Rédaction : Sébastien Muzi
Photographies : Maude JNVX
L’escapade ardennaise continue ! Pour ce troisième jour, notre programmation personnelle puise dans le punk, le rock qui bouscule et, bien évidemment, dans le rap de France et d’à côté.
Grosse famille blanche
Première surprise de la journée sur la scène Illuminations, les anglais de Fat White Family débarquent avec leur rock garage qui tache. Le chanteur arbore un sublime chandail en résille. La troupe revisite les morceaux, tantôt chargés d’absurde, tantôt de cynisme, des différents albums, dont « Serfs Up », le plus récent effort du groupe.
On saisit l’occasion de souligner, une fois encore, la saveur et la couleur du line-up du Cabaret Vert, jour après jour. Vous allez le constater, une certaine trame britannique se tisse au fil des jours.
Sometimes, I might be introvert
Pour la suite du programme, on ne change pas de territoire, seulement d’ambiance. C’est au tour de la rappeuse Little Simz de monter sur la scène Zanzibar avec un band complet de musiciens.
La prestation s’ouvre d’une manière épique avec l’intro « Introvert » du dernier album, tout en cordes, cuivres et batterie militaire. Little Simz fait, pour l’instant, face à une foule timide et doit malheureusement composer avec la pluie qui se fait de plus en plus présente.
Le groupe déploie une énergie solaire et un groove qui contrecarrent rapidement le mauvais temps. Les festivaliers, de larges ponchos vêtus, dansent sans s’inquiéter du reste. Avec « Two Worlds Apart » et « Rollin Stone », deux titres issus du dernier album « Sometimes, I Might Be Introvert », Little Simz prend la température et motive ses troupes.
Les excellents musiciens magnifient encore et toujours les titres en live, en témoignent « Protect My Energy », « Woman » ou « Speed ». La voix caractéristique de la rappeuse se cale parfaitement, c’est aussi l’occasion de découvrir sur scène « Fear No Man » et l’excellent « Point And Kill », aux sonorités cubaines pour le premier et africaines pour le second.
La setlist permet ensuite de se remémorer certains morceaux marquants de l’album précédent « Grey Area », comme le très ciselé « Offence », le mélodieux « 101 FM », « Selfish » et le remarquable « Venom » qui vient conclure une prestation de haut vol.
Devil Inside Me
Pas vraiment le temps de réfléchir, il nous faut rejoindre la scène Illuminations pour le début imminent du concert de Frank Carter and the Rattlesnakes.
On reste donc (encore !) au Royaume-Uni pour la suite des hostilités, et quelles hostilités. Le show démarre au quart de tour avec le titre « My Town », à l’origine en collaboration avec Joe Talbot, le chanteur d’IDLES et dont le refrain est aussi percutant qu’entêtant. En enchaînant avec le non moins fédérateur « Sticky », Frank Carter semble déjà s’être mis le public dans la poche.
Avec la rage et l’énergie d’un taureau croisé avec un char d’assaut, les punks anglais mettent le feu aux poudres des pogos. Frank Carter rejoint la foule, se perche sur de solides fans pour chanter au-dessus de l’assemblée avant de réaliser un parfait poirier (photo à l’appui !).
Les titres s’enchainent avec fureur et la tension ne redescend pas, Frank Carter ordonne au public de lancer un mosh-pit autour de la régie de la scène, rien que ça. Le groupe puise dans des titres qui se transcendent en hymnes de festival, à l’image de « Devil Inside Me », « Go Get A Tattoo » ou le très inspiré/inspirant « I Hate You ».
Comme à son habitude, le leader du groupe sensibilise son public au fait de permettre aux femmes d’accéder à la fête, aux crowdsurfs et pogos sans risquer quoi que ce soit. Frank Carter insiste systématiquement, pendant ses shows, sur l’importance de mettre en place des « safe spaces » pour les femmes, car les hommes jouissent de ce privilège toute l’année durant.
En bon papa gaga, il n’oublie pas non plus d’introduire le titre « Lullaby », dédié à sa fille Mercy Rose Carter qui, selon ses dires : « sera la leader de la révolution, tandis que je serai son bouclier humain », jolie déclaration d’amour… et donc de guerre.
Le concert se referme sur le titre « Crowbar », issu de l’album « End Of Suffering », c’est plutôt la fin du plaisir pour nous. Fort heureusement, il reste de belles choses au programme de la journée.
Back Of My Mind
Retour sur la scène Zanzibar pour un peu de R&B bien mérité. C’est la musicienne (auteure, compositrice, interprète, tout de même) H.E.R. qui prend la scène avec son groupe.
Le concert est ornementé d’une multitude de sonorités, preuve des influences riches de l’artiste. H.E.R. joue de la guitare sur la majeure partie des titres et assurent même les solos. La prestation est même très rock par endroits, notamment lorsqu’elle reprend « Are You Gonna Go My Way » de Lenny Kravitz.
L’entourage de H.E.R. sur scène donne aussi de la voix, c’est chaleureux lors de passages plus soul voire gospel. La nuit tombe aux rythmes de titres comme « Bloody Waters », « Hold On » ou encore « We Made It », issus de l’album « Back Of My Mind ». La multi-instrumentiste gratifie l’audience d’un pont à la batterie, glissée astucieusement sur le devant de la scène. La fine pluie qui continue de perler les fronts apporte une touche de beauté au live.
Comme toujours, les concerts défilent et les heures passent. C’est le rappeur français ZIAK qui se charge de nous coller un double uppercut en débarquant sur la scène Illuminations avec la volonté assumée d’en découdre.
Le rappeur, masqué et ganté comme à son habitude, a connu un succès fulgurant entre 2020 et 2021 grâce à un style sombre, hyper agressif et des sonorités importées de la Drill UK. La foule s’est massivement groupée et reprend fidèlement les paroles, preuve que ZIAK est clairement implanté dans le paysage rap français.
« Au bout de la quatrième fois, ça devient une tradition »
L’un des concerts les plus attendus de cette journée est probablement celui d’Orelsan. Alors qu’on tâche de se placer devant la scène Zanzibar, les festivaliers sont déjà compactés sur une bonne dizaine de mètres. Le caennais n’est même pas encore monté sur scène que déjà il se fait difficile de circuler.
Avec plus d’une décennie de présence sur la scène rap, des albums solos systématiquement marquants et une multitude d’autres projets allant de la télévision au cinéma, Orelsan a su se muer en artiste incontournable de la scène francophone.
On vous en parlait déjà lors de son passage au Zénith de Nancy le 25 juin dernier, Orelsan et son équipe maitrisent leur show à la perfection.
L’introduction sur le titre « Civilisation », appuyée par des visuels époustouflants, participe à mettre le public dans un état de liesse. Comme à son habitude, Orelsan s’entoure en live des éternels Abblaye et Skread, mais aussi du producteur beatmaker Phazz, du guitariste Eddy Purple et du batteur Manu Dyens.
On enchaine rapidement avec « C’est du propre », toujours aussi taillé pour le live et qui prend encore plus d’ampleur en festival. Orelsan s’amuse de voir un festivalier déguisé en lapin d’Alice au Pays des Merveilles, comme dans le clip de « Changement » puis s’étonne d’être programmé pour la quatrième fois au Cabaret Vert : « c’est bien la quatrième fois qu’on vient au Cabaret Vert ! A ce stade, ça devient une tradition ! »
Bien qu’elle ait décidé de cesser temporairement, la pluie trouve sa place ici encore avec le titre… « La Pluie » qui est largement repris par les fans. Les tubes s’enchainent avec le grinçant “Défaite de famille“, puis “La Quête” et enfin le très fort “L’odeur de l’essence“. La fête continue avec un savant medley de titres des premiers albums. On retrouve ainsi des extraits de Jimmy Punchline, le public bondit de plus belle.
Après une sublime déclaration à sa femme sur “Athéna“, Orelsan poursuit dans le registre du cœur. Le public est ému à l’écoute de “Note pour plus tard”, comment ne pas se reconnaitre dans un des couplets ? Puis les classiques à entonner tous en chœur, “La terre est ronde” et “Basique” qui fonctionnent toujours aussi bien devant 25 000 personnes.
Le show d’Orelsan se termine, laissant la scène à Freeze Corleone qui est venu remplacer au pied levé SCH, absent pour des raisons de santé.