Texte : Eric CARPENTIER
Photos : Leah COLD
Vendredi 30 novembre, Hippocampe Fou a fait trembler le Trianon pour l’unique date parisienne de sa dernière tournée. Terminus, tout le monde s’envole.
Comme une envie de faire durer le plaisir des retrouvailles. La voix est là, pas l’image. Premier morceau, le théâtre d’ombre projeté sur le rideau toujours baissé laisse planer le doute. On y devine deux musiciens – Lucas Dorier, percussions et MPC, et Max Pinto, contrebasse et flûte traversière – entourant un MC. Est-ce Sebastien Gonzales, a.k.a. Hippocampe Fou, expatrié à New York depuis plus d’un an et de retour le temps d’un show dans sa ville natale ?
On en aura vite le cœur net. Ce qui est déjà acquis, c’est qu’il va falloir garder les yeux grands ouverts pendant une heure et demie. En première partie, l’illustration réalisée en live par Shino – l’auteur du graphisme de “Terminus” – sur la voix planante de Jo/ The Wise annonçait la couleur d’un simple marqueur noir. Le rideau levé, on découvre une scénographie épurée, quelques visuels en carton évoquant le théâtre de marionnettes. Et un Hippo navigant entre rappeur et acteur, avec son envie débordante de franchir la frontière entre scène et public.
Le classique “Presque Rien” lance les interactions. La salle reprend largement avant de se retrouver connectée à Tinder pour une inspiration typique de l’artiste. Naturellement, on embraye sur “Dormez-Vous”, réussite dans laquelle le papa de 34 ans parvient à parler crûment de sexe et de gosses dans le même morceau sans jamais être gênant. Les couleurs oscillent entre rouge et bleu et Céo, l’inséparable backeur depuis 6 ans, prend le relais dans une ambiance latine.
Backeur ou chauffeur, Céo connait le travail. Le Trianon est prêt à trembler du plancher pour une sessions oscillant entre freestyles, pogos, “Obélix” (imparable), “Fallait Pas Rigoler3 (partagé sur scène avec quelques heureux) et “Pas Le Temps” cadencé par les percussions. Une demi-heure pour faire monter la température vers le bouillant. Un exercice parfaitement maîtrisé grâce à un flow ciselé, tantôt rapide et électrique, tantôt vocal et puissant. Pour reprendre l’Hymne au cinéma d’Hippo, « dans ma tête, des fragments de lives de NTM surgissent ».
Mais “Terminus” est aussi un album introspectif et Sebastien Gonzales a une histoire à raconter : la sienne. Il nous plonge dans ses doute avec “Underground”, partage son “Mal Du Pays” et invite son père, musicien colombien, pour un moment en famille. On retrouve l’homme qui n’hésite pas à puiser ses sujets dans sa vie quotidienne, entre regard amusé et personnalité bien affirmée quand, invitant le public à reprendre après lui, il envoie une une phase impossible à suivre pour le quidam. Comme un message : je raconte la vie de tous les jours, mais mon art plane Là-haut.
Et comme Carl Fredricksen, le héros du film oscarisé en 2010, Hippocampe Fou peut annoncer son projet à venir, un rêve mêlant rap, spectacle vivant et cinéma intitulé “L’Odyssée d’Hippo” et prévu à partir de janvier 2019. Part puis revient : un dernier rappel pour les suiveurs de la première heure avec “Chez Moi Y’a Un Lama”. C’était l’époque des « vidéo rap », il y a 8 ans. En terminant de la sorte un concert au cours duquel il a alterné des morceaux de ses trois albums (“Aquatrip”, “Céleste” et “Terminus”), on se dit que oui, Hippocampe Fou a bien grandi.