Rédaction : Sébastien Muzi
Photographies : Maude Jonvaux
Deuxième journée au Cabaret Vert, le programme promet une belle diversité, avec un line-up qui combine astucieusement plusieurs styles musicaux. Au programme ce soir : le rock d’Amyl and the Sniffers, le hardcore de Turnstile, le trap métal de Scarlxrd et le r’n’b des Black Eyed Peas !
Chapeau melon et bottes croco
On ouvre sans crier gare avec les australiens d’Amyl and the Sniffers. Le groupe se charge d’ouvrir la soirée sur la scène Zanzibar avec des titres issus de leurs deux premiers albums, le premier éponyme et le suivant « Comfort To Me » parut en 2021, tout deux acclamés par la critique. Le projet est très rock et très punk, on découvre avec un plaisir non dissimulé des titres mémorables en live comme « Hertz », « Guided By Angels » ou encore « Security ». La chanteuse, extrêmement charismatique, possède une présence hyper nerveuse sur scène. Elle court, armée de sublimes bottes crocodiles et d’un mini short, crache, saute, use de sa voix éraillée et chaleureuse.
Les passages instrumentaux avec de gros riffs de guitare sont extrêmement percutants. Sur la fin de la performance, la chanteuse offre même un petit effeuillage tout en continuant de chanter sur « Knifey » avant de sortir, galopant sur une bande son country. Bel effort !
Il nous faut rejoindre la scène Illuminations pour s’intéresser au duo anglais de Bob Vylan. Les deux acolytes fusionnent des touches de Grime UK à un esprit punk rock bouillonnant. On pense notamment à Body Count, sur un créneau assez similaire, ce qui n’empêche pas le duo de Bob Vylan d’innover. Le concert s’ouvre sur 5 minutes de méditation collective et d’étirements avant d’entrer dans le vif du sujet. Rapidement, le rappeur prend la parole et s’amuse: « un concert de Bob Vylan est autant composé de musique que de discussions », si cela peut inquiéter au départ, la balance des deux est, en définitive, habillement maîtrisée.
“Save a life and skin a pig”, Bob Vylan
Le groupe ne prend aucune pincette pour aborder des questions politiques et sociales actuelles. Sans détour, le chanteur revient sur le drame de la mort de Naël en France il y a peu, son opinion concernant les abus de pouvoir et les violences policières est bien claire. En festival, il est relativement rare d’avoir le point de vue d’un groupe anglais sur le contexte social très tendu qui règne actuellement en France. Le chanteur de Bob Vylan n’en est pas moins critique envers sa propre patrie puisqu’il donne clairement le ton en parlant de la famille royale, perpétuant un règne de terreur, rien de moins.
Puis les titres s’enchaînent, Bobby occupe absolument toute la scène. Le groupe remercie également Amyl and the Sniffers car ces derniers leur ont offert l’opportunité de tourner avec eux aux Etats-Unis. Naturellement, la chanteuse débarque puis saute dans le public. Un nouveau beau moment de communion ! Elle reviendra sur la fin du concert pour accompagner le rappeur alors que celui-ci descend à son tour se baigner dans la foule.
Sur la fin du set, les prises de parole du chanteur se muent en quelque chose de nettement plus positif, à destination de l’audience. Il prône l’acceptation, le fait d’avoir confiance et de croire en soi, même si, comme il le dit lui-même : « cela peut sembler niais ». Le duo anglais clôture là-dessus une performance exécutée à merveille.
Hardcore jusqu’à la mort
On reste dans l’esprit punk, mais on prend cette fois la direction de Baltimore, aux USA, avec Turnstile, qui prend d’assaut la Zanzibar. La formation entame un set qui accompagne le soleil couchant et le morceau « Mystery » prend tout son sens lorsqu’il fait office d’introduction. Les titres permettent une montée en puissance avec, en milieu de set, un superbe pont laissé libre au batteur, spot braqué sur lui. Brendan Yates possède quant à lui une voix qui lui permet de moduler, tant dans la puissance que dans la hauteur.
Le groupe peut notamment s’appuyer sur les excellents titres de l’album « GLOW ON », l’un des derniers projets en date du groupe. Une fois bien en condition, il devient compliqué de relâcher son attention face à Turnstile, en témoignent des morceaux comme « New Heart Design », « Underwater Boi », « Blackout » ou bien évidemment « Holiday ».
Un peu plus tard dans la soirée, il devient impératif de faire un passage par la Razorback afin de découvrir sur scène Arka’n asrafokor. Une formation Métal unique, en provenance du Togo. En plus des titres ultra puissants qui puisent autant dans le Death et Thrash Metal que dans des rythmiques et sonorités africaines, les musiciens chantent parfois en éwé (une langue parlée au Togo et au Ghana notamment) et arborent des costumes de scènes et des maquillages qui appuient à merveille le postulat du groupe, c’est nerveux et épique. Bravo!
Let’s get it started !
Il faut se hâter et se frayer un chemin vers la Zanzibar puisque l’heure est venue d’accueillir la plus grosse surprise de cette édition 2023 du Cabaret Vert, les Black Eyed Peas, programmés en dernière minute pour pallier l’annulation de Lomepal (suite aux accusations dont il fait l’objet, à l’heure où nous écrivons ces lignes).
L’entrée sur scène se charge de mettre tout le monde d’accord avec « Let’s Get It Started », la foule chante à tue-tête. Si un doute avait fini par s’installer, le groupe le balaye en un éclair en rappelant qu’il possède un sens de l’hymne de stade comme personne. La chanteuse J. Rey Soul est solaire, avec une présence imbattable sur scène. A l’occasion du quatrième morceau: « Mamacita », elle fait monter une fan sur scène pour chanter la fin du titre avec le groupe. Quelque chose nous dit que cette jeune fille n’est pas prête d’oublier cet instant suspendu, suivi d’un câlin à Will.i.am. On ne passe pas tous le même Cabaret Vert, visiblement.
Alors que le spectacle continue, les premières notes emblématiques de « Pump It » commencent. A cet instant, la présence d’un guitariste et d’un batteur donne un sens monumental à la prestation en festival, c’est joyeux, festif, comme si le monde était temporairement en phase. Une énième preuve de cette grande communion intervient avec l’indémodable “Where Is The Love ?”.
Le groupe ne cessant de clamer son amour à la France, le show se termine sur « Don’t Stop the Party » sur fond bleu blanc rouge. The Black Eyed Peas fait preuve d’une grande générosité à l’égard du public, qui s’est unanimement massé devant la Zanzibar. Temps fort de ce soir, c’est une réussite totale quand on sait le temps depuis lequel le groupe est prévu au Cabaret Vert, une semaine, le risque est minime avec une formation d’un tel acabit.
Yungblud ou le revival de l’âge d’or de l’emo punk
Yungblud termine la soirée sur la Zanzibar. Les écrans de part et d’autre de la scène dévoile son visage en coulisse, grimaçant et tirant la langue, prêt à en découdre sur scène. Tout en rayures et paré d’une monture qui n’est pas sans rappeler celle de Willy Wonka, Yungblud débarque en bondissant entre ses musiciens. Le show débute avec le fédérateur « 21st Century Liability », suivi sans souffler de « Funeral », hymne punk rock à la sauce revival de l’âge d’or, nos belles années 2000.
*L’artiste anglais arbore, comme à son habitude, un immense sourire franc, composé d’un nombre scandaleux de dents. Pour la fin du concert, il fait monter un petit groupe de fans sur scène. S’en suivent de multiples embrassades, le récent tire “Lowlife“, hyper efficace avec une rengaine de “La La La” à reprendre généreusement et quelques petits mosh pits.
Avant de partir, nous prenons le temps de faire un ultime crochet par la scène Illuminations pour y trouver Scarlxrd, pionnier du trap é. Le rappeur britannique combine violemment rap, trap, musiques électroniques et hardcore. Un peu déçus que les parties rappées passent sur une bande son à l’arrière de ses screams, nous rendons les armes tandis que les festivaliers se déchainent.