Décédé le 6 avril, le batteur et compositeur martiniquais s’est imposé comme sideman incontournable. Dans son dense et délicat drumming, palpitait son amour pour son héritage antillais et pour le jazz.

Texte : FARA C
Photos : MiCHEL BLONDEAU

Bien plus qu’un batteur, Jean-Claude Montredon était à la fois un grand horloger du tempo, un orfèvre de la mélodie, un peintre de timbres et couleurs. Il s’inscrit dans l’étonnante lignée des batteurs compositeurs – Max Roach, Billy Higgins, Tony Allen… La puissance de son jeu ne provient pas de la force qu’il assénerait, mais, comme dans les arts martiaux, d’une énergie puisée dans la dynamique, dans la concentration et dans l’intention (artistique).

Audio. “RdB 31, pt. 3”, extrait de Jean-Claude Montredon en solo.

Cette puissance canalisée, cette musicalité intérieure ont fait de lui un sideman fort sollicité. Il a dispensé sa frappe féline auprès d’éminents musiciens – l’historique pianiste martiniquais Marius Cultier, l’emblématique formation antillaise Malavoi, l’héroïque Brotherhood Of Breath (fondé en Afrique du Sud, sous l’apartheid, par l’activiste pianiste et chef d’orchestre Chris McGregor), le boss de la basse Michel Alibo, le chanteur martiniquais Ralph Thamar, le magistral pianiste guadeloupéen Alain Jean-Marie, les pianistes afro-américains Randy Weston et Bobby Few, le légendaire Archie Shepp, la chanteuse Florence Antraygues, le météorique guitariste d’origine guyanaise Dominique Gaumont (qu’enrôla Miles Davis en 1974)… “Cet homme, Jean-Claude Montredon, ce musicien, ce batteur, avait du génie en lui”, a écrit l’émérite bassiste Thierry Fanfant, le 7 avril, sur les réseaux sociaux.

Jean-Claude Montredon avait déjà cinquante ans de métier à son actif, quand il a enfin publié son premier et unique album sous son nom ! Pour ce joyau discographique, “Diamant H2o”, dont le titre rend hommage au rocher du Diamant en Martinique, il a réuni une fidèle équipe : Alain Jean-Marie (piano), Stéphane Belmondo (trompette, bugle), Jon Handelsman (saxophone ténor, flûte) et Michel Alibo (basse). En osmose avec eux, il combine subtilement jazz, biguine, mazurka, samba…

Une maille à l’endroit, une biguine à l’envers, il faisait rythme de tout bois.

Autodidacte, nourrissant et approfondissant sa science au fil des expériences, il s’est forgé un style bien à lui. Né le 23 septembre 1949 à Fort-de-France, il a tôt commencé , enfant, à détourner, en instruments de percussion, des objets de la vie quotidienne – seau, boîte de conserve, planche de bois… Développant sa propre technique, il a mis au point une façon de tenir les baguettes, a travaillé à la souplesse de ses poignets, à sa gestuelle et à sa posture à la batterie. Une maille à l’endroit, une biguine à l’envers, il fait rythme de tout bois. Et tricote une musique singulière, au sein de laquelle, à l’instar d’un Miles Davis, il cultive l’art du silence. Sa batterie ne parle jamais pour rien.

Vidéo. Biguine à l’envers by Jean-Claude Montredon

J’encourage vivement les lecteurs et lectrices de iHH™ Magazine, en particulier les alchimistes du sampling, à écouter attentivement Jean-Claude Montredon. Ce dernier, là aussi comme Miles Davis à la trompette, s’est attaché à façonner un son identifiable. Dès que l’on entend le bruissement de ses cymbales, le murmure de ses fûts, ses enchevêtrements rythmiques capables de “chanter”, sa saveur jazz biguine inimitable, on reconnaît notre regretté batteur improvisateur. Lui, qui aimait fréquenter les lieux de concert conviviaux, s’est souvent produit au Bab-Ilo. Si cette scène indépendante du 18e arrondissement parisien n’était pas momentanément fermée (pour travaux), c’est probablement là que se seraient réuni.e.s ses proches et ses fans pour lui rendre hommage.

Mardi 15 avril à 13 heures 30, à Paris, nous honorerons la mémoire de Jean-Claude qui, décédé des suites d’une longue maladie à l’âge de 75 ans, a rejoint le paradis des artistes. Ainsi, lors d’une cérémonie à la coupole du crématorium du Père Lachaise, nous célébrerons sa vie, son art. Et nous exprimerons notre sympathie émue à ses deux fils, Touali Montredon (producteur et compositeur) et Georges Montredon (programmateur et animateur radio), ainsi qu’à sa fille Safi Montredon (peintre et designer) et son épouse Nathalie Montredon (éducatrice).

Vidéo. Jean-Claude Montredon Quintet au New Morning, le 19 avril 2017, “Children”.

INFORMATIONS PRATIQUES :

Mardi 15 avril 2025 à 13 heures 30, cérémonie à la coupole du crématorium du Père Lachaise, Paris.

Album de Jean-Claude Montredon, “Diamant H2o” (Q-Mix productions).

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Photo © Michel Blondeau