Alors que beaucoup de rappeurs bougent vers Paris ou Marseille pour exploser, Benesao a fait l’inverse, en quittant ses Bouches-du-Rhônes natales pour se rendre à Bordeaux. Avec son EP “L’être humain”, sorti le 19 décembre 2020, il s’affirme comme l’une des nouvelles têtes à suivre sur la scène bordelaise. iHH™ MAGAZiNE a discuté avec lui.

Interview : Dorian Lacour

iHH™ : Salut Benesao ! Ton projet “L’être humain” est sorti 19 décembre dernier. Qqu’est-ce-que ça donne au niveau des retours ?

Franchement, beaucoup de personnes ont aimé, j’ai eu plein de retours positifs. Ça fait plaisir, je ne m’y attendais pas, je pensais que les gens allaient écouter mais sans plus. “L’être Humain” a bien marché, beaucoup de gens partagent encore les morceaux à l’heure d’aujourd’hui. Je n’étais pas sûr de ça, ça dépasse un peu mes espérances. Après, ce n’est que le premier projet, le deuxième sera encore meilleur.

iHH™ : C’était quoi ton ambition avec ce projet ?  

C’est davantage une carte de visite, pour dire que je suis là, et que j’ai de l’inspi. Par la suite, il y aura d’autres projets encore, des meilleurs. “L’être Humain” je pense que je ne l’ai pas travaillé à fond, parce que j’avais 2-3 petits problèmes à-côté de la musique. Sur le prochain projet, ça devrait être encore mieux, je me suis plus appliqué.

iHH™ : Comment s’est passée la conception de cet EP ?

Je vais pas te mentir, j’ai fait tous les sons en moins d’un mois parce que j’ai beaucoup d’inspiration. J’ai voulu montrer mon vrai visage, en mélangeant du vocodeur, du chant, du rap, un peu tout ce que je sais faire. Je ne me suis pas non plus présenté à 100 %, c’est une première partie de moi-même. Ce projet, c’est pour dire : “je suis là, il faut compter sur moi maintenant”.

iHH™ : Il n’y a qu’un seul featuring, Pakito, sur deux morceaux (“En Bas” et “Pas Comme Eux”). C’était une évidence de l’avoir sur le projet j’imagine ? 

Bien sûr, c’est mon meilleur ami. J’étais dans la musique et lui pas du tout au début. Maintenant il s’y est mis, il est sérieux dedans. À Bordeaux, j’aurais pu feater avec d’autres gens, mais je voulais d’abord que ça reste familial. Le faire avec ceux qui sont proches de moi, c’est important. À la base, on devait faire un groupe avec Paki, mais on a décidé de partir chacun en solo. Après mon prochain projet, on va peut-être faire un truc commun, un album basé que sur nous deux. 

https://www.youtube.com/watch?v=uu9umKbSqQk

iHH™ : Parle-moi du morceau “Lgtmps”, qu’est-ce-qu’il veut dire ? Que désormais tu te concentres sur la musique à 100 % ? 

Oui complètement. J’essaye de parler de ce que j’ai vécu, mais je voulais surtout transmettre le message que maintenant je suis tourné vers l’avant. Je barre mon passé pour passer à autre chose, et ça passe par le rap. Avant j’étais plus dans le rap street. J’ai commencé comme ça, et j’ai connu quelques polémiques, mais ce n’était pas vraiment mon monde à moi. Je suis plus dans les mélodies, le rythme, c’est ça ma musique. 

iHH™ : Donc tu es né à Marseille mais tu as bougé à Bordeaux il y a quelques années. Maintenant, tu te places comme un nouveau moteur de la scène bordelaise. En parlant de ça, qu’est-ce-que tu penses de cette scène ? 

En fait, justement, à Marseille il y a beaucoup de gens qui m’ont dit que j’aurais pu être reconnu si j’étais resté là-bas, mais je préfère le challenge. La scène de Bordeaux n’a pas vraiment percé. On a des bons rappeurs, mais il n’y a pas assez de lumière sur nous. Maintenant, je préfère percer à Bordeaux, pas tout le monde ne perce ici. Tu seras l’un des premiers et tu pourras donner de la force aux autres. À Marseille, c’est l’inverse : tu dois aller chercher la force pour péter. Quand tu donnes de la force, c’est toujours mieux que quand on te la donne. On ne travaille pas assez ensemble ici, c’est un peu chacun son quartier, on ne se mélange pas. Ça a un peu bougé remarque, ça commence à évoluer, et c’est bien. 

iHH™ : Tu envisages de devenir, dans le futur, une figure importante du rap à Bordeaux ? 

J’aimerais beaucoup, carrément ! Je trouve qu’il y a d’excellents rappeurs ici, j’ai eu de la chance d’avoir un peu de lumière, j’ai des amis qui m’ont donné de la force, mais franchement je suis pas contre passer à l’étape supérieure. À Bordeaux, il y a déjà Sam’s qui est une figure importante, mais il fait un peu de tout, de la musique, du cinéma… J’aimerais bien être le représentant de la ville dans le rap. C’est du travail, mais ça peut le faire.

iHH™ : La mélancolie est très présente dans beaucoup de tes textes, même dans ton flow parfois… Comment tu expliquerais ça ? 

En fait, je suis orphelin. Ma musique est mélancolique de base parce que j’en fais pour m’exprimer. Petit, je suis passé par beaucoup de foyers, on m’a parfois proposé d’aller voir un psychologue pour aller mieux, mais moi je n’aime pas ça. Je me suis dit que, peut-être, la musique pourrait m’aider, et au final c’est ça qui m’apaise. C’est vrai que beaucoup de gens disent que je suis mélancolique, mais c’est parce que je parle de ma vie. 

iHH™ : Tu as également recours à l’AutoTune pour donner une texture particulière à ta voix. Qu’est-ce-que ça t’apporte ? 

En fait, ce qui est drôle, c’est que des fois, quand j’enregistre, je ne mets pas d’AutoTune et des gens me disent qu’on dirait que j’en ai mis ! Dans le chant, je connais 2-3 trucs, j’ai la chance d’avoir une bonne voix. Je rajoute un peu de vocodeur pour que ce soit plus net. Des fois, je n’en ai pas besoin du tout, mais je préfère, pour rendre le truc le plus clean

Benesao par ONO.

iHH™ : Il y a quelques années, tu avais fait pas mal de bruit avec “On Remet Ça“. Qu’est-ce-qui a changé, dans ta carrière, depuis cette époque ? 

Franchement, ça n’a pas beaucoup changé. Ça m’a fait plaisir d’avoir fait le million de vues avec “On Remet Ça“, mais ça n’a pas modifié ma vie. Juste j’ai eu beaucoup de retours, et ça fait plaisir, mais sur moi-même, mon état d’esprit, ça n’a rien changé. À la base, la musique je n’étais pas à fond dedans. Ça fait un an que je me concentre dessus, avant tout pour m’exprimer, pas pour peser et avoir de l’argent. C’est vraiment si je perce que les choses changeront, je pense.  

iHH™ : Pour parler plus globalement, de quoi est-ce-que tu t’inspires pour écrire tes morceaux ? 

Ma vie et ma tristesse, tu vois. Je n’écris pas “pour le travail”, je suis pas là à me dire qu’il faut impérativement que je gratte un texte, parce qu’il faut que je sorte un projet et tout, je ne me force pas. Aujourd’hui je peux écouter 10 instrus et ne rien écrire du tout. Demain, sur une seule prod°, j’écris tout d’un coup. La plupart du temps, c’est comme ça, j’écris à l’instinct, j’enregistre et c’est bon. Il y a beaucoup de rappeurs qui travaillent énormément sur leurs textes, moi ça me prend la tête. Ça peut être un défaut, je le sais, mais de base, comme je te disais, la musique c’est vraiment pour m’exprimer, juste faire ce que je kiffe. 

iHH™ : Si je te demande ce que tu écoutes en ce moment, quels artistes viennent directement ? 

En France, je ne suis pas à la page. En ce moment, j’écoute beaucoup ZKR, mais sinon je suis pas trop ce qu’il se passe. Quand j’étais petit par contre, j’allais mater tous les jours s’il y avait pas une nouvelle musique de sortie, je voulais être le premier à avoir écouté tel ou tel morceau. Pour revenir sur les artistes que j’écoute, avant tout il y a XXXTentacion : il m’inspire énormément, j’aime bien son travail. J’écoute aussi pas mal Pop Smoke, avant un peu Young Thug, mais j’ai arrêté. J’écoute un peu Jul, Maes ou Timal, j’aime bien mais je ne fais pas un focus dessus, je ne suis pas obsédé par ça. Carrément des fois je n’écoute pas de rap, j’écoute des trucs pour lesquels les gens de mon quartier me disent que je suis fou. Tant que j’aime, peu importe ce que c’est, j’écoute. 

iHH™ : J’imagine que tu es encore loin d’être arrivé à ton objectif. C’est quoi tes projets pour la suite ? 

Là, je prépare un second projet, qui arrive dans l’année. J’ai des petits featurings que je dois aller voir avec mon manager, pour faire un bon projet. Les concerts et tout ça, c’est mort à cause du COVID… Mais ensuite on va travailler avec Paki, et si on m’invite sur un projet, je vais y aller direct. 


Vous pouvez écouter l’EP “L’être humain” de Benesao juste ici :