Interview par : Nicolas Sadourny
Oxymore Turt a sorti son nouveau clip Ok Mec, la quatrième production du duo réalisée de manière indépendante. Dans l’équipe, Oxymore Turt s’attelle aux textes tandis que Leonard Taupin est à la prod. Aujourd’hui les deux jeunes hommes rêvent de toucher le monde par leur musique et de continuer à résonner avec leur public.
– Parlez-moi de votre collectif, comment vous-êtes vous réunis ?
Oxymore Turt : Nous avions des connaissances en commun au lycée, on se croisait déjà. Quelques années plus tard, une de ces connaissances a constitué un collectif qui rassemblait des chanteurs, rappeurs, beatmakers, DJ … C’était une bonne idée mais mal organisée, ça n’a pas duré longtemps mais avec Léo on est toujours resté en contact. Léo a joué d’un instrument depuis tout jeune, j’ai également joué puis j’ai arrêté, toujours en écoutant beaucoup de sons.
– D’où vient votre passion pour le rap ?
Oxymore Turt : La passion vient des artistes que l’on a écoutés. J’ai reçu des CD de mon oncle avec des morceaux de Dr Dre, Snoop Doog, Wallen, Fat Joe, Fonky Family… J’entendais des artistes comme IAM, Rohff, Disiz, Busta Rhymes à la radio. C’est parti comme ça. Des chansons comme Pourquoi de Sniper, etc. Ça faisait plaisir de voir une musique “revendicatrice” et qui venait de zones semblables à la mienne. C’était une discipline variée, entre le beatmaking, l’écriture, l’art de la punchline, tout ça. Et puis en banlieue, tu entends du rap assez souvent au cours de tes aventures.
Léo : J’ai commencé le rap avec du rap français comme du Mc Solaar, Zebda, Iam, Disiz..et du rap us : Eminem, Public Enemy, Ratm (punk rap us), Mos Def. J’ai tout de suite aimé ces textes bien écrits, avec une belle plume. Dans les rappeurs actuels j’aime beaucoup Orelsan en France, Rilès et aux USA Macklemore. Je suis passionné par les clips et la musique rap car les univers à exploiter sont infinis et très intéressants.
– Vous vous présentez sans hésiter comme des artistes représentant le Val-de-Marne, c’est important pour vous ?
Oxymore Turt : Nous avons toujours aimé cette dimension très “territoriale” que l’on a en Ile-de-France. Je parle des bons côtés, pas des conflits entre quartiers. Les banlieusards sont en majorité toujours contents de citer leur département/ville et les personnalités qui en sont sorties, c’est super. C’est presque un running gag on va dire. Quand on voyait Matuidi au PSG ou en Équipe de France, quand Kery James triomphait nationalement avec “A l’Ombre du Show Business”, l’ascension de Thomas Ngijol… on était forcément contents.
Ça donne aussi des idées à tout le monde : “en étant motivé, en s’accrochant, et avec une part de chance, il y a des possibilités”. La banlieue c’est aussi un environnement qui te forge dans cet aspect “débrouillardise”, lutte contre l’opposition, qui met en avant la street culture – graffiti, musique, etc – et aussi cet attrait pour le sport.
– C’est important pour vous de travailler en auto-production ? Une fierté ?
Oxymore Turt : On va dire oui et non. On le précise pour les clips que l’on a fait totalement seuls, comme Concept Social. Sur nos 2 premiers clips, on a travaillé avec Simon Potaufeux, un vidéaste de talent (on prépare de nouvelles choses avec lui). Puis on a effectué le montage en autonomie. Pour répondre, ça ne constitue pas particulièrement une fierté en soi mais on sait que l’on peut continuer à sortir des clips de façon autonome sans dépendre de trop de monde. L’exemple parfait d’une totale indépendance dans le rap, c’est Russ, son succès sur Soundcloud et l’album There’s Really a Wolf. C’est beau. De notre côté, on enregistre encore en studio.
– Votre musique porte des messages forts. Quels sont-ils et pourquoi est-ce important pour vous d’en parler ?
Oxymore Turt : C’est effectivement important car les artistes qui nous ont fait aimer cette musique avaient la capacité de transmettre des messages, développer une prose sur des choses importantes. On ne parle pas de donner des leçons, mais de personnes qui développent des avis sur des thèmes de la vie : politique, amour, relation familiale, rapport à l’argent…
Pour nous c’est important d’en parler car le rap était à un moment une musique/une industrie équilibrée, une part de fun, une part d’égotrip, et aussi des textes dénonciateurs. Il y avait des artistes divers, avec des flows différents et des albums qui contenaient des sujets variés, en tout cas à une certaine époque. Cet équilibre s’est vraiment perdu aujourd’hui – c’est mon humble opinion – surtout au niveau des artistes mis en avant par les radios et les médias à quelques exceptions près.
– Expliquez-moi votre processus de travail et d’écriture. Commencez-vous par les textes ou la musique ?
Léo : Pour les clips, je m’occupe de la réalisation et du montage en collaboration avec Oxymore Turt. Nous préparons des moodboards, pour avoir l’humeur, le style de lieu dans lequel nous souhaitons tourner et nous laissons une marge d’improvisation sur le terrain. Une fois que tout est dans la boite, on met ça dans le soft de montage, on dérush et on peaufine progressivement : musique, effets, cuts etc… jusqu’à ce que l’on soit pleinement satisfait du résultat.
Oxymore Turt : Pour l’écriture, au fil des aventures de vie, des pensées me viennent. J’aime noter ces choses dans mes écrits, papiers ou immatériels. Progressivement, ces mots, ces idées et ces phrases forment un ensemble d’éléments. Je n’écris pas tous les jours, je sais que certains le font. Lorsqu’une idée concrète et précise me vient, je recherche une instru sur laquelle cet “univers” serait cohérent.
C’est parfois l’inverse, je découvre une instru et elle me rappelle une situation, un sentiment, un sujet de la vie, et je pars de cette instru pour construire mon propos. Une instru de qualité, c’est celle qui te fait prendre ton stylo et écrire, celle qui te fait venir des mots à l’esprit et des mélodies/flows dans la tête. Elle peut même te procurer une émotion.
Quand, à la fin du processus, il y a une vraie harmonie ressentie au niveau du texte, des thèmes abordés, des intonations de voix, du refrain (s’il y en a un, je ne trouve pas ça obligatoire), de l’enchaînement des phrases : je cherche à enregistrer. La perfection n’existe pas, il n’y a pas de règles. Je recherche la cohérence maximale.
– Comment définiriez-vous votre style ?
Oxymore Turt : En terme de musique, c’est toujours un exercice compliqué de se décrire soi-même. On me décrit souvent comme un auteur “à l’ancienne” par mes choix de beats, et également par ma façon d’articuler et les sujets que j’aborde. C’est une chose que je prends positivement. Je m’attelle à mettre le texte et le discours en avant, en fusionnant le fond et la forme.
– Quelles sont vos plus grandes inspirations ? Y a t-il un artiste avec qui vous rêvez de faire un feat ?
Oxymore Turt : Mes plus grandes inspirations sont ces choses de la vie contre lesquelles on se bat sans certitudes de pouvoir les changer un jour : des hommes politiques incompétents et avides de pouvoir, le racisme et la lutte des classes, un parent défaillant, cette “relation” amoureuse que l’on sait condamnée à mort à l’avance, le changement climatique… Les technologies progressent chaque année, mais l’homme est finalement toujours aussi perdu. Le vrai “but” de la vie reste à définir. La race humaine avance sans but dans une direction floue, avec une issue inconnue pour les prochaines décennies.
En terme d’inspirations par les rappeurs, des artistes comme Hugo TSR, Disiz La Peste, Sniper, Demi Portion, Orelsan ou Kery James sont des personnes que je peux citer. Si on parle de feat de rêve ce serait avec ces rappeurs là. Pour citer des rappeurs sous la trentaine, j’apprécierais beaucoup travailler avec Georgio ou BigFlo et Oli. Aux USA des artistes comme Eminem, Guru, Kendrick Lamar, Logic, B.o.B, Joey Bada$$ ou J.Cole m’inspirent beaucoup.
– Travaillez-vous déjà sur de nouveaux projets ?
Oxymore Turt : Nous prévoyons de sortir de nouveaux clips et sons d’ici la fin de l’année. Nous apprécions d’apporter quelque chose de différent à chaque clip, une esthétique, des plans variés pour montrer notre palette de compétences. Cette série complètera la mixtape Délirarium Vol.1. Nous enchaînerons ensuite avec de nouveaux clips et morceaux en 2022.
– Avez-vous un objectif dans votre carrière ?
Oxymore Turt : L’objectif c’est de toucher un maximum de personnes avec notre musique et nos clips. Passer les étapes une par une en terme d’audience. Entendre “ce que tu dis dans tes sons, ça me parle beaucoup”, c’est la meilleure chose. Tant qu’on aura des choses à dire, on sortira des morceaux.
Si un son pète un jour, tant mieux. Si ce n’est pas le cas, on sera quand même gagnant car on pratique une passion qui nous apporte beaucoup depuis tout jeune. Si un jour on travaille avec les artistes cités avant comme Disiz, Demi Portion ou Tunisiano, on aura vraiment atteint un plaisir indescriptible.
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