Texte : Sébastien Muzi
Photo : Maude Jonvaux
La programmation du Nancy Jazz Pulsations est bien connue comme étant à la fois très éclectique et toujours surprenante. Il est monnaie courante d’y voir se jouer des coudes de grands noms (comme Woodkid, Jamie Cullum, Miossec, ou Popa Chubby cette année) et des artistes qui ne demandent qu’à prendre un peu plus de lumière.
Pour ouvrir le bal de cette édition 2021, nous optons pour cette seconde catégorie et prenons la direction du Parc de la Pépinière de Nancy. Le chapiteau du Magic Mirrors accueille ce soir une bien belle affiche !
Leon Phal Quintet
En premier lieu, c’est un DJ set fort savoureux qui nous accueille, Blue Era pose le cadre de la soirée. Le Magic Mirror offre une ambiance feutrée, avec son chapiteau coiffé d’une boule disco. Des titres jazzy plutôt pointus, accompagnés de beats electro délient les premiers bassins.
C’est alors au quintet de Léon Phal de monter sur scène, la formation propulsée par le tremplin Nancy Jazz Up 2019 va nous surprendre tout du long avec une prestation extrêmement soignée. On parle souvent de musiciens jazz souhaitant dépoussiérer les classiques, c’est ici un pari plus que réussi ! Fort d’un premier album : “Canto Bello” (2019, Inouïe Distribution) applaudi par FIP et France Musique, le quintet a su transformer l’essai en 2021 avec « Dust to Stars » (Kyudo Records).
Le groupe, composé du saxophoniste Léon Phal, du trompettiste et compère Zacharie Ksyk, de Gauthier Toux aux claviers, du batteur Arthur Alard et du contrebassiste Rémi Bouyssière, s’empare rapidement du Magic Mirror et nous emmène en voyage. Si les notes parfois planantes et très électroniques des claviers nous nimbent agréablement, les interventions très incisives de la batterie et de la contrebasse se chargent de nous remettre les idées en place.
Léon Phal est un maître de son instrument et ses mélodies s’incrustent en tête. Lorsque la trompette le rejoint, tout prend du sens. On ne peut que saluer la formation, qui n’oublie jamais l’importance des improvisations et fait la part belle à chaque musicien. Ce premier concert du NJP est une très bonne surprise. Voilà qui augure de belles choses à venir !
Blue Lab Beats
Après une nouvelle intervention de Blue Era, c’est maintenant au duo londonien de Blue Lab Beats de secouer toutes les fibres de nos corps.
Les musiciens, NK-OK et Mr. DM, sont des moteurs de ce que l’on pourrait injustement qualifier de nouvelle scène jazz anglaise. Il s’agit en réalité de bien plus que cela, il faudrait au moins dépasser le terme de jazz.
Bien que le projet Blue Lab Beats soit signé chez Blue Note Records (excusez du peu), il puise son énergie et sa créativité dans une pléthore de terreaux musicaux, empruntant à la funk, au hip-hop bien sûr, à la musique électronique, à la bossa nova… En bref, des influences du monde entier, à l’image de l’album : « The Sounds of Afrotronica », parut en avril 2021 ou encore l’EP : « We Will Rise » (Mai 2021) qui vont aussi titiller sans mal l’afrobeat et la fusion.
Le duo est passé maître dans l’art de bien s’entourer, les collaborations avec des artistes variés sur les projets sont légion. Avec une scène jazz / jazztronica en telle ébullition (on pense évidemment aux autres représentants comme Alfa Mist, Yussef Dayes, Tom Misch) on tendrait plutôt à percevoir Blue Lab Beats comme un collectif.
Inutile de préciser que l’excitation de voir ces messieurs sur scène est présente, et notre joie non dissimulée.
NK-OK, très souriant, s’installe derrière ses machines et launchpads, tandis que Mr. DM se place timidement assis derrière son clavier, guitare sur les genoux.
Le set démarre avec des rythmiques évidemment très hip-hop, bardées de samples minutieusement ciselés. Il y a d’emblée beaucoup d’espace laissé aux improvisations de Mr. DM aux claviers ou à la guitare. A chaque fois que celles-ci débarquent en renfort, elles créent une atmosphère très smooth et laissent au musicien le loisir de déployer toute sa dextérité.
Cependant, cela n’empêche pas les titres de rebondir plus fortement ensuite et de se doter de rengaines ultra dansantes. Blue Lab Beats profite également d’un titre (entre autres) pour rendre hommage à J. Dilla : « He’s an absolute fucking legend ». Pour la dernière partie du concert, le duo appelle sur scène une trompettiste et un saxophoniste, on apprécie la plus value des cuivres !
Durant une heure, le duo offrira une prestation léchée et complète. On aurait évidemment aimé un peu plus de diversité dans la couleur des morceaux proposés, surtout quand on connaît la discographie arc-en-ciel du projet, mais cela n’enlève en rien à la qualité du set et des musiciens.