L’un des plus grands rappeurs que nous ait offert South Los Angeles a été abattu dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2019 devant l’un des magasins qu’il avait ouvert dans son quartier, au croisement de Crenshaw et Slauson Avenue, sans connaître réellement la gloire internationale qui lui était due. Il avait 33 ans. Il avait sorti un an plus tôt son premier album avec la major Atlantic Records, “Victory Lap”, grand disque de rap entre introspection et motivation music. Le titre de l’album, qui peut se traduire par “tour d’honneur” – celui que le champion s’offre drapeau à la main pour célébrer son triomphe –, a aujourd’hui un goût amer : ce victory lap qui devait consacrer plus de dix piges de labeur dans l’indépendance restera pour toujours le dernier. Ce n’était pas le début d’une nouvelle ère, c’était un testament précoce. 

Il avait sorti sa première mixtape en 2005, “Slauson Boy”, une quinzaine de projets depuis, et avait toujours refusé les avances des majors : il cherchait constamment à développer le “capitalisme noir” cher à James Brown en réinvestissant ses profits là où il avait grandi plutôt que de fuir comme tant d’autres le neighborhood pour une vie confortable et enviable mais déconnectée de ceux et celles qui ont contribué à t’élever. La “débrouillardise” de son pseudonyme était un credo ; il resterait un gangster, affilié jusqu’au bout aux Crips mais soucieux d’unité et d’apaisement, préférant faire front avec les foulards rouges contre l’ennemi commun Trump ou sa police raciste que d’attiser les guerres fratricides qui l’avaient jusque là épargné.

Nipsey cherchait à rassembler, lui qui semblait faire le trait d’union entre l’ancienne génération du gangsta rap, qui l’avait formé et reconnaissait en lui un digne successeur, et un renouveau plus conscient et sophistiqué façon TDE. Son rap était versatile, en accord avec sa personnalité : plein d’un spleen de voyou trop souvent endeuillé et de positivité combative, la voix éraillée par la weed et le struggle, capable de bangers rageurs autant quede douceurs lorgnant parfois sur le spoken word, il semblait pouvoir tout faire, aussi à l’aise sur du boom-bap soulful que sur les classiques de la west-coast, survolant les prods ratchet squelettiques à la DJ Mustard autant que les orchestrations plus lourdes et ornementées. Quand sa voix s’élevait, on n’entendait plus qu’elle, c’était à la fois facile et sur le fil, vulnérable et indestructible, feu et glace. 

Nipsey contrôlait tout ce qu’il faisait, il était maître de tous ses choix musicaux puisque jamais soumis aux exigences d’une quelconque maison de disque qui lui aurait volé son art et son argent. Alors même s’il ne produisait pas lui-même les beats sur lesquels s’imposaient sa voix et son style inimitables, nul doute qu’il se montrait implacable quant au choix des instrus qu’il pliait immanquablement. Si son “Victory Lap” est gorgé de soul music et de funk grasse, nombre de morceaux qui ont jalonné ses quinze années de “Marathon” loin du show business (concept qui lui était cher, et par lequel il a baptisé deux de ses mixtapes ainsi que sa marque de fringues) recèlent aussi des joyaux empruntés aux anciens. On rend donc hommage à notre manière au talent du lascar, par les samples, en piochant dans sa trop courte carrière quelques tueries et leurs originaux samplés, le tout mixé avec des moufles. Bon voyage à vous, rest in powa Nipsey, “grand griot d’Erythrée” pour paraphraser Sameer Ahmad.

Manu Makak (Black Mirror, émission hip-hop)

TRACKLIST

01. Nipsey Hussle x Buddy – Status Symbol

02. Rhythm – The World Is a Place

03. Nipsey Hussle – Right Hand 2 God

04. The Controllers – Getting Over You

05. Nipsey Hussle – Keys 2 the City

06. Rhinoceros – That Time of the Year

07. Ugly Heroes – Risk Brings Reward

08. Sade – Cherish the Day

09. Dj Cam –MadBlunted Jazz

10. Z–Ro – Respect My Mind

11. Nipsey Hussle feat. Sade and James Fauntleroy – If U were mine

12. Nipsey Hussle x Lloyd Banks x Cory Gunz – Speak My Language

13. John Carpenter – Halloween Main Title

14. Dr. Dre x Hittman x Ms. Roq – Murder Ink

15. Lamont Dozier – Shine

16. Pharoahe Monch – Mayor

17. The Game x Nypsey Hussle – Welcome Home

18. Young Jeezy feat. Clipse – Ill’In

19. Nipsey Hussle – The Best Rapper

20. Willie Hutch – Mack’s Stroll

21. Nipsey Hussle feat. Swizz Beatz – Been Down

22. Ralfi Pagan – The Bottom Line

23. June Summers x Nipsey Hussle x 2Pac x Jay Rock – Army All by Myself

24. Roy Ayers Ubiquity – The Memory

25. Nypsey Hussle – Blue Laces 2

26. Willie hutch – Hospital Prelude Of A Love Theme

27. Masta Ace – Good Ol’ Love

28. Nypsey Hussle x Position x Sloane – Still D.R.E

29. Berner x Nipsey Hussle – Wax Room

30. Nipsey Russell – What Would I Do if I Could Feel ?

31. Blanco and Nipsey Hussle – Nade

32. The Blackbyrds – Mysterious Vibes

33. Arctic Monkeys – Knee Socks

34. Nipsey Hussle feat. Stacy Barthe – Victory Lap

35. Alan Hawkshaw – Strangelands

36. OC – Caught Up

37. Nipsey Hussle – 10 Toes

38. The O’Jays – Who Am I

39. Nipsey Hussle – All Get Right

40. The Diplomats – Who I Am

41. Franco Micalizzi – Voices for Sadness Theme

42. Stalley x Rick Ross x Nipsey Hussle – Fountain of Youth

43. Nipsey Hussle – Hussle & Motivate

44. Jay Z – Hard Knock Life

45. Nipsey Hussle – 50 Niggaz

46. The Mohawks – The Champ

47. Brother Jack McDuff – Electric Surfboard

48. Nipsey Hussle x Blanco x Dorrough – Girl Scout Cookies

49. Galt Mac Dermot – Coffee Cold

50. Nipsey Hussle – Actions Is Everything

51. Blanco x Nipsey Hussle x YG – LA Confidential

52. Ohio Players – Funky Worm

53. Willie Hutch – Ain’t That (Mellow, Mellow)

54. Nypsey Hussle – Got It Made

55. Average White Band – A Love of Your Own

56. Nipsey Hussle – Rich Roll

Pour télécharger le mix : BCK MIR – Rest In Powa Nipsey

Pour télécharger la playlist : BCK MIR – Rest In Powa Nipsey PLAYLIST