El Gaouli est un rappeur et beatmaker français. Avec 5 albums au micro depuis 2001, l’artiste a également produit les plus grands de la scène rap actuelle comme Demi Portion, Keny Arkana, Kool Shen, ou encore Scylla. Reconverti en compositeur/beatmaker depuis 2012, il a créé sa propre entreprise de production/édition en 2019 : Act Right Music. Il cherche aujourd’hui à transmettre son expérience, tout en conservant son indépendance en tant qu’artiste.

Interview : Nicolas Sadourny
Photo : JuPi

“Vers l’âge de 16 ans, j’avais envie d’exprimer certaines choses qui nécessitaient des mots et non des notes.”

iHH™ Magazine : Qu’est ce qui t’as plu au début dans le rap ?

El Gaouli : J’aimais les sonorités, l’énergie, l’impact de ce moyen d’expression. À 10 ans j’ai découvert Public Enemy, NTM et ça a été le coup de foudre, le côté brut et engagé de cette musique m’a tout de suite parlé. Au départ je jouais de la guitare mais vers l’âge de 16 ans, j’avais envie d’exprimer certaines choses qui nécessitaient des mots et non des notes. Du coup je me suis naturellement tourné vers le rap… car de toute façon je ne savais pas spécialement bien chanter (rires).

iHH™ Magazine : Comment es-tu passé de rappeur à compositeur ?

El Gaouli : J’ai commencé à composer quand j’étais encore rappeur donc ça s’est fait assez naturellement. Cette fois c’est avec les mots que j’estimais avoir un peu fait le tour de ce que j’avais à dire et j’avais envie de me consacrer entièrement à l’aspect musical depuis un moment. Je n’avais pas envie de tourner en rond et je pense qu’il faut avoir l’humilité de laisser sa place aux jeunes. Mais c’est avant tout une question d’envie et je suis super épanoui dans ce rôle de compositeur/réalisateur maintenant. J’ai la chance de travailler avec énormément d’artistes talentueux donc certains que j’écoutais même plus jeune.

iHH™ Magazine : Comment est née l’envie de créer ensuite un label ?

El Gaouli : Je pensais depuis un moment à créer une société afin d’avoir une structure pour gérer mes affaires, et développer des artistes…j’ai donc créée Act Right Music en 2019 et signé un 1er artiste : Maydo, dont le premier projet «Binaire» est sorti dans la foulée. Ensuite tout est allé assez vite et pas mal d’artistes m’ont rejoint naturellement car nous travaillions déjà ensemble. Ce label est une façon pour moi de donner une certaine vision du rap.

“J’ai toujours été au bout des différents défis que je me suis lancé”

iHH™ Magazine : Avec du recul, que penses-tu de ta longue carrière dans le milieu du rap ?

El Gaouli : J’en suis assez fier car j’ai toujours été au bout des différents défis que je me suis lancé à moi-même et j’ai déjà réalisé pas mal de choses, sous différentes casquettes. Mais je suis loin d’être comblé car j’ai encore énormément d’envies, de projets. Mais toute cette expérience, je m’en sers aujourd’hui et elle s’est concrétisée à travers cette entreprise.

iHH™ Magazine : Comment choisis-tu les artistes avec lesquels tu travailles au sein d’Act Right Music ?

El Gaouli : Il faut qu’il y ait un coup de cœur artistique et surtout humain, c’est essentiel que je sente aussi que je peux apporter quelque chose. Je cherche bien sûr des gens que je trouve talentueux mais avant tout, il faut qu’ils sachent se remettre en question, qu’ils soient bosseurs, passionnés tout comme moi et qu’ils aient une forme de sincérité, quel que soit le registre dans lequel ils sont.

iHH™ Magazine : Quels sont tes projets en ce moment ?

El Gaouli : En ce moment je me concentre essentiellement sur les deux grosses sorties de mon label, les albums de Fakir et Youssef Swatt’s, deux artistes belges que j’adore et deux projets que j’avais vraiment hâte de dévoiler. Il y a également Graindsable avec qui on sort un EP cinq titres en mars, Maydo dont le nouveau projet arrive ainsi que l’album de Melfiano. Et puis je fais bien sûr toujours des prods à droite à gauche pour pas mal d’artistes comme Demi-Portion notamment dont j’ai produit 4 titres du dernier album.

“Le but d’Act Right Music est d’être un allié, de soutenir les artistes dans leur développement artistique et les aider à se professionnaliser”

iHH™ Magazine : Qu’apportes-tu à ces artistes avec ton expérience ?

El Gaouli : Une vision artistique, beaucoup de conseils pour leur éviter de faire certaines erreurs ou de perdre du temps. J’encadre un peu les choses, je supervise l’aspect production musicale (arrangements/mix/mastering). Le but d’Act Right Music n’est pas de bloquer ces talents mais plutôt d’être un allié, de les soutenir dans leur développement artistique et les aider à se professionnaliser, à mieux comprendre leurs droits et gérer leur carrière tout en ayant une réelle liberté. Dans le rap indépendant, je pense qu’on manque de gens qui prennent aussi en main le coté administratif, et ça fait partie des choses qui m’ont motivé à me structurer et à créer ce label.

iHH™ Magazine : Est-ce que tu reçois toujours des demandes pour faire des feats ou pour te relancer dans le rap ?

El Gaouli : Oui toujours ! Pas mal de gens me demandent de revenir en tant que rappeur mais comme je réponds souvent, pour l’instant ce n’est pas prévu. Faut savoir raccrocher les gants comme on dit.

iHH™ Magazine : As-tu des projets futurs ?

El Gaouli : Oui beaucoup (rires). Continuer à développer ces artistes, avec qui on est déjà tous sur les projets suivants, il y aura aussi de nouvelles signatures qui seront annoncées bientôt.

iHH™ Magazine : Est-ce que pour toi le rap français a évolué depuis le début de ta carrière ? Si oui, est-il toujours aussi bon ?

El Gaouli : Je ne veux pas donner le discours du « c’était mieux avant ». Je suis vraiment pour l’évolution, ça ne me gêne pas. J’aime beaucoup les sonorités actuelles, à la limite ce qui me manque un peu, c’est le texte. Dans le sens où on a l’impression aujourd’hui que pour que ça marche, il faudrait que le texte soit forcement simple, limite débile. On voit bien que le rap avec un minimum de sens est très peu visible de nos jours et c’est dommage même si j’aime aussi écouter des trucs divertissants et pas prise de tête, je viens d’une école ou y’a quand même un minimum à fournir lyriquement (rires). Cela dit, il y a de supers artistes avec un vrai contenu, c’est juste que ce ne sont pas les plus visibles

iHH™ Magazine : Est-ce qu’il t’arrive encore d’être surpris en écoutant un artiste, ou bien tu as surtout des impressions de déjà-vu ?

El Gaouli : Disons que c’est pas évident de m’impressionner. Mais bien sûr il m’arrive toujours d’avoir des surprises et des coups de cœur.

“J’ai toujours cette même petite étincelle depuis le début”

iHH™ Magazine : Est-ce qu’après toutes ces années tu es toujours aussi motivé ? Songes-tu à te retirer du rap ?

El Gaouli : J’ai toujours cette même petite étincelle depuis le début, tout ceux qui me connaissent savent que je suis un passionné de musique et un amoureux du rap. Donc tant que l’inspiration sera là je ferai de la musique, et en particulier de la musique urbaine car c’est de là que je viens et ce que je sais le mieux faire. Et même si un jour je mets un peu le côté musical de côté, mes activités y seront toujours liées, comme la production et l’édition par exemple.

iHH™ Magazine : Alors la relève du rap français est-elle assurée ?

El Gaouli : Sans aucun doute ! Le rap ne disparaîtra pas, il est là, il est imprégné dans notre culture aujourd’hui et il y a énormément de talents aux quatre coins de la France…et chez Act Right Music (rires)