Journaliste et auteure, Edith Pauly est une passionnée d’art. Artisanat, décoration, porcelaine, bande dessinée ou encore art urbain, cette curieuse qui a déjà six livres à son actif s’est investie dans de nombreux domaines au cours des années. En avril 2021, Edith a publié un nouveau livre intitulé STREET ART XXS. Ce recueil illustré met en lumière le travail d’une cinquantaine d’artistes urbains ayant choisi de voir petit plutôt que grand. Un art miniature, discret, et qui pour Edith porte sur lui l’esprit subversif du street art.
Interview réalisée par : Nicolas Sadourny
Vous suivez régulièrement l’évolution du street art et restez à l’affut de nouveaux artistes talentueux. D’où vient votre passion pour cet art ?
J’habite depuis des années dans le 20ème arrondissement de Paris, qui est un haut-lieu pour le street art. Tous les jours je passe devant des dessins que je trouve géniaux. Et c’est un art qui a longtemps été subversif, libre de pensée et d’expression. C’est quelque chose que j’aime beaucoup.
Comment est venue l’idée d’écrire un livre sur le street art miniature ?
Et bien je dois rendre à César ce qui est à César ! L’idée vient originellement de mon éditrice qui est également une grande amatrice de street art. Elle m’a tout simplement suggéré un jour de faire quelque chose sur le “petit” art urbain. Je cherche toujours des angles uniques afin de ne pas simplement écrire un énième livre parlant de street art en général, donc cela m’a paru super.
Quand avez-vous commencé à travailler sur ce projet ?
Le travail a commencé en février 2020. Ça a été un rythme acharné et intense sur une dizaine de mois avec des semaines très chargées, sans compter les complications à cause du Covid. Mais je suis très fière du résultat.
L’art urbain de petite et moyenne taille permet de partager des messages portant des valeurs
Comment avez-vous recherché les artistes interviewés ? Certains ont-ils été compliqués à joindre ?
J’en ai cherché certains pendant des mois, et sans résultats ! Beaucoup d’artistes de street art partagent leur travail sur les réseaux sociaux comme Instagram, il est donc possible de les joindre par ce média. Mais certains ne répondent tout simplement pas, d’autres n’ont aucune identité numérique qui permette de les contacter ou de les trouver. Finalement le travail le plus long n’aura été ni la phase d’interviews ni la rédaction, mais bien la recherche. J’ai même communiqué avec certains artistes à l’étranger par courrier, ce qui était assez amusant. Au final nous avons pu réunir cinquante artistes qui parlent de manière ouverte ou anonyme.
Vous nous faites découvrir différents types d’arts urbains miniatures dans ce livre. En avez-vous découvert vous-même certains par la même occasion ?
Je ne connaissais pas vraiment ce que l’on appelle les street installations (objets d’art posés à même le sol ou sur les murs et qui interagissent avec leur environnement). Et j’ai totalement découvert les sculptures et les bronzes créés dans un esprit d’art urbain. J’ai trouvé ce style très étonnant.
Pendant l’écriture de ce livre, votre vision du street art a-t-elle évoluée ?
Je pense avoir découvert une dimension humaine, des artistes qui par exemple proposaient à des SDF de participer à leurs créations artistiques. J’ai également ressenti un retour à la subversion, un sentiment que j’avais l’impression de perdre au fur et à mesure que les municipalités se mettaient à considérer les oeuvres de street art comme des attractions touristiques. Aujourd’hui le papier collant permet aux artistes de poser leurs oeuvres très rapidement et sans attirer le regard. C’est un acte qui garde cet esprit un peu militant, indépendant.
Dans l’introduction de votre livre, vous dites qu’il n’est plus nécessaire d’avoir un bon coup de crayon pour faire du street art grâce aux outils numériques. Que pensez-vous de cette facilité à pallier le manque de talent ?
Il y a ceux qui dessinent et ceux qui récupèrent juste des dessins pour les coller. Je ne dis pas que l’un est moins bien que l’autre, mais il faut les considérer comme deux pratiques différentes. Si le premier est un artiste, l’autre peut être considéré comme un graphiste.
Vous dites également que ces oeuvres miniatures peuvent faire partie d’un jeu d’exploration.
Tout à fait, ces oeuvres deviennent un jeu car on peut s’amuser à les chercher, certaines se fondent parfaitement dans leur environnement. On peut également suivre le trajet des artistes, reconnaître leur style et savoir qu’ils sont passés par là. Cela devient une sorte de chasse au trésor.
Il est important selon vous que le street art garde une dimension polémique ?
L’art urbain de petite et moyenne taille permet de partager des messages portant des valeurs. On peut voir dans STREET ART XXS des artistes qui partagent des messages politiques, féministes et écologiques à travers leurs oeuvres et ce de manière indépendante, personnelle. Il est important pour moi de différencier l’art urbain qui est réalisé de manière officielle en partenariat avec une mairie par exemple, et celui qui garde ces valeurs de subversion et de “underground”. C’est cet esprit subversif qui fait de la France l’un des pays leaders dans la création de street art.