Au menu du festin musical libre d’accès sur la place du village gersois, Leïla OLiVESi, Aurore VOiLQUÉ, François POiTOU et Gabe ZiNQ, notamment, ont offert, à une foule ravie, l’élixir de leur art. Pleins feux sur le Bis !

Cette année, on s’est régalé, au Bis, en écoutant les forces vives du jazz contemporain. Outre les quintets de la pianiste Leïla Olivesi et de la violoniste Aurore Voilqué, ont brillé l’incandescente formation du bassiste Gabe ZinQ et sa fricassée de funk relevée de hip-hop, les quintets du contrebassiste François Poitou et de la chanteuse Leïla Duclos, le trio du pianiste Etienne Manchon, les quartets du trompettiste Nicolas Gardel et de la saxophoniste Virginie Daïdé (comprenant le raffiné Tony Rabeson à la batterie)… Lors des deux soirées brésiliennes (*), qui ont eu lieu au Bis en amont de celles du chapiteau (dans le cadre de l’échange entre MIMO Festival et Jazz In Marciac), l’Andrea Ernest Dias Quartet, le combo Casuarina et le Carlos Malta & Pife Muderno ont, par deux fois, chassé la pluie, et réchauffé les corps et les esprits.

Le Bis a aussi réservé une place au soleil au jazz “old school”, représenté avec brio par le Louisiana Hot Trio, le Swing That Classic et le Don’t You Dare Quintet, nourris du vaste héritage de la Nouvelle-Orléans. Détail frappant, les plus anciens de Don’t You Dare Quintet – qui a fait un tabac – étaient venus au premier Jazz In Marciac, en 1978. Chaque année, au Bis, les membres des stages jazz, qui se déroulent à l’Astrada pendant le festival, restituent les fruits de leur labeur, sous la direction de l’équipe pédagogique dirigée par l’éminent contrebassiste, compositeur et improvisateur Jean-Philippe Viret. Les stagiaires viennent de tous horizons et sont de toutes générations, avec toutefois beaucoup de jeunes. “Ce concert est pour eux l’opportunité rêvée de se produire en formations éphémères, devant le public du Bis”, souligne le fanzine gratuit Jazz Au Cœur, très attendu chaque jour par les festivaliers, et dont Peggy Vergara a dignement exercé, cet été, la rédaction en chef. Profitons-en pour lui adresser un coup de chapeau, ainsi qu’à tous les bénévoles du comité de rédaction, pour les comptes-rendus, entretiens et autres articles remarquablement assurés, malgré le stress du bouclage quotidien.

Aurore Voilqué (violon, chant), “Juste une parenthèse…” (paroles et musique de Sébastien Giniaux)

Le Bis, c’est en quelque sorte, au sein de Jazz In Marciac, un festival dans le festival. Tous les jours, de 11 heures 30 à 19 heures, se succèdent, au cœur de l’ancienne bastide royale, des groupes aux esthétiques éclectiques, présentés par Camille Casaÿs depuis une poignée d’années. Au banquet du Bis, le menu est composé par l’efficace et discrète Hélène Manfredi-Mondoloni, qui participe à la programmation de JIM (Jazz In Marciac) depuis 1979.

Aujourd’hui, je souhaite rendre hommage à ces femmes qui concourent au succès de Jazz In Marciac, qu’elles soient artistes ou qu’elles interviennent dans la mise en œuvre de la manifestation comme professionnelles ou comme bénévoles. Hélène Manfredi-Mondoloni a réussi, sans fracas, à imposer son indiscutable compétence dans le milieu très masculin des organisateurs de spectacles, tourneurs et managers. Elle a été l’agent de fameuses figures du jazz – Gerry Mulligan, Slide Hampton, Art Farmer, Johnny Griffin… Concernant la programmation du Bis et du chapiteau, il s’agit de sa 46e année de collaboration avec Jazz In Marciac et Jean-Louis Guilhaumon, président du festival (et maire du village), qui a le mérite d’avoir fait confiance à des femmes pour leur travail, à une époque où la question de la place de ces dernières avait moins d’écho que de nos jours.

Une autre femme, Martine Caumont, bénévole pendant une vingtaine d’années, nous a beaucoup manqué, durant cette 47e édition. Arrachée à ce monde par la maladie, elle est décédée à l’âge de 66 ans, le 15 juin 2025, quelques semaines avant le démarrage du festival, qu’elle servait avec autant de dévouement que d’enthousiasme. Elle était responsable du bar du chapiteau, rebaptisé “Bar de Martine”. Jazz In Marciac lui a dédié la soirée lors de laquelle a joué Ben Harper, qu’elle appréciait. C’est chez Martine que je logeais, lors de mes reportages à JIM. Je tiens à exprimer mes sincères condoléances à sa famille, en particulier à son frère, Patrick Caumont, valeureux pompier volontaire (officiant notamment pendant la manifestation gersoise), et à leur maman.

Du temps où le Bis se déroulait sur une remorque…

L’an dernier, Martine m’avait accompagnée à un concert du Bis. “Au tout début, la scène du Bis, c’était une remorque, m’avait-elle rappelé. D’un œil pétillant de fierté, elle avait ajouté : “Regarde, c’est devenu un véritable événement !”. Elle avait raison. Impossible d’imaginer que ce rendez-vous, devenu emblématique de Jazz In Marciac, avait eu un berceau des plus rustiques. Au fil des décennies, des milliers de musiciennes et musiciens y ont entamé ou renforcé leur carrière. Un certain nombre, ayant convaincu artistiquement l’équipe de l’Astrada, a ensuite eu l’aubaine d’être mis à l’affiche de la superbe salle marciacaise. De surcroît, à l’instar de la vocaliste Youn Sun Nah, certain.e.s de ces artistes ont vu la maturité de leur talent obtenir une vraie reconnaissance, au point d’être convié.e.s à jouer sous le chapiteau. Se produire au Bis peut se révéler être un sésame.

Libre d’accès, le “Off” fournit une formidable occasion à qui désire écouter de la musique de qualité, dans une atmosphère détendue. Sous de grandes bâches blanches, on prend place parmi une rangée de sièges, ou bien on s’installe à une table, si l’on a envie d’accompagner les belles rasades de swing d’un de ces breuvages dont a le secret le Sud-Ouest. Et on se laisse emporter, sur les ailes de notes bleues aux mille fragrances.

Des cimes de bonheur, avec la pianiste Leïla Olivesi

Leïla Olivesi emporte immédiatement l’adhésion de l’auditoire, avec cette saveur jazz qu’elle préserve, mais en l’agrémentant d’influences plurielles, irriguées par ses ascendances mauritaniennes et corses, par le bain artistique cosmopolite dans lequel elle a grandi et par sa soif inaltérable d’apprendre. Je ne vais pas le préciser chaque fois, les leaders que j’évoque ici sont toutes et tous de fines lames de la composition et de l’improvisation. Par son écriture rigoureuse et ouverte, Leïla Olivesi nous hisse vers des cimes de bonheur.

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Elle revisite des pièces de son album, “African Rhapsody” (à paraître bientôt et dont je vous reparlerai), en osmose avec une mouture réduite de l’aréopage qui a enregistré son disque (au Bis, donc, le trompettiste Quentin Ghomari, le guitariste Manu Codjia, le contrebassiste Yoni Zelnik et le batteur Donald Kontomanou). Les hommages rendus à Wayne Shorter et à l’historique compositrice Mary Lou Williams (1910-1981) ont porté l’émotion à son comble. Leïla fêtera la sortie d’“African Rhapsody”, avec le casting complet de l’opus, le 23 octobre au Bal Blomet (Paris), dans le cadre de l’excellente saison élaborée par la revue Jazz Magazine.

Leïla Olivesi, Yoni Zelnik et Donald Kontomanou, “African Song”

On s’envole sur le tapis volant, tissé d’onirisme et doux vertige, de folk, jazz et turbulences impromptues, par le contrebassiste François Poitou et son quintet hors norme, pour son album “Old Folks” (chez Yovo Music). Autour du leader, sur le plateau, les comparses qui ont enregistré le disque avec lui. Aux premiers de cordée (François Poitou à la contrebasse, Aude-Marie Duperret à l’alto, Bastien Ribot au violon et Federico Casagrande à la guitare), le clarinettiste et saxophoniste Maxime Berton insuffle la subtilité de son nuancier. Ne pas louper, si vous passez par la région parisienne, le François Poitou Quintet, le 3 octobre, dans l’ambiance intimiste de la cave du 38 Riv, au cœur du Marais.

François Poitou “Time In A Bottle “, extrait de l’album “Old Folks”

FARA C.

INFORMATIONS PRATIQUES :

Voir https://www.jazzinmarciac.com/

Leila Olivesi, album “African Rhapsody” (Attention Fragile & ACEL / L’Autre Distribution), disponible le 17 octobre.

Le 23 octobre au Bal Blomet (Paris), dans le cadre de la saison “Jazz Magazine”.

https://www.leilaolivesi.com/

François Poitou, album “Old Folks” (Yovo Music / Inouïe Distribution).

Le 3 octobre, 19 heures 30 et 21 heures 30, au 38 Riv, 38 rue de Rivoli, Paris.

https://www.francoispoitou.com/

Photo © Sébastien Marqué

Aurore Voilqué, album “45, juste une parenthèse” (Label Ouest / L’Autre Distribution).

Ses nombreux concerts sur https://aurorevoilque.com/

Lire aussi :

(*) https://ihh-magazine.com/agapes-tropicales-a-marciac/

https://www.facebook.com/faracnews

https://www.instagram.com/FARA.C.MUSIC/

https://www.humanite.fr/auteurs/fara-c