chloëmoi

La chanteuse Chloëmoi sort, ce vendredi 7 novembre, son nouveau single Comme si. Rencontre avec une stakhanoviste du quotidien à la voix de velours, pavant sa voie sans prendre le temps de se reposer.

Là, le souffle nous manque. Comme si rencontrer Chloëmoi, chanteuse R&B et soul, dans un café sympa du quartier des Minimes à Toulouse, ne peut que laisser en apnée. C’est qu’à 26 ans, l’artiste a déjà une histoire à remplir quelques tomes d’une autobiographie haletante. De ce moment, plongée sans bouteille dans un océan d’expériences traumatisantes, ressort une artiste dotée d’un temps d’avance sur la vie, d’un cuir épais, et d’une profonde gaité

Grandie trop vite

Chloëmoi a, des personnes ayant connu la souffrance, cette incapacité à la circonvolution lorsqu’il s’agit de se raconter. Elle a, aussi, cette manière de dire que « des gens ont connu pire ». Façon de s’empêcher de sombrer dans le misérabilisme. Chloë confie avoir encore du mal à « se retrouver seule face à (elle)-même ». Tout sauf un problème pour celle qui vit en permanence entourée de proches battant la chamade de sa vie. Dans son nouveau single Comme si, sorti vendredi 7 novembre, elle dit se sentir « comme un crash test ». Beau résumé d’une vie tendance accélérateur à particules, où tout va toujours très (trop ?) vite. 

Il y a là une réponse à la solitude ressentie un temps. Quand son papa est décédé brutalement, quand sa maman, prise dans une relation destructrice, l’a confiée à deux « lumières », Sylvie et Fabienne. Quand elle a fumé, un peu trop, pour passer l’étape du lycée en avance, ou qu’elle s’est délocalisée à Montpellier pour son école d’infirmière, à peine passé 16 ans. Tout est allé vite pour Chloë, qualifiée de « vieille âme » par sa meilleure amie Laurine. La musique, en revanche, a pris plus de temps à arriver. Elle écoutait du rap français avec son grand frère, de la soul avec sa grande sœur, du reggae et du zouk avec sa mère, de la musique congolaise avec son père. Dans l’écriture, l’une de ses qualités les plus remarquées, elle a trouvé un cocon, une manière d’exorciser les cahots d’une existence trop intense pour vraiment l’appréhender.

Prime à l’entourage

Née à Clermont-Ferrand, arrivée à Toulouse en 2017, Chloëmoi mène de front ses études d’infirmière et sa carrière musicale naissante. D’abord en groupe, la chanteuse met quelques années à se (re)trouver en solo. Elle adopte son nouveau blase, bon mot pour « les émois de Chloë ». Elle rencontre certaines personnes toujours dans son entourage musical aujourd’hui, parmi lesquelles son DJ, Gency, qui vante « la bonne humeur et l’exigence » de sa partenaire de scène. Il compare : « Nous sommes un peu comme l’équipe de France, où tous les meilleurs joueurs se mettent au service du meilleur des meilleurs. » Dans ce cas, celle à qui le Ballon d’Or — ou plutôt le disque d’or — est promis , c’est Chloëmoi.

Acclimatée à sa nouvelle vie toulousaine, Chloë enchaîne : concerts, jams, scènes ouvertes, singles, EPs… Elle participe au Tremplin du Rose Festival, organisé par BigFlo & Oli. Passée la frustration de la finale, où elle termine quatrième sur quatre, elle reçoit de bons retours. « Tu vas vivre de ta musique, je n’en ai aucun doute, mais ne te cache pas derrière ton écriture », lui aurait glissé le cadet des deux frères. En 2024, puis 2025, Chlöemoi se produit sur la scène du festival. Dans le même temps, elle met sur pause sa carrière dans la santé, pour se consacrer pleinement à la musique. Elle affine son écriture. Sans chercher la punchline (pas trop la pratique dans le R&B), elle trouve la « phrase juste », dixit Renaud, son manager.

Tout est politique

Avec trois EPs solo — dont un n’est plus disponible sur les plateformes — à son actif, Chloë fonce sur l’autoroute de la musique. Elle mobilise son rare temps libre sur ses textes, « avec un petit carnet d’écriture, au bord de la Garonne ». Elle habite aux Minimes, aime Claude Nougaro mais reconnaît, un peu penaude, « ne pas avoir une très grande culture musicale en ce qui concerne la chanson française ». Il faut dire qu’elle n’a de toute manière pas grandie là-dedans. Celles et ceux qui l’animent se nomment Lauryn Hill, Erykah Badu et Damso. Haut standing.

Longtemps, Chloëmoi ne s’est « pas sentie légitime » à parler de politique. Elle a vaincu son syndrome de l’impostrice, parce que « c’est important d’en prendre conscience, […] il faut s’intéresser, au moins un peu, à la politique, à ce qui se passe dans le monde ». On l’a vue performer lors d’une soirée en soutien à la République démocratique du Congo et à la Palestine. Elle est des signataires de la pétition pour la libération de François Piquemal, député de la 4e circonscription de la Haute-Garonne retenu prisonnier après avoir pris part à l’une des flottilles vers Gaza

Le doute n’est plus permis, Chloë s’engage. Sans trop faire montre de son militantisme, comme d’autres excellents artistes (Médine, Youssef Swatt’s ou encore le groupe irlandais Kneecap), la chanteuse toulousaine ne perd pas sa boussole. Elle assure : « Si je n’avais pas ne serait-ce qu’un mot ou une attention, pour mon pays d’origine et pour les pays qui subissent des injustices, je m’en voudrais. » Il faut dire qu’après des années à travailler auprès de personnes exilées, en situation de handicap, ou souffrant d’une dépendance addictive, Chloë ne peut pas réellement se départir d’une empathie bien naturelle.

Et après ?

Dans l’entourage de l’artiste, passée l’admiration et le soutien inconditionnel, on souligne son hyperactivité. « Elle n’arrête pas, mais elle en a besoin », décrit sa maman Monique. L’énergie débordante de Chloë semble être canalisée dans ses chansons, où la douceur de sa voix met en relief des paroles loin d’être doucereuses. « En connaissant son histoire, certains de ses textes sonnent différemment », assure son manager Renaud.

Chanteuse « sensible », dotée d’une « faculté à faire ressentir sa musique », dixit Gency, Chloëmoi fait parler d’elle au-delà des frontières occitanes. La jeune femme se sent bien à Toulouse, n’envisage pas d’en partir, même si la capitale l’appelle, pour performer ou réseauter. Elle voit grand, reste attachée à ses bases. Elle s’entoure bien, et veut multiplier les cordes à son arc pour parfaire son art. Surtout, elle ne se dissipe pas, n’oublie pas d’où elle vient, ni ce qu’elle porte en elle. Si tout est allé un peu trop vite pour Chloë, elle semble encore loin de sa vitesse de pointe. Accrochons-nous.

Texte : Dorian Lacour


Le nouveau single de Chloëmoi, Comme si, est à écouter ici.