
Rhoda SCOTT, Dee Dee BRiDGEWATER, Herbie HANCOCK, Roberto FONSECA, Sophie ALOUR, Robert PLANT, Salif KEiTA et tant d’autres nous offriront le miel de leur imaginaire. Sous le chapiteau, à l’Astrada, sur la place du village et dans maints lieux, l’art retentit.
Si vous n’avez jamais vécu l’incomparable expérience de Jazz In Marciac, accourez, cet été, et plongez dans la marmite d’un jazz résolument bigarré, dont les racines historiques sont, bien sûr, célébrées. Venez en famille ou avec votre crew. Il y a du groove à gogo pour tous les goûts, tous les âges. Et bien plus encore : animations pour enfants, programme spécial du cinéma d’art et essai Ciné Jim 32 (aux tarifs abordables), expositions, lectures, rencontres publiques, débats, etc. Impossible de tout détailler, innombrables sont les initiatives, qu’elles soient portées par des associations, des collectifs, des structures professionnelles ou par de simples individus.
Durant 18 jours, le village de 1200 habitants se transforme en une ruche géante. Les abeilles ouvrières – 850 bénévoles – s’activent aux postes les plus divers, au service de la reine : la musique. Groupes et solistes en provenance du monde entier nous offrent le miel de leur imaginaire.
Cette année, deux fidèles de Jazz In Marciac, décédées en juin, nous manqueront particulièrement, Martine Caumont, bénévole de grande expérience que j’honorerai dans mon prochain article sur le festival, et Dominique Jacquin Brun, dont la conviviale demeure a hébergé nombre d’artistes au cours des éditions successives de la manifestation gersoise.

Chaque été depuis plus de 35 ans, chère Dominique, je te retrouvais, nous te retrouvions avec bonheur, durant le festival. Par ton hospitalité légendaire, ton amour vrai pour les arts, ta tenace utopie de paix, tu es devenue, pour beaucoup d’entre nous, une figure solaire de Marciac, un repère empreint de douceur. De cette 47e édition de JiM (acronyme de Jazz In Marciac), je savourerai les délices de swing et de groove en pensant à toi.
Je me consolerai à l’écoute d’un génie serein, Herbie Hancock (le 29 juillet, au chapiteau), qui, récemment, a subjugué La Défense Jazz Festival et son auditoire, par la créativité sémillante qu’il continue de convoquer à l’âge de 85 ans !
Je me consolerai au concert de la subtile saxophoniste et flûtiste Sophie Alour, le 21 juillet au chapiteau, lors de l’ouverture du festival, en première partie de Robert Plant (feat. la chanteuse accordéoniste Suzi Dian). Davantage que Sophie Alour qui, dans le passé, a déjà imposé, à Jazz In Marciac, son talent en tant que sidewoman et leader, l’ancien chanteur de Led Zeppelin devra relever le défi de satisfaire le public marciacais, réputé pour son exigence. Ces vedettes non repérées comme “jazz” fournissent l’opportunité d’attirer des mélomanes qui, dans bien des cas, découvrent l’ambiance incroyable de JiM et décident d’y séjourner. Au fil des ans, j’ai souvent rencontré ces estivant.e.s qui ont ainsi eu un coup de foudre pour le festival et qui, depuis, y reviennent.
L’inventivité à l’œuvre
Réinviter des artistes, c’est, pour l’association organisatrice Jazz In Marciac et son président, Jean-Louis Guilhaumon, non seulement faire preuve de fidélité, mais c’est aussi et surtout permettre au public de mieux comprendre comment l’inventivité d’un artiste se développe au gré de ses différents projets. Et, même, comment elle renouvelle un même répertoire, grâce à l’inépuisable ressource de l’improvisation. Une festivalière me déclara, un jour : “Je ne sais plus combien de fois je suis venue ici écouter Roberto Fonseca, mais j’ai toujours l’impression que c’est la première fois. Je n’ai aucune formation musicale, je ne me fie qu’au plaisir que je ressens, tout ça est un mystère pour moi”. Elle a raison, l’effet qu’engendre en nous une œuvre artistique relève de l’énigme, et c’est merveilleux.
Incarnation éclatante de la grande école musicale de Cuba, le pianiste Roberto Fonseca, rendra hommage, le 30 juillet (chapiteau), au légendaire chanteur cubain Ibrahim Ferrer qui, le premier, avait repéré son immense talent et qui a contribué à le propulser sur la scène internationale. Ibrahim Ferrer est mort à 78 ans, le 6 août 2005, à la Havane, une poignée de jours après son mémorable concert à Marciac, pour lequel Roberto Fonseca officiait au piano. “Au fur et à mesure de mes venues, j’ai tissé un lien unique avec Jazz In Marciac, me confia-Roberto, peu avant l’un de ses concerts dans la cité gasconne. Je suis impressionné par la musique qui retentit aux quatre coins du village autant que par la place essentielle de la transmission. Et il y a une ambiance qui me rappelle celle de chez moi !”. Il fait partie des artistes qui aiment présenter leurs nouveaux projets à JiM. Il y a même enregistré, en 2009, le flamboyant album “Live In Marciac” (Enja, 2010).
Deux femmes phares, Rhoda Scott et Dee Dee Bridgewater
Ne pas attendre, en ces temps inquiétants, que l’orage passe, mais apprendre comment danser sous la pluie (selon les mots de Sénèque), célébrer la vie en présence de deux femmes flammes, deux femmes phares, l’organiste Rhoda Scott et la vocaliste Dee Dee Bridgewater (1er août, 21 heures et 23 heures, au chapiteau). En guise de riposte claire, concrète, à la place inéquitable accordée aux artistes femmes dans la sphère du jazz, chacune montera sur scène avec une formation 100 % féminine.

Avec le répertoire de “We Exist !”, Dee Dee la divine investit, de son charisme, d’historiques protests songs, comme “Mississippi Goddam”, que composa et interpréta Nina Simone, ou encore “The Danger Zone”, enregistré en 1961 par Ray Charles. Une façon, pour elle, de montrer que ces chansons contestataires restent cruellement d’actualité. Sous le chapiteau, elle sera entourée de Rosa Brunello (contrebasse), Shirazette Tinnin (batterie) et Carmen Staaf (piano), qu’a sélectionnée dans ses rangs le prestigieux Thelonious Monk Institute, école à but non lucratif rebaptisée The Herbie Hancock Institute of Jazz. Dee Dee Bridgewater a sorti, en juin, l’album “Elemental” (sur Mack Avenue), gravé avec le pianiste haut de gamme Bill Charlap. Je vous reparlerai dès que possible de ce disque, dans lequel la chanteuse, au sommet de son art, réinvente, avec audace et non sans facétie, les standards dont elle s’empare, en parfaite connivence avec Bill Charlap. Un chef-d’œuvre.
Le concert de Rhoda Scott s’inscrit dans le sillage des festivités lancées en 2024 pour les vingt ans de son Lady Quartet, aujourd’hui formé de Sophie Alour (saxophone ténor), Lisa Cat-Berro (saxophone alto) et Julie Saury (batterie). Pour l’occasion, l’organiste aux pieds nus invite trois chanteurs aux univers contrastés : le Britannique Hugh Coltman, au blues folk envoûtant, le Belge David Linx, funambule des cordes vocales, et le Camerounais Emmanuel PI DJOB, aux ferventes inflexions de “preacher” gospel. “Nous ne sommes pas ”sextaires””, a répliqué avec espièglerie, en 2022, l’ingambe organiste d’alors 86 ans, aux craintifs qui avaient reproché aux filles du Lady Quartet d’être anti-hommes… Le superbe troisième album du Lady Quartet, “Ladies & Gentlemen” (2024), conviait déjà ces trois interprètes masculins, chacun sur deux titres. Tout du long, il vibre de la complicité, l’expertise partagée, la joie de jouer ensemble. Jusqu’à la reprise de “Lady” (pièce maîtresse de Fela Anikulapo Kuti), qui conclut le disque sur un afrobeat ondoyant.
Ne pas manquer “Marciac Célébration” (22 juillet, chapiteau), avec China Moses en maîtresse de cérémonie et avec l’Amazing Keystone Big Band en locomotive d’or qui attisera les réjouissances. Avec un casting à couper le souffle : entre autres, les vocalistes Hugh Coltman et Robin McKelle, les saxophonistes Géraldine Laurent, Jeanne Michard et Jowee Omicil, Swaeli M’Bappé (basse électrique), les claviéristes Mario Canonge, Laurent Coulondre et Grégory Privat, le batteur Arnaud Dolmen…
L’échange avec le fabuleux MiMO Festival (au Brésil), qui nous vaut le privilège de voir en live les rares Egberto Gismonti (6 août) et Hermeto Pascoal (7 août) ; l’affiche aventurière et généreuse de l’Astrada, salle marciacaise à la splendide acoustique ; les concerts quotidiens gratuits du Bis, sur la place de l’Hôtel de Ville, où, notamment, fulgureront la guitare de Gabe ZinQ, le piano de Leïla Olivesi, le violon d’Aurore Voilqué ; Paysages In Marciac, sorte de festival dans le festival, qui se consacre à l’arbre et à l’environnement, et qui propose balades, débats… Et des centaines de rendez-vous singuliers. C’est cela la ruche Jazz In Marciac !
Je dédie cet article à Dominique BRUN et Martine CAUMONT, avec mon affectueuse pensée à leur famille respective et à leurs proches.

INFORMATIONS PRATIQUES :
Jazz In Marciac, du 21 juillet au 7 août 2025, voir : https://www.jazzinmarciac.com/
L’Astrada : https://lastrada-marciac.fr/festival-jazz-marciac
Le Bis : https://www.jazzinmarciac.com/le-journal/festival-bis-21-juillet-7-aout-2025
Paysages In Marciac : https://paysages-in-marciac.fr/
Ciné Jim 32 : https://www.cine32gers.com/marciac/
Pour devenir bénévole à Jazz In Marciac : https://www.jazzinmarciac.com/devenir-benevole
https://www.facebook.com/faracnews