Texte : Sébastien Muzi
Photos : Maude Jonvaux

Nouvelle semaine qui commence sous les meilleurs auspices ! En ce lundi 11 octobre 2021, le Nancy Jazz Pulsations propose un plateau immanquable : Rover, Balthazar et enfin Jamie Cullum ! Un programme chargé et beaucoup de choses à voir, c’est parti pour une soirée exceptionnelle sous le chapiteau.

Rover

C’est le français Rover qui lève le rideau. Dans une ambiance très sobre, il monte sur scène bardé d’une guitare avec son batteur, et c’est tout. Le duo fait le choix de la sobriété pour sa scène, quelques images sont projetées en fond. Rover remercie le public présent et entame son set. Autour de nous, les gens s’interrogent : « Il a un excellent accent anglais pour un français ! ». C’est bien normal, celui-ci est riche de nombreuses expériences à l’étranger. Il a notamment passé plusieurs années de jeunesse à New-York, avant de monter un groupe à Beyrouth, où il a séjourné trois ans durant.

Il vient ce soir défendre un nouvel album : « Eiskeller » sorti en mai 2021 chez Cinq7. Pour ce troisième opus, Rover fait encore plus le choix de l’introspection. L’album a été enregistré dans des conditions spartiates, non loin de Bruxelles. Conditions d’isolement qui annonçaient sans le vouloir les confinements à venir.

Le rock teinté de spleen du groupe déploie un tableau noir, ponctué de touches de lumière. Les influences sont nombreuses et on pourrait citer quelques noms de la scène anglaise comme The Strokes, Interpol. On pense également à Miossec, présent lui aussi sur le festival du Nancy Jazz Pulsations cette année, bravo à la programmation ! Par moments, on perçoit également des liens avec Lou Reed.

La voix de Rover résonne, et les plages sonores qu’il est capable de déployer avec sa guitare chargée de réverbération donnent l’impression de planer, comme dans un rêve. Il nous laisse apaisés, et même si le groupe qui suit promet un set plus dansant, il a su nous apporter une sérénité bienvenue.

Balthazar

C’est au tour des flamands de Balthazar de prendre la scène. Depuis de nombreuses années, ces membres éminents de la scène indie / rock / pop belge savent cultiver leur petite touche personnelle. Une touche qui lorgne du côté des anglais (Arctic Monkeys sur « Tranquility Base Hotel and Casino » par exemple) mais qui, en tout cas, se démarque nettement de ce dont nos français sont capables.

Après que chaque membre ait pris des vacances en dehors de la troupe, et produit des projets parallèles (Warhaus pour Marteen Devoldere, et J. Bernardt pour Jinte Deprez), Balthazar marque son retour en février 2021 avec l’album « Sand » (PIAS).

Sur scène, on remarque que la violoniste Patricia Vanneste a laissé sa place à un nouveau venu touche-à-tout : Tijs Delbeke (aux claviers, guitare, trombone, violon, et c’est déjà pas mal).

Les nouveaux morceaux: « On A Roll » ou encore « Losers » font vraiment mouche sur scène. On apprécie l’utilisation plus marquée des cuivres, qui donnent forcément un petit aspect jazz à l’ensemble. Puis, vient évidemment le titre « Fever », qui sonne comme un virus irrésistible, se greffant aux neurones. On ne peut qu’entonner les chœurs du refrain et apprécier les notes subtiles du violon.

Les membres de Balthazar sont très doués pour rendre le dissonant sonnant, ils retombent toujours sur leurs pattes et se permettent de grandes incursions dans l’alternatif. Les jeux de machines, les trombones qui résonnent à gogo, sont autant d’éléments uniques au live qui apportent une plus-value indéniable aux titres. Ajoutez à cela les silhouettes des musiciens qui apparaissent au contre-jour des néons multicolores de la scène, et vous obtenez une prestation tout à fait remarquable.

Jamie Cullum

Pour refermer cette soirée, c’est Jamie Cullum qui est attendu sur la scène du Nancy Jazz Pulsations. A mesure que les techniciens s’affairent, on devine une arrivée en grandes pompes. Les rails de lumière de chaque côté de la scène sont abaissés, on fait glisser un magnifique grand piano sur la gauche. A droite, ce sont des percussions et des cuivres. Au milieu, deux micros, et une batterie. Il va y avoir du monde. Et quel beau monde.

Ce n’est pas moins de huit musiciens qui débarquent. Jamie Cullum au piano, une guitare, un percussionniste / saxophoniste, un contrebassiste, un clavier, un batteur et deux choristes.

Rien que l’agencement témoigne d’une richesse scénique éblouissante. Nous n’en sommes qu’à l’ouverture du set. D’emblée, Jamie Cullum fait montre d’une aisance qui laisse pantois. Ce musicien à la formation classique / jazz slalome autant avec ses doigts sur son piano qu’avec sa voix. Il sait prendre des accents de crooner, met à profit les voix chaudes de ses deux choristes pour des titres très gospel, puis soul, puis funk.

Les artistes présents sur scène sont tous des maitres de leur discipline, et ce n’est pas une exagération que de le dire. Le show est de grande envergure, tout est magnifiquement calibré, il n’y a aucun temps mort, mais pour autant on ne se sent pas lessivés. Bien au contraire, force est de constater que la foule n’a guère d’autre choix que de se lever progressivement pour succomber aux rythmes et entamer des déhanchés pas toujours totalement assumés.

Il se dégage de ce moment suspendu un esprit de fête et de communion. La joie communicative et l’énergie de Jamie Cullum et de son big band se propagent de manière exponentielle. La cadence du concert est excellente et l’aménagement des temps finement réfléchi. Le public est transporté, même le morceau de Noël (qui tombe un peu en avance) sait parfaitement mettre un coup de fouet à l’audience, les choristes entament une danse rock n’ roll endiablée.

Lorsque Jamie Cullum décide de revenir à ses premières amours, et qu’il se place derrière son piano pour un tête à tête, il fait des merveilles. Il laisse même par moments s’effacer sa voix (pourtant si juste) au profit de soin doigté au jazz impeccable.

Par la suite, les artistes se regroupent en milieu de scène pour un a capella uniquement appuyé par la contrebasse, on se croirait presque dans un film du vieil Hollywood. On redescend un peu avant le chapitre final. C’est beau !

Avant de quitter complètement la scène, le groupe revient et, alors qu’en pensait les hostilités terminées, entonne un ultime titre ravageur qui fait sauter unanimement les festivaliers.

Vous l’aurez compris, Jamie Cullum et sa clique ont offert un concert absolu, à voir absolument. C’est une véritable expérience. Voilà de véritables brutes de scène ! Nous repartons remplis de magie.