Lemsi devant la Pagoda, à Paris (8e) – © Michel Rubinel

iHH™ : Tu l’as dit vous avez un style de rap assez différent, et pourtant sur l’album ce n’est pas choquant. Comment est-ce-que vous parvenez à trouver cette alchimie musicale ? 

Hayce Lemsi : En fait plus on est différents plus on est complémentaires. Les gens ne voient pas de différences réellement quand ils écoutent. Je suis vraiment dans la folie, la hype, Volts Face est très lucide et sérieux. Ça fait deux styles qui se mélangent très bien, c’est une recette qui a toujours marché. 

iHH™ : Pourquoi est-ce-que vous avez appelé cet album “Adal 2” ? 

Hayce Lemsi : Déjà comme tu le sais “Adal” c’est les initiales de “À des années lumières“, et ensuite on l’a appelé comme ça pour faire kiffer nos fans qui avaient aimé le concept. On s’est dit qu’il fallait garder une même ligne directrice, et ça passe par le titre. 

iHH™ : Vous le considérez comme une suite de “Adal”, sorti en 2016 ?

Hayce Lemsi : Non pas forcément, on le prend plutôt comme un renouveau. On a grandi, on a trente piges maintenant. Avec toute l’expérience qu’on a acquis je vois plus cet album comme une consécration que comme une suite. 

iHH™ : Justement dans l’intro “Adal 2”, Volts Face dit “quand j’croise tous les nouveaux rappeurs ils me considèrent comme un ancien”, j’imagine que c’est pareil pour vous deux… 

Hayce Lemsi : Oui bien sûr, en réalité il m’arrive la même chose que lui. Même si je sors un album par an alors que lui n’en a sorti que trois les gens me demandent “comment ça va l’ancien ?” et tout. On est toujours là, mais il faut laisser la place aux petits frères, je peux pas être toujours n°1 au devant de la scène. Forcément à des moments tu seras beaucoup mis en avant, à d’autres moments moins, et puis ça va revenir. Après il faut quand même laisser la lumière aux petits jeunes, y en a plein qui sont chauds, ils méritent. 

iHH™ : Alors qu’est-ce-que ça fait de devenir malgré soi un ancien, c’est pas un peu chiant ? 

Hayce Lemsi : Non, parce qu’il faut assumer ce qu’on est. Il y a une phrase qui dit “vouloir être de son temps c’est déjà être dépassé” et c’est réel. Tous les mecs qui sont dans le rap depuis aussi longtemps que nous et qui se disent qu’il faut faire comme les jeunes, ils sont déjà dépassés. Il faut être en avance sur son temps. Ça ne me dérange pas qu’on me considère comme un ancien, et dans mes prochains projets j’essaierai toujours d’être avant-gardiste. Ce qui me fait plaisir c’est que je sens un énorme respect où que j’aille, et ça ça n’a pas de prix. Le respect de la rue, des gens, des anciens et des nouveaux c’est la meilleure chose qui me soit arrivée. C’est pour ça que je continue à me battre pour mon art. 

iHH™ : Dans le morceau “PDR”, Volts Face dit être dans un game où tous les meilleurs rappeurs vendent le moins. C’est un avis que tu partages ? 

Hayce Lemsi : Certaines fois oui, il y a des artistes sur-côtés et d’autres sous-côtés, mais c’est pareil dans tous les domaines. Il y a énormément d’injustice dans le game, mais c’est une vérité et il faut en parler. Toutes les vérités sont bonnes à dire, donc je trouve ça intéressant que Volts Face en parle. Comme dans le morceau “Intro” il explique que le public retourne sa veste très vite, et ça peut être le cas. Il y a des comportements hypocrites. Après pour moi le rappeur ne doit pas suivre le public, c’est le public qui doit suivre le rappeur.

iHH™ : Je voulais parler des invités aussi. Déjà il y a Franglish sur le morceau “Juste du Love”. Comment la connexion s’est-elle faite et comment avez-vous pensé à ce morceau ?

Hayce Lemsi : Je bossais pas mal avec Randy qui a fait cette prod° et lui travaillait aussi avec Franglish. Ça faisait un moment que je le voulais, et en vrai le morceau a été fait il y a longtemps, y a plus d’un an je pense. On l’a laissé coffré, l’été est arrivé et on s’est dit après le confinement qu’il fallait l’envoyer. Franglish lui aussi a bien pété avec ses sons. On a eu de la chance, pour nous comme pour lui le morceau est arrivé à une bonne période. 

iHH™ : Franglish a explosé comme tu le disais, et vous invitez aussi Bosh qui est sous le feu des projecteurs en ce moment sur le morceau “Si si si”. La connexion entre vous ne date pas d’hier, tu l’avais invité à un Planète Rap de “La haute” si je ne me trompe pas ? 

Hayce Lemsi : Bosh je le connais depuis plus de deux ans. Je l’avais ramené à mon Planète Rap le jour où il y avait Saïd Taghmaoui et aujourd’hui ils se retrouvent dans la même série [Saïd Taghmaoui a été annoncé au casting de la saison 2 de “Validé” – NDLR], le monde est petit quand même ! Le morceau on l’a enregistré il y a longtemps aussi, bien avant “Djomb“. T’as forcément des gens qui vont dire qu’on l’a invité pour profiter de son buzz mais pas du tout. La connexion entre nous elle date. C’est une belle surprise aussi son explosion, des mecs comme Bosh et Franglish je suis très content qu’ils aient pété. Je savais qu’ils avaient du talent, j’ai pas attendu le buzz pour aller les voir. 

iHH™ : Ensuite il y a le feat avec Bigflo & Oli, qui est une véritable démonstration technique. Comment avez-vous eu l’idée de ce morceau ? 

Hayce Lemsi : C’est assez simple, c’est deux frères, nous aussi, le morceau s’appelle “Frères lunaires” et on a kické. Comme tu le dis c’est une démonstration technique. Ça faisait longtemps qu’on voulait se cogner tous les quatre. Quand ils ont commencé je les croisais à Skyrock et tout, ils me disaient que je les avais inspirés. Tout le monde n’a pas la franchise de le dire mais eux si, ils ont cette humilité. Ils bossent dur, ils sont forts dans ce qu’ils font, donc logiquement on a pensé à eux. 

iHH™ : Et enfin Mister V qui vous avait invité sur le morceau “Space Jam”. Vous avez pensé à lui facilement j’imagine ? 

Hayce Lemsi : Oui bien sûr, on était les seuls rappeurs pas de sa bande à poser sur son premier projet. Je me suis dit que ce serait cool de l’inviter parce qu’il est bon délire et qu’il a progressé entre temps. Son dernier album “MVP” j’ai bien kiffé. Je trouve qu’il a grave progressé dans son rap et le morceau qu’on a fait ensemble est chanmé.

Hayce Lemsi devant la Pagoda, à Paris (8e) – © Michel Rubinel

iHH™ : D’ailleurs, vous l’invitez alors qu’il y a toujours un cliché du YouTubeur qui ne peut pas être rappeur qui plane un peu sur lui. Pour vous ce débat est illégitime ? 

Hayce Lemsi : Complètement, on ne le voit plus comme un Youtubeur. On sait que c’est Yvick et qu’il est hilarant mais niveau musical il est crédible. Je ne le vois plus comme un comique, c’est un rappeur aujourd’hui. 

iHH™ : Je voulais aussi parler du single “Comme dit maman”, c’est des morceaux assez intimiste auxquels on est moins habitués aujourd’hui. Comment y avez-vous pensé et surtout pourquoi l’avoir propulsé en single ?

Hayce Lemsi : On s’est dit en regardant tous les thèmes abordés dans l’album qu’il fallait quelque chose de personnel. On avait ce morceau qui parle de notre daronne alors ça s’est fait assez naturellement. Ça fera du bien à la jeunesse un morceau qui parle de la daronne. On essaye d’être bienveillants aussi, c’est un peu notre côté ancien qui ressort pour le coup. 

iHH™ : On parlait de Randy tout à l’heure, il revient sur la prod° du morceau “Démon du fruit”, qui a tout de suite une tonalité dansante. C’est important cette variété musicale pour vous ? 

Hayce Lemsi : On avait déjà fait “Le fruit du démon” dans “Adal”, et c’est un morceau tout aussi ouvert, sinon plus. Je trouve pas qu’un morceau comme “Démon du fruit” soit vraiment surprenant ou choquant. C’est un morceau solaire comme on a l’habitude d’en faire, et Randy amène cette patte, cette touche musicale. Ça coulait de source en fait. 

iHH™ : Je voulais aussi parler de “Drill Lumière“, qui a eu un joli buzz sur YouTube mais qui n’est pas sur l’album. Pourquoi ça ? 

Hayce Lemsi : Il est dispo en streaming quand même, mais on l’a enregistré à la fin de l’album celui-là. C’est toujours quand tu sors un album que tu as les meilleures inspis. C’est pour ça que quand je sors un album en général je sors une série de freestyles, pour voir l’état d’esprit du public. Là à deux c’était plus compliquer de faire ça donc a juste envoyé “Drill Lumière”. Le public a bien kiffé et ça nous fait plaisir mais c’était vraiment un délire. Je ne me vois pas dans la drill, j’aime bien ça mais c’était vraiment pour expérimenter qu’on a fait ce morceau. 

iHH™ : Il y a aussi une grosse part d’egotrip dans votre rap, dans le morceau “Giovanni” par exemple. C’est indispensable sur un de vos albums de conserver cette patte egotrip ?

Hayce Lemsi : Bien sûr, c’est important. On fait de l’egotrip parce qu’on a des trucs à raconter aussi. Si ce n’était pas le cas on ne pourrait pas. C’est important parce que ça montre que tu as vécu des choses et que tu arrives à faire un délire autour de ça. Le jour où il n’y a plus d’egotrip le rap meurt, c’est l’essence même du rap. Le rap c’est violent, c’est la rue, et l’egotrip est en plein là-dedans. 

iHH™ : Je vais revenir à la question du début, mais comment est-ce-que vous vous situez dans le rap aujourd’hui ? Parce que vous n’êtes pas des anciens, mais pour autant on ne peut pas dire que vous soyez de la nouvelle génération… 

Hayce Lemsi : Alors on est ni anciens, ni pas anciens, on est vrais, jusqu’au bout. Je préfère mourir debout que de vivre comme un lâche. Je suis pas là pour les paillettes, je me battrais pour le rap, je défendrais mon art parce que je l’aime. C’est pour ça que les gens savent que je suis le seul en général qui ouvre sa gueule. J’ai toujours dit ce que je pensais, c’est ça qui fait que je suis encore debout. Je me laisserai jamais marcher dessus. Ceux qui n’ont pas de convictions on entend plus parler d’eux après deux ou trois ans. Le rap c’est pas un jeu, c’est limite une révolution. 

iHH™ : La cover d’”Adal” c’était vous deux enfants. Sur “Adal 2” on vous voit aussi enfants mais la moitié en haut vous représente aujourd’hui. C’est quoi le message avec cette pochette ? 

Hayce Lemsi : On a grandi, on est adultes. Il y a aussi l’idée que les gens nous reconnaissent. Aujourd’hui tout le monde ne nous connait pas, de l’eau a coulé sous les ponts depuis nos débuts. En plus en noir et blanc, ça donne un côté nostalgique.

iHH™ : Justement le but avec “Adal 2” c’était de conquérir un nouveau public ? Un public jeune qui peut-être ne vous connaitrait pas ? 

Hayce Lemsi : Absolument, et moi ça me fait plaisir de voir tous ces jeunes qui sont fans de rap. À 14 ou 15 ans ils connaissent tout maintenant, ce n’était pas forcément le cas avant. Ça fait plaisir de voir cette jeunesse pleine d’énergie et pleine de rêves. J’ai envie de leur montrer ce que c’est que le vrai rap, comment on utilise les mots de la langue française, notre vécu aussi. J’ai envie de montrer le rap sous sa meilleure facette. 

iHH™ : C’est quoi vos objectif avec “Adal 2” ?

Hayce Lemsi : J’attends de voir la réaction du public, je suis pressé que les gens puissent écouter l’album en entier. Les singles ont bien marché en plus, on a toujours été en playlist, en rotation radio, à la télé. J’ai vraiment hâte des retours, comme je disais au début on a mis un an à taffer l’album donc c’est vraiment ça que j’attends. 

iHH™ : Et vous envisagez quoi une fois l’album sorti ? 

Hayce Lemsi : On va envoyer des visuels c’est sûr, peut-être quelques freestyles, mais malheureusement il n’y aura pas une promo de ouf après compte tenu de ce qu’il se passe. On voulait une tournée mais c’est mort à cause de tout ça. Tout ce que je peux demander au public c’est d’aller steamer au maximum “Adal 2” et de nous donner de la force. C’est le mieux qu’ils puissent faire. Ensuite moi je vais revenir avec un album solo, peut-être que Volts Face aussi, on continue nos projets en solo. Il faut pas oublier que c’est pas un groupe Les Frères Lumières, c’est deux frères qui aiment bien se retrouver sur un projet en commun. On va enchainer très vite. 


Vous pouvez écouter “Adal 2” de Hayce Lemsi & Volts Face juste ici :