Texte : Yann CHERRUAULT
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la marque de casques audio Beats By Dre a mis les petits plats dans les grands pour la sortie européenne du documentaire en quatre volets “The Defiant Ones” entièrement dédié aux vies et aux œuvres respectives de Dr. Dre et de Jimmy Iovine, les deux cofondateurs de Beats Electronic, incroyable pari qui a totalement révolutionné le business du casque audio à partir du milieu des années 2000. Convié à Londres mi-mars pour découvrir en avant-première dans un cossu cinéma de Brixton un épisode de la nouvelle mini-série diffusée en exclusivité sur Netflix, iHH™ Magazine en est sorti plus que convaincu. Porté à bout de bras par le réalisateur Allen Hughes (coréalisateur notamment, en binôme avec son frère Albert, du culte “Menace II Society”, de “Dead Presidents”, “American Pimp” notamment, ou en solo du facultatif “Broken City”) qui n’a pas ménagé ses efforts pour donner vie à ce documentaire en quatre parties, “The Defiant Ones” est déjà sorti via la chaîne payante HBO l’été dernier aux USA, mais n’était à ce jour pas officiellement disponible au-delà des cinquante états américains.
Une plongée inédite dans les parcours de Dr. Dre et Jimmy Iovine, les prolétaires passionnés de musique devenus milliardaires.
C‘est désormais possible grâce à Netflix depuis le 23 mars et même si on pouvait, à juste titre, craindre une énième hagiographie à la façon du biopic “Straight Outta Compton” de F. Gary Gray qui revisitait la saga N.W.A. depuis le bout de la lorgnette des survivants du plus sulfureux groupe californien du siècle dernier, il n’en est rien. L’amitié ancienne qui lie Allen Hugues à Dr. Dre (Hugues a réalisé le clip “I Need A Doctor” en 2011) et à Jimmy Iovine lui a permis de vaincre leurs réticences à se mettre en avant et de s’immiscer dans pas mal de recoins plus personnels de l’histoire de ces deux montres sacrés de l’industrie musicale et, depuis 2006, de l’électronique grand-public avec Beats By Dre. Les quatre épisodes de “The Defiant Ones” grouillent de témoignages variés de premier choix sur les différentes facettes de ces deux gars issus de milieux populaires très différents et devenus multimillionnaires à la fin des années 2000 avant d’accéder au statut de milliardaires avec le rachat de Beats Electronics par Apple en 2014. Allen Hugues a pu s’appuyer sur Lasse Järvi et Doug Pray (le réalisateur du documentaire “Scratch” entre autres et dont les frères Hugues étaient les coproducteurs exécutifs) pour écrire avec lui et tisser quatre épisodes chargés en images d’archives et en captivantes interviews.
The next 4 épisodes.
Si le premier épisode se focalise sur la jeunesse de Dre et de Iovine avec les premiers pas de ces deux passionnés dans l’univers de la musique et rapidement dans celui des studios offrant des images rares (Dre mixant en costume de chirurgien durant ses années World Class Wreckin’ Cru ou Iovine en studio avec John Lennon) et évoque le faramineux deal presque avorté avec Apple suite à une vidéo éméchée de Tyrese et Dr. Dre qui avait fuité sur le net quelques heures avant la signature définitive du deal entre Beats la firme de Cupertino, le second revient sur les multiples aléas qui ont animé l’épopée fulgurante de N.W.A. et dont l’amitié entre Dre et Eazy-E sera la plus grosse victime collatérale. On y suit en parallèle l’essor professionnel de Iovine qui, après avoir fait des merveilles pour Bruce Springsteen et Patti Smith, contribuera à d’autres gros albums à succès pour des artistes comme U2, Tom Petty, Dire Straits, Simple Minds ou les Pretenders.
Le troisième volet revient sur la création du label Interscope par Iovine en 1990 et sur sa faculté à signer des artistes qui sortaient de la routine commerciale, à l’instar des deals qu’il put conclure avec 2Pac dès 1991 puis le label Death Row l’année suivante ou encore Aftermath, le label de Dre en 1996 pour ne citer que ceux-là. Quant au dernier épisode, il vient opportunément rappeler que c’est Iovine qui fait découvrir Eminem à Dr. Dre et permet ainsi à ce bon vieux Andre Young de confirmer le nouveau souffle de sa carrière enclenché fin 1999 avec la sortie de son second album, “2001”. Enfin, la foudroyante montée en puissance des casques Beats By Dre est mise en lumière, d’abord plus accessoire de mode chargé en basses avant de devenir des équipements plus audiophiles à la hauteur de leurs ambitions et de leur gamme de prix premium.
Du guest prestigieux comme s’il en pleuvait.
Durant ces quatre heures bien remplies et efficacement montées, moult images d’archives donc, certaines inédites, restaurées ou extrêmement rares, et pléthores d’interviews avec en premier lieu des Dr. Dre et Jimmy Iovine très en confiance donc dans les meilleures dispositions possibles pour se confier, mais aussi avec Snoop Dogg, Eminem, Ice Cube, Will.I.Am, Nas, Kendrick Lamar, ce décérébré de Puff Daddy, Trent Reznor, Bono, Patti Smith, Tom Petty (R.I.P.), Gwenn Stefani, Alonzo Williams, DJ Yella, Stevie Nicks, la mère de Dre, la sœur de Iovine, etc. À l’instar du film classique de 1958 du même nom qui unissait Tony Curtis et Sidney Poitier avec le réalisateur Stanley Kramer (l’histoire de deux fugitifs enchaînés, un Noir et un Blanc, condamnés à coopérer dans une Amérique toujours farouchement ségrégationniste), difficile de décrocher de “The Defiant Ones” tant les parcours de Dre et de Iovine sont exceptionnels.
Les quatre épisodes de “The Defiant Ones” sont disponibles sur http://www.netflix.com
Merci aux équipes Com’Over et Beats By Dre