Son deuxième album « P’tit con » est sorti chez Antipodes Music. Le Bon Nob, rappeur parisien, trentenaire de fraîche date, revendique un rap réfléchi, dans un style entre l’ancienne et la nouvelle école. Magnéto.

Interview : Julien Le Gros

Photo : Thomas Lang

Pourquoi Le bon Nob ?

On m’a toujours dit que le blase, ce sont les potes qui doivent le choisir. Entre potes on s’appelle tous  le bon untel. Je suis le Bon Nob. Bruno à l’envers ça fait No-bru. Ça donne Nob.

Le « P’tit Con » du titre, c’est autobiographique ?

C’est mon ancien moi. C’est un album dans lequel j’aborde le fait d’arriver dans la trentaine et d’arrêter d’être un petit jeune. Il est temps de grandir. J’ai fait un premier album à la maison « L’art mûrit » Celui là montre que j’ai continué à mûrir et que je passe à une autre étape. Adieu le petit con !

Tu as réalisé « P’tit con » avec du financement participatif.

Ça s’est fait en plusieurs étapes. J’ai fait une première version à la maison. Deux potes ingénieurs du son m’ont proposé de faire un Kiss Kiss Bank Bank pour me faire un meilleur mixage. Ça a marché. On a eu 125 contributeurs. On a fait un premier mix au studio le Dojo de la 75ème session à Saint-Denis. J’ai contacté mon label actuel Antipodes music pour me distribuer. Ils m’ont proposé de le réarranger avec DJ Elite, un gars qui a une vision actuelle et a donné cette ambiance un peu plus « neuve » à l’album. Ça a pris trois ou quatre ans de faire tous ces réglages, avec heureusement l’aide de plein de gens.

Le clip de « Ton feu » est particulièrement réussi.

Ça a été tourné au Canada. Je suis super content du rendu. J’ai travaillé avec un gars qui s’appelle Alexis Pifou. Il est parti vivre au Canada et travaille là-bas avec une équipe très professionnelle. J’aimais bien ses clips pour des artistes hip-hop comme Pand’Or sur le clip “Hikari”, et pour Eli Mc aussi qui est un peu moins connue.

Peux-tu présenter les beatmakers de l’album ?

Ça me tenait à coeur d’avoir un son un peu différent. A force d’entendre tout le monde rapper sur les prods des mêmes beatmakers ça donne des sons qui se télescopent. J’ai travaillé avec des noms super talentueux de l’underground qui me plaisent et qui ne sont pas forcément les plus exposés. ClemBeatz vient de Yerres. Il a pas mal de projets solo abstract hip-hop. Il y a Chess, un beatmaker de Poitiers, Hazma un gars qui a été beatmaker pendant deux ans, a arrêté ensuite et m’a envoyé un pack de quarante instrus en mode : “Mec j’aime bien ce que tu fais, choisis, prends !” Il y avait vraiment des pépites là-dedans. Enfin, il y a Slone qui est toulousain. On s’est captés en loges sur des concerts. Le tout arrangé par DJ Elite. Ça donne un résultat assez éclectique.

Tu dis que tu fais du rap réfléchi…

C’est un rap qui pose des constats et cherche à apporter des solutions. Dans le milieu du rap français les paroles sont plutôt négatives et on a du mal à proposer. Ça manque de positivité. Je préfère parler de rap réfléchi plutôt que de rap conscient, notion qui ne renvoie pas vraiment l’idée de l’écriture. On travaille sa conscience comme on peut. Ce qui me plaît c’est d’essayer de développer une réflexion. On entend les gens se plaindre alors que parfois il suffit de se bouger. Je ne suis pas un rappeur engagé politiquement mais j’aime parler à l’humain. On dit toujours que l’herbe est plus verte ailleurs. Allons voir ! Dans « Ton feu » je dis: « Allons voir si l’herbe est plus verte qu’à Bercy ». J’ai pris l’exemple de Bercy parce que c’est cette herbe complètement fausse noyée dans le béton. C’est une bonne image.

C’est une affaire de famille cet album !

L’écriture c’est un truc de famille. Mon père écrit des recueils de poésie depuis toujours. Quand j’ai eu 15 ans, il m’en a montré un en me disant : « À votre âge, je faisais ça, je ne regardais pas la télé ! ». Ça m’a plu. Comme mon grand frère faisait du rap, je me suis mis à mêler les deux disciplines. On s’est mis à rapper ensemble. J’ai accroché tout de suite. J’ai un frère jumeau qui fait du reggae à la guitare Remo (sorte de guitare/banjo). On a sorti un album ensemble sous le nom de Yepa « Paradoxe ». Pendant trois ans on a fait de la scène. Il a apporté cet aspect mélodieux à « P’tit con » avec des refrains chantés sur deux titres « Un jour » et Peine perdue ». Et il y a deux autres invités sur le titre « Découpe-les », des MC inconnus de Paris: Neyg et Lazare dont j’aime le boulot. Ils ont arrêté de rapper depuis quelques années. Je trouvais ça dommage. Sur cet album je n’ai ramené que des très proches.

Comment t’es-tu retrouvé à rapper pendant un concert de KRS-One ?

C’est à ce moment que j’ai compris que c’est la scène qui me fait le plus vibrer parce que ça permet de partager ce que j’ai créé. C’était à l’Élysée Montmartre. Il y avait peut-être mille personnes, je ne sais plus exactement, mais la salle était complètement blindée. Il y a eu un open mic à la fin pendant lequel KRS-One a permis à quelques MC de monter sur scène. Je me suis faufilé. Je suis allé kicker ça. La foule a fait du bruit. De voir que KRS-One a aussi apprécié, qu’il est revenu sur scène pour faire un big up pour un petit jeune comme moi ça m’a fait vraiment plaisir.

Plus tard tu as fait la première partie de La Rumeur.

J’adore vraiment ce qu’ils font. Ce sont des rappeurs qui font vraiment réfléchir. Avec Pand’Or qui faisait la première partie avec moi on a discuté avec eux en loges. Pand’Or est plus engagée que moi. Quand on est sur scène on est complémentaires. Elle amène son côté social et moi le côté plus humain. Les gars de la Rumeur nous ont fait un beau compliment: « Dans l’énergie vous nous rappelez nos débuts. » ça fait plaisir d’entendre ça de la bouche de gars qui sont restés super humbles et vrais.

Curieusement pour quelqu’un de ta génération tu sonnes assez à l’ancienne. Comment l’expliques-tu ?

J’ai l’influence de mon grand-frère qui a sept ans de plus que moi. J’ai toujours écouté les morceaux qu’écoutaient des gens plus vieux que moi. J’ai toujours été dans une vibe à l’ancienne, de 1995-2000. J’ai fait un rap dans cet esprit là parce que c’est ce qui m’a plu au début. J’ai eu plus de mal à accrocher sur les nouvelles tendances. Même si je suis toujours fidèle au boom bap sur cet album j’ai voulu être un peu plus actuel. Il y a des prods sur lesquelles je n’aurais pas choisi de rapper il y a quelques années. Cet album c’est la maturité qui continue. Pourquoi ne pas élargir avec d’autres types de prod, un flow un peu différent? Ça me permet de faire évoluer mon style sans me travestir. Je garde ma base, je reste moi-même.

Quelles sont tes références old school ?

J’ai un gros faible pour Busta Flex. J’adore ses placements, ses attitudes, ses intonations que je trouve vraiment ouf ! Les Sages Poètes De La Rue, IAM, NTM, La Brigade… Des rappeurs comme La Scred Connexion, Kamnouze qui réfléchissent et ont des choses à dire. J’ai saigné les mixtapes de Dontcha les “Dontcha flex” de 1997. C’est ce qui m’a fait apprécier le côté freestyle. On sent que la prise a été enregistrée d’une traite. Cette spontanéité me plaisait.

Sur YouTube, il y a une trentaine de freestyles que tu as réunis sur une mixtape, « La Trentaine »…

Quand j’ai commencé à mettre des vidéos sur internet ça faisait cinq ans que je rappais. Je me suis dit qu’il était temps d’élargir mon public. J’ai posté de plus en plus régulièrement des vidéos de freestyle pour être présent en fournissant de la matière gratuite. A chaque fois ça ramenait de nouvelles têtes qui s’intéressaient à ce que je faisais. J’ai continué ça tout en travaillant sur des projets sérieux : mon premier album maison, « L’art mûrit » en 2013, et un premier EP avec ClemBeatz « Mydriase Grosse tête » en 2014.