Ode à l’amour, aussi. L’album de la chanteuse, autrice et compositrice Sarah Lenka exhale d’exquises résonances orientales et maghrébines, sur un folk-blues subtil, consolatoire.

Voilà un cadeau qui transcende les frontières et les divisions, dès lors qu’on l’écoute avec le cœur. Ce nouvel album interroge, mais ne juge pas. Au fil des titres, il apaise, et enchante. Sarah Lenka l’a présenté à Paris, le 5 décembre, dans un Café De La Danse archi-comble. “Une soirée mémorable ! Les mots me manquent pour décrire ces émotions”, écrit-elle sur ses réseaux sociaux. 

Par son chant émouvant, elle exorcise l’angoisse et l’exténuant questionnement que l’exil imprime à vif, de génération en génération, dans les tréfonds de l’être. Elle exorcise cette excavation de la mémoire, que creusent la nécessité de rester debout et la volonté, consciente ou non, de survivre. Les enfants d’exilé.e.s portent en eux, avec acuité, les cicatrices de l’exode. Le lourd silence posé sur le trauma de leurs ascendant.e.s les recouvre à leur tour. 

Cette quête indispensable pour se délivrer des spectres mortifères du passé, Sarah Lenka l’a menée, vaillamment. Aujourd’hui, à travers « Isha », elle la partage avec nous. Elle baptise, des prénoms de ses aïeules, ce bouquet de chansons. Elle les a écrites sur mesure, en l’honneur de ces femmes qui ont résidé dans la région du Mzab (au nord du Sahara algérien), en Espagne, en Argentine… Avec une pudeur infinie, elle chante – en anglais essentiellement – leur solitude, leur colère et leur douleur, leur errance, leur pouvoir de résilience. 

Vidéo. Sarah Lenka, “Isha

Le léger voile de sa voix recèle les fêlures de la souvenance blessée. Et la musique, qu’elle a composée avec Laurent Guillet, se fait baume délicat. Les invités apportent leur pierre à l’édifice de la paix. Erik Truffaz instille la douce magnificence de sa trompette sur “Tali“. Plus loin, dans un fameux muwashshah remontant à l’ère arabo-andalouse (“Lamma Bada Yatathanna“), Sarah Lenka convie Naïssam Jalal, dont le souffle, à la fois humble et souverain, contribue à la magie de la pièce. En 2022, elle a déjà invité la flûtiste franco-syrienne dans son disque « Mahala », enregistré avec deux autres artistes majeures – la chanteuse franco-sénégalaise Awa Ly et la pianiste franco-arménienne Macha Gharibian. Rappelons qu’auparavant, Sarah Lenka avait publié “Women’s Legacy” (2019), consacré à des chants de femmes esclaves du XIXe siècle. Autre guest de marque pour ce 5e album, le bassiste Laurent Vernerey, qui a joué avec le Gotha de la musique et de la chanson (Didier Lockwood, Claude Nougaro, Camille, Teri Moïse…), infuse l’élégance et la densité de son jeu sur Tali“, puis “Isha“.

Pour la première fois, Sarah Lenka propose un album constitué uniquement de ses compositions originales (à l’exception de “Lamma Bada Yatathanna“), qu’elle a ciselées en étroite connivence avec Laurent Guillet. Ce dernier officie en outre à la guitare folk et, sur “Rose” et “Tali“, à la guitare électrique, tandis que Taofik Farah épanche, au mandole (*), de délicieuses fragrances orientales. Au gré des titres, s’opèrent des résurgences de l’héritage judéo-algérien et espagnol cher à Sarah Lenka. Par moments, s’envolent d’envoûtantes volutes mélodiques, comme dans le morceau éponyme. Ici, on a la sensation de percevoir des sonorités ouest-africaines et, là, une palpitante échappée gnaoui.

Audio, Sarah Lenka, “Sultana”

Contribue, à la singularité et à la cohésion de l’ensemble, la direction artistique assurée par Raphaël Chassin (également à la batterie et aux percussions), ainsi que le mix de Jean Lamoot (sauf sur « Sultana », mix de Raphaël Chassin). Les climats, rythmes et couleurs s’enchaînent ou se fondent naturellement, abolissant barrières et catégories, pour une musique une et indivisible.

Pour une humanité une et indivisible…

Elle qui, en 2007, a gagné le prix SACEM de la meilleure artiste féminine de jazz vocal, révèle, avec « Isha », une maturité acquise, une plénitude conquise.

FARA C.

(*) (instrument à cordes particulièrement utilisé dans les musiques algériennes, notamment dans le chaâbi

INFORMATIONS PRATIQUES :

IDEE CADEAUX :

De Sarah Lenka, album “Isha” (Caramba Records/Paris Sonic/ Virgin Music France), disponible sur :

https://isha.lnk.to/SarahLenka

Site :

https://www.sarahlenka.com