Le Cabaret Vert clôt traditionnellement notre marathon de festivals de l’été. Les cigales ont fini de chanter et la grisaille est déjà de retour. Mais en ce début Septembre, tâchons de mettre de côté le blues de la rentrée pour revenir sur cette 15ème édition (très réussie) du Cabaret Vert du 22 au 25 août dernier.
Texte : Sébastien Muzi
Photos : Maude JNVX
102 000 festivaliers pour les 15 ans du festival !
Une fois de plus, les festivaliers ont réinvesti en masse le Square Bayard de Charleville-Mézières, au cœur des Ardennes. Cette année, tout est complet, c’est une première en 15 ans. Au total, le festival accueille 102 000 festivaliers sur tout le week-end, chapeau bas !
Il faut dire que la programmation était alléchante. En effet, le Cabaret est unique en son genre. Le festival grossit d’année en année, s’étoffe, proposant une variété d’artistes et de spectacles, à l’image des cinq scènes disponibles aux ambiances sonores très différentes. On varie les plaisirs tout en gardant l’esprit du Cabaret Vert !
La déambulation s’articule autour de la scène Zanzibar, fameuse main stage pour les têtes d’affiche. La scène Illuminations accueille des artistes déjà bien reconnus, la Razorback fait la part belle au rock, la Greenfloor alterne DJ sets et rappeurs très prometteurs, et enfin le Temps des cerises offre une ambiance clubbin’ en plein air avec d’autres DJ sets et un espace disquaire pour les diggers fous !
L’ensemble est riche et équilibré, on constate rapidement que l’agencement des scènes a été repensé, et même si la proximité entre certaines provoque une légère superposition, on passe facilement au-dessus. L’affiche est une fois de plus très éclectique et, si les deux premières journées sont plutôt orientées hip-hop, le samedi fait la part belle à des légendes du rock.
Le hip-hop à l’honneur
On entame les hostilités du jeudi après-midi avec un DJ set de Djibril Cissé avant la déferlante de Prophets of Rage, supergroupe californien à la croisée du rap et du métal composé de membres de Rage Against The Machine, Public Enemy et Cypress Hill. La prestation est de haute volée, les piliers présents sur scène tels que Chuck-D, DJ Lord, B-Real et Tom Morello offrent une leçon de live en fusionnant les styles. La plaine du Cabaret vibre, la foule saute à l’unisson, on ne reprend son souffle que pendant les solos enragés de Tom Morello.
Ça commence fort à Charleville ! La suite est assurée avec Caballero et Jean Jass, dont le show scénique est désormais bien rôdé, le duo était très présent sur les festivals cet été et la formule fonctionne très bien.
La nuit tombée, on attend les temps forts de ce jeudi avec Twenty One Pilots et Roméo Elvis. Les premiers créent la surprise avec un show impressionnant, une scénographie soignée qui comporte une voiture en feu servant de tremplin au chanteur, des effets pyrotechniques et des confettis de toute part. La fan base du groupe, plutôt jeune, est largement présente, tout de jaune vêtue. Il se dégage du concert une ambiance bon enfant, le duo communique efficacement et généreusement avec son audience, le tout est proprement orchestré.
Pour terminer, Roméo Elvis débarque sur la main stage, habité par sa musique, le rappeur venu défendre son dernier album « Chocolat » a pris en confiance et donne tout sur scène. On a le droit à une interprétation de « Drôle de question » où il s’empare d’une guitare puis termine sur un clin d’œil à son compère Lomepal en entonnant le refrain de « 1000 degrés ». Roméo Elvis a le goût de la mise en scène, il occupe chaque parcelle de scène disponible, il finit parfois même au sol, sur les dernières notes de « Parano », les fans sont ravis. Pour « Bruxelles arrive », Djibril Cissé, Caballero et Jean Jass se mêlent au show pour une belle surprise. La fatigue s’est installée après ces nombreux concerts, il est temps de rentrer se reposer avant de reprendre la fête de plus belle.
Une programmation éclectique
Le vendredi démarre en trombe avec le plateau proposé par Back In The Dayz sur la scène Greenfloor. Dans l’ordre, Di-Meh, Krisy, Zola et Todiefor viennent retourner le public venu en masse.. Les esthétiques variés des artistes trouvent écho dans les festivaliers connaisseurs. Les fans reprennent les couplets par cœur et les pogos débutent. Déchaîné, le public saute partout avec Di-Meh, Krisy vient ponctuer l’ambiance avec un peu d’amour, puis Zola remet le couvert et c’est la guerre avant de redonner de l’espoir et l’envie de danser avec Todiefor. L’ordre de passage est pertinent, on se trouve dans les meilleures dispositions pour enchaîner avec les têtes d’affiche du jour.
C’est Ziggy Marley qui se charge de nous accompagner vers la fin d’après midi avec un beau concert, les choristes et les excellents musiciens comblent la scène Zanzibar dans une communion chaleureuse. Ziggy reprend quelques tubes de son père, le soleil tape, de nombreuses personnes se sont installées dans l’herbe, c’est parfait.
On s’accorde une pause pour visiter plus en détail les multiples zones du Cabaret, il y a énormément à voir, de nombreux stands de restauration pavent la promenade, c’est l’occasion de constater que pratiquement tous les produits proposés sur place sur issus d’un circuit court, spécialités ardennaises et alternatives végétariennes font l’unanimité, c’est un grand oui ! Les prix sont abordables et ici, pas d’entourloupe ! 1 euro = 1 bayard, impossible de perdre le compte.
On se concentre, c’est l’heure d’accueillir IAM sur la grande scène. Le concert débute avec une intro puissante et mystique, il faut bien faire monter la pression avant de voir débarquer les patrons du rap français ! L’équipe au complet assure une prestation sans accroc, une leçon de hip-hop ! Alors que les notes de « L’école du micro d’argent » résonnent, les plus anciens fans font montre d’une fidélité sans faille. Les plus jeunes quant à eux surprennent les premiers en entonnant les paroles de « Petit Frère » ou de « Demain c’est loin ». C’est l’heure de la communion, les rappeurs ont certes pris quelques rides mais l’énergie reste intacte.
La soirée continue avec Angèle qui, malgré une expérience de live relativement jeune, distille durant une heure les morceaux issus de son premier album « Brol » avec assurance et détermination. Les fans sont tout sourire et reprennent les paroles en chœur, ils connaissant d’ailleurs presque tout sur le bout des doigts. La scénographie colorée et dynamique, les musiciens présents et les danseuses d’Angèle se chargent de montrer aux plus sceptiques que la jeune musicienne belge est déjà très pro sur scène.
Pour terminer en beauté, on se hâte de se placer devant Orelsan. Au fil des années et des albums, le rappeur a su montrer plusieurs facettes de sa personnalité au public. Désormais, il est bien connu qu’un concert d’Orelsan n’est pas forcément un concert de rap dans sa forme traditionnelle. Il sait s’entourer, autant en studio qu’en live, et les musiciens qui l’accompagnent sont talentueux et créatifs.
Durant le show, on a donc le droit à des improvisations savoureuses du clavier, des « duels » avec Skread, une participation via les écrans de Maitre Gims pour le morceau « Christophe », des réinterprétations disséminées dans la setlist d’anciens titres. Le public est extrêmement nombreux devant le concert et on comprend pourquoi !
Orelsan avoue accorder une importance particulière à ce concert car il clôture une longue série de dates. « Ce soir c’est la dernière de la tournée, on a fait plus de 100 dates avec cet album et ce show, on ne le jouera plus jamais comme ça, la fête est finie ». Tout chanceux que nous sommes, on range ces jolis souvenirs dans nos têtes avant de prendre le chemin du sommeil.
Un samedi résolument rock
Pour le samedi, le Cabaret Vert sort un autre atout de sa manche avec une programmation bien plus axée rock. On profite du beau temps en après-midi pour aller flâner du côté du Temps Des Freaks, où prennent place des spectacles. Les arts de rue sont à l’honneur et on retrouve l’esthétique steampunk déjà présente l’an dernier. Cet espace est toujours une belle réussite avec ses jeux géants mis à disposition des festivaliers ! Le temps d’une partie de molki ou de balançoire sur échasses, et nous repartons flâner sur le site du Square Bayard.
On note également la présence d’un tatoueur et d’un barbier à l’entrée de la zone, on se croirait revenu en pleine époque rockabilly près d’une station essence américaine. Il y a vraiment de quoi ravir chaque festivalier car si le théâtre ne parle pas à certains, ils ont alors le choix entre un grand espace BD où des dessinateurs reconnus travaillent en direct, vendent leurs œuvres et se prêtent au jeu des dédicaces et même une salle de cinéma !
Pas vraiment dans l’ambiance cinéma, BD ou théâtre ? A bon entendeur, il reste encore la possibilité de participer à des panels et débats sur l’écologie, l’environnement… Une preuve, s’il en fallait encore une, que le Cabaret Vert s’inscrit dans une démarche durable, et de sensibilisation à son public.
C’est avec grand plaisir que l’on retrouve les messins de Redemption, histoire familiale étonnante qui voit un père et ses deux jeunes fils gagner le tremplin du Hellfest l’an dernier avec leur groupe fraîchement créé. Une belle histoire et du talent !
On assiste ensuite aux concerts des légendes présentes : Airbourne et son hard rock iconique mais également la grande Patti Smith, qui n’a rien perdu de sa verve sur scène et qui offre au public une prestation directement placée parmi les temps forts de cette édition. Pour terminer sur une note à la fois douce et piquante, les anglais de Foals clôture notre passage au Cabaret Vert.
Au delà d’un festival, un état d’esprit unique
Il semble difficile de condenser dans un article tout ce que le festival du Cabaret Vert a à offrir. Dire que ce festival montre l’exemple et mérite amplement son statut de référence parmi les événements culturels de l’été n’a rien d’exagéré. Ce qui fait la fidélité du public, des bénévoles, et la nôtre, c’est la symbiose entre l’ambiance chaleureuse, la qualité de la programmation, et les ateliers « périphériques » qui prennent chaque année plus d’importance et de pertinence.
Rien de surprenant non plus à constater que les festivaliers présents au Square Bayard se montrent plutôt respectueux des lieux, il y a très peu de déchets au sol et les équipes de nettoyage sont extrêmement réactives. Loin d’être un détail, les agissements des festivaliers et de la team de bénévoles (2200 incroyables bénévoles!) finit de nous convaincre qu’ici, l’ambiance est unique.
Le Cabaret Vert c’est surtout un état d’esprit, on ne peut que vous encourager à l’expérimenter par vous-même en 2020, nous en tout cas… On y sera ! Alors, à l’année prochaine !