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Cochise – THE INSPECTION : Même les professeurs en apprennent tout le temps

Cochise - THE INSPECTION

Cochise - THE INSPECTION

Le titre “Tell Em” avait été un hit de taille pour Cochise, le rappeur floridien de 24 ans. La chanson avait bénéficié d’un tremplin à travers la réalisation d’un clip signé Cole Bennett pour la chaîne YouTube Lyrical Lemonade. Clip qui dépasse aujourd’hui les 31 millions de vues.

Depuis, Cochise s’est installé dans une branche du cloud rap aux rythmes répétitifs et enivrants. Il a réussi à séduire les fans à l’aide de morceaux criblés de références à la culture manga et anime. Après l’album “Benbow Crescent” de l’année dernière, l’artiste, qui tout comme Saucy Santana appartient à la classe Freshman 2022 du magazine XXL, revient avec un nouveau projet intitulé “THE INSPECTION”. Dans la peau d’un professeur, Cochise restitue tous les enseignements qui l’ont mené à ce stade de sa vie.

Implacables inflexions et inspirations

Cochise n’hésite pas à faire entendre ce qui l’influence. Lors d’une interview pour DJBooth, le jeune rappeur, qui a grandi au sein d’une famille jamaïcaine, révélait avoir été inspiré par le chanteur de dancehall Tommy Lee Sparta. Plus précisément par la façon dont ce dernier se sert de sa voix comme d’un instrument. Le cloud rap est donc le genre parfait pour lui. En effet, Cochise suit une longue lignée d’artistes qui étaient déjà attachés à travailler sur la façon dont leur voix sonne. On pense notamment au mystique Playboi Carti, auquel Cochise a souvent été comparé à ses débuts. La trajectoire des deux artistes ne pourrait pourtant pas être plus différente. Carti a laissé derrière lui le cloud pour s’essayer à des mélanges entre trap et rock. Cochise, quant à lui, perfectionne plutôt le cloud rap à sa manière.

Le titre d’introduction, “MR. PROFESSOR”, nous donne une idée de ce à quoi on peut s’attendre avec cet album. En résumé : des refrains répétés à la manière de mantras, de façon expéditive, avec des inflexions vocales des plus aiguës. Pourtant, Cochise ne se limite pas qu’à une baby voice sur cet album.

Au contraire, le floridien semble plutôt s’attaquer aux inflexions graves en 2022. “TURN IT UP”, très clairement un titre destiné aux moshpits, voit le rappeur répéter trois mots, de façon quasi-incompréhensible sur la fin du refrain. Mais c’est le grognement de l’artiste qui ressort le plus. Ce grognement se retrouve également sur le titre précédent, “DOUBLE IT UP”. Sur ce dernier, pratiquement enraciné à Atlanta avec une instrumentale aux claps presque rétros et des ad-libs aussi fous que ceux de Future, Cochise réplique à l’identique les grognements auxquels Young Thug s’était essayé sur la chanson “Harambe”. Vers la fin du titre, Cochise se lance a capella, pour montrer à son auditoire tout le travail effectué de sa part au niveau vocal.

Sur “HUNT”, pas question d’inflexion, tout est question de prestance. Ce qui est bien normal lorsqu’on est accompagné par Chief Keef. Le rappeur de Chicago, en feu depuis la sortie de son album “4NEM” au début de l’année, n’a même pas besoin de percussion pour s’imposer. Le duo transforme l’instrumentale aux pianos menaçants en terrain de chasse, à l’aide d’élocutions des plus agressives.

“Agression” est peut-être le mot-clé pour décrire “PROFESSOR PROFESSOR”. La première partie de la chanson, relativement calme, ne sert que de prélude à une deuxième moitié servie par un Cochise déchaîné. Sur une instrumentale rappelant la scène illinoise d’où nous vient Chief Keef, Cochise place une belle référence à Hunter X Hunter. Il se compare au personnage Killua et ordonne “Call up Gon”. Comme s’il suggérait à ses ennemis d’appeler Dieu.

Un tour d’honneur dédié à la réussite du professeur

Si agression est le mot d’ordre pour la majorité de l’album, Cochise entrelace les titres explosifs avec d’autres plus calmes. On pense notamment au titre “HALO” nommé de façon très juste d’après la mélodie angélique utilisée. Si douce, elle pousse Cochise à en chantonner l’air en guise de chœur.

Le titre “MEGAMAN” le propulse sur une pluie de synthétiseurs soumis à des filtres 8-bit. La mélodie si particulière pourrait sans problème se trouver sur la bande-son d’un ancien jeu Megaman. Cochise conte son ascension sur cette prod° supplémentée de légères percussions et de basses équilibrées à la perfection.

Ce sentiment d’ascension est retrouvé dans le sublime “DON’T RUN”. Les 808 d’introduction peuvent faire penser au style souvent répliqué mais jamais égalé de Pi’erre Bourne. Mais la direction prise par Cochise, le rappeur de Minneapolis MaLLy et les britanniques Sam Wise et BlazeYL est tout autre. Avec des synthétiseurs passés sous flangers, la douceur de la grandiose instrumentation rentre en confrontation avec les voix graves des artistes. En particulier celle de Cochise, qui n’hésite pas à voyager entre anglais et patois. Résultat : un titre d’affirmation d’une part et de nouvelles nécessités de l’autre.

Outre les percussions et synthétiseurs auxquels Cochise nous a habitués sur l’album, un autre élément ressort : les violons. Remarquables sur les morceaux “GRIND”, que Cochise dit avoir produit, et “FINALLY”, qui viennent clôturer l’album. À l’aide de cet instrument venu tout droit du monde de la musique classique, le rappeur réalise son tour d’honneur. Il se réjouit d’avoir trouvé sa place sur la scène rap. Un destin que peu auraient pu prédire, au vu de son jeu de références culturelles et de son genre de prédilection (dans la scène cloud, beaucoup ne restent que de petits phénomènes SoundCloud).

Pourtant, ce sont ces références et ce son, transformés à sa manière, qui permettent à Cochise d’accéder au statut de professeur dans un monde du cloud rap en constante évolution. Reste à savoir qui va prendre des notes.

Texte : Tarek Diouri–Adequin


Écouter “THE INSPECTION” de Cochise :