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Retour sur l’”Été” de Tessæ

Cover de l'EP "Été" de Tessæ, réalisée par Eugénie Atinault

Après le succès de “Printemps” porté par le tube “Bling”, Tessæ est de retour ce vendredi avec son deuxième EP de l’année, “Été”. Derrière le single “Salope”, c’est toute une facette de son univers musical que l’artiste originaire de Marseille a voulu montrer. De We Love Green à TikTok, Tessæ est revenue pour iHH MAGAZiNE sur le début d’une carrière qu’on estime très prometteuse. 

Interview : Dorian Lacour

iHH : Tu as été mise en lumière par Booba suite à ta reprise du morceau “Arc en ciel”, et ça t’a catégorisée directement comme une artiste hip-hop. Est-ce-que tu te penses être “seulement hip-hop” ? 

Pas du tout, et j’aime beaucoup le rappeler. Je ne me vois pas du tout dans une case, que ce soit hip-hop, pop ou rap. Je fais ce qui me vient à l’esprit selon le style de prod°, je suis en mode hybride. Le truc super important c’est de ne pas me mettre dans une case, musicalement je ne me donne pas de vrai style, je suis juste une artiste qui fait de la musique. 

iHH : Quel souvenir gardes-tu de ce passage au festival We Love Green ? 

Évidement un souvenir méga lourd, c’est pas donné à tout le monde de pouvoir faire une scène comme ça aussi tôt. C’était très stressant aussi, je suis très anxieuse donc pendant une semaine c’était crise de panique sur crise de panique, et puis le jour même j’ai lâché prise. Booba était à l’écoute, il m’a donné des conseils et il était vraiment bienveillant. Ça m’a donné envie de faire ça avec mon propre public, alors on essaye d’y aller doucement, de me trouver totalement. Pour l’instant tout ce qui est concret, c’est des premières parties, on réfléchit à faire de la scène à mon nom, parce que c’est vraiment une super expérience. 

iHH : Quelles ont été tes inspirations musicales pour cet EP ? On sent une vibe electro… 

Je pense qu’elle vient beaucoup de Clément Aubin, mon beatmaker. Je lui laisse mettre sa patte et lui vient de l’electro à la base, on se rejoint bien là-dessus. Sinon plus globalement j’ai grandi ces dernières années en écoutant Twenty One Pilots, Billie Eilish, Aurora, Booba, Rilès, OrelSan… 

iHH : Pourquoi avoir choisi le morceau “Salope” en single ? 

Je saurais pas vraiment le dire… Parce que c’est le plus fort je pense.Dans l’EP, il y a des morceaux aux thèmes très forts et qui restent assez rares dans la musique. Le harcèlement de rue c’est quelque chose dont je voulais parler. En plus, c’est un des plus vieux morceaux que j’ai enregistrés. Avec le temps, tu as peur que ce ne soit plus d’actualité, il y a toujours cette crainte-là parce que les morceaux des EPs ont été écrits il y a un petit moment. Il y a toujours cette peur de ne plus kiffer mais en fait je suis très fière de tous mes textes, et ils restent d’actualité. 

iHH : Tu penses que de tels messages devraient davantage imprégner le rap, et la musique globalement, en France ? 

Clairement, dans la musique ce serait cool ! On a pu voir beaucoup de personnes aller mieux grâce à des artistes comme Billie Eilish, des ados qui étaient en dépression et qu’elle a aidés grâce à sa musique. Je trouve que dans la musique on devrait faire passer ces messages, mais au niveau de la mentalité, les générations qui arrivent sont plus à même de le faire, donc je ne m’inquiète pas trop. 

Tessæ dans les locaux de Wagram Music le 1er septembre 2020, par Michel Rubinel

iHH : Ne penses-tu pas que l’émergence de plusieurs artistes féminines dans le cercle urbain ces dernières années peut le permettre ? 

Totalement oui, forcément. Si tu es une femme et même si tu n’as pas été victime d’agressions, tu ressens le truc, on vit dans une peur constante. Il y a des chances que l’émergence d’artistes conscientes de ces problèmes permette de diffuser le message, c’est sûr.

iHH : Tu gardes un côté assez léger, dans les prod° notamment, alors que pourtant tes messages sont lourds de sens. Comment expliques-tu cela ? 

En fait ça dépend de chacun, il y a des artistes dont la façon d’écrire va être légère mais avec un double sens qui fait passer un message. C’est ma façon d’écrire qui est comme ça, je peux faire des morceaux pop avec un texte assez lourd. Ça vient de Twenty One Pilots je pense, ils ont l’habitude de faire passer un message vachement dur sur une instru légère.

iHH : Ça me rappelle un peu Stromae également. Il fait partie de tes inspirations ou j’affabule complètement ?

Je sais qu’à une période j’écoutais beaucoup ce qu’il faisait, et tous les artistes que j’ai écoutés m’ont construite. Comme je te disais, je pense surtout que ça me vient de Twenty One Pilots avec des prod° gaies et des textes lourds de sens. Mais c’est vrai que même si j’y avais jamais pensé la comparaison entre Stromae et moi est intéressante, faire passer un message, c’est au cœur de notre musique.

iHH : Pour revenir à ta carrière, TikTok a été un incroyable accélérateur de particules pour toi, propulsant ton morceau “Bling”. On dit souvent que les buzz TikTok sont éphémères, comment l’as-tu ressenti toi ? 

De base, ça m’atteignait beaucoup ce genre de remarques. J’ai retenu le message d’une personne qui me disait : “tu verras que tes prochains sons ne vont pas percer”. C’est pas parce qu’il y a un buzz TikTok que tu vas disparaitre après, surtout si tu fais de la bonne musique. Il y a une image négative autour de ça, c’est certain, et ce serait cool que ça évolue. Mais en vrai j’ai remarqué quand même une différence, les gens prennent avec plus de crédibilité les sons sortis de TikTok maintenant. Des fois j’entends des morceaux à la radio que j’ai entendus en premier sur TikTok, ça montre que les mentalités évoluent un peu. 

iHH : Avec cette mise en lumière soudaine et massive, tu n’as pas senti une épée de Damoclès au dessus de ta tête, comme quoi tu étais “obligée” de réussir ? 

En vrai, je pense que je n’ai pas eu besoin de ça, je maitrise pas trop la pression de base. J’essaye vraiment de me détacher de ce truc-là parce que si j’essaye de plaire à tout le monde, ça va être compliqué pour moi. Je me mets la pression toute seule, je bosse pour réussir et si ça marche pas je ferais quand même des sons parce que j’aime ça. 

iHH : Alors pour revenir aux EPs, pourquoi avoir choisi les saisons ? 

En rencontrant mon label, j’avais déjà une cinquantaine de sons de côté. On s’est dit qu’au lieu de tout sortir en un album une seule fois dans l’année, ce serait cool de mettre un mood pour chaque saison et faire un EP pour chacune d’entre elles. “Printemps” et “Été” sont plus lumineux, “Automne” et “Hiver” seront plus dark. Je garde une ligne directrice pour mes projets. 

iHH : Justement, le choix de faire des EPs te permet aussi de rester visible tout au long de l’année. C’est indispensable aujourd’hui d’après toi ? 

En fait, pour moi, dans la musique il y a de la place pour tout le monde, mais on est de plus en plus à vouloir se faire une place justement. Si tu n’es pas trop installé et que tu ne produis rien les gens vont peut-être te tourner le dos. Donc oui, il y a une petite pression parce que rien n’est sûr encore. Il faut que je montre aux personnes qui m’écoutent et aussi à celles qui ne m’écoutent pas que je suis là. 

iHH : Tu te sers de ta voix comme d’un instrument à de multiple reprises. Tu penses que grâce aux technologies actuelles la voix est devenue un instrument à part entière ? 

Totalement ! Déjà il y a un truc qui perdure en France avec l’autotune, c’est le cliché qui dit que si tu l’utilises, tu ne sais pas chanter, alors que pour moi c’est vraiment un outil que tu peux utiliser à ta guise pour donner du corps à ton morceau. Mais sinon, clairement pour moi, la voix a toujours été un instrument. Des fois, il y a des prod° où j’ai une idée de mélo et Clément construit autour de ma voix.

iHH : Tu reprends la “Chanson d’automne” de Paul Verlaine pour clore cet EP d’une manière assez mélancolique. Ça veut dire qu’”Automne” sera bien plus triste ? 

Oui, totalement, parce que je suis une personne qui, en automne et en hiver, réfléchit beaucoup. Les deux EPs vont traiter de sujets plus durs, le but c’est de pouvoir emmener les personnes qui m’écoutent vers autre chose. C’est pour ça que qu’on a essayé de trouver les différents moods dans les sons que j’avais de prêts, et on les a rangés dans les différentes saisons, vu que je pense que l’humeur varie en fonction de la saison c’était assez évident. 

iHH : Donc au final, cette série de 4 EPs déclinés en saisons est une carte de visite pour toi, ta manière de t’imposer aux yeux des auditeurs ? 

Exactement, après j’ai quand même évolué et je me découvre encore d’autres facettes en tant qu’artiste. Il y aura des choses différentes dans l’album : le but c’est vraiment d’habituer les personnes qui vont m’écouter à l’inattendu. 

Tessæ dans les locaux de Wagram Music le 1er septembre 2020, par Michel Rubinel

iHH : Tu penses que les auditeurs hip-hop et pop ont de plus en plus tendance à se confondre ? 

Franchement, de fou. Tu vois, j’aime bien stalker les gens qui m’écoutent, et y a des gens qui m’écoutent au milieu d’artistes purement rap. De voir qu’ils kiffent des morceaux comme “Alerte” ou “Panthéon“, c’est assez surprenant, et ça fait plaisir. Je ressens vraiment une ouverture par rapport à ça, les gens se permettent d’écouter tout style de musique. 

iHH : Ça te conforte dans ton choix de te placer en tant qu’artiste hybride je suppose ?

Bien sûr, parce que le fait de ne pas me mettre dans une case c’est positif. Mais en même temps ça met vachement de pression, parce que quand je crée des sons j’ai peur que le public n’accroche pas, je me crée moi-même des doutes par rapport à ça alors qu’il n’y a pas à le faire parce que si les personnes me suivent c’est qu’elles aiment ce que je fais dans la globalité.

iHH : Est-ce-qu’il y a des genres musicaux auxquels tu n’as jamais osé te frotter ? 

Non, en vrai non. Si un genre me faisait flipper, c’était le rap. Je ne me considère pas comme rappeuse, mais les gens me considèrent comme telle, donc ça m’a levé une petite pression je dois l’avouer !

iHH : La manière dont tu as été mise en lumière a aussi fait que tu as été sujette aux critiques. Comment est-ce-qu’on le perçoit en tant que jeune artiste ? 

Il y a des moments où j’ai un peu de mal, je suis très anxieuse et je fais gaffe à l’image que je renvoie. Je suis à l’affût de ce qui se dit sur moi, et au début j’avais une fâcheuse tendance à me concentrer sur les commentaires négatifs. Une critique constructive, OK, je l’accepte, mais une critique juste méchante, non. Je ne comprends pas ce principe-là. Maintenant je suis vraiment plus détachée de ça, si des gens n’aiment pas pas de soucis, je ne cherche pas à plaire à tout le monde. Il y a de gens qui n’aiment pas ce que je fais, je parviens à m’en détacher et à ne plus trop le prendre à cœur. 

iHH : Bon et maintenant, c’est quoi la suite pour toi ?

Déjà “Été” sort ce vendredi, ensuite il y a “Automne” et “Hiver” qui arrivent dans l’année. On veut aussi faire des dates de concerts quand ce sera possible, et il y aura des clips, des trucs que j’ai toujours voulu faire et qui montrent mon délire. 


Écoutez l’EP “Été” de Tessæ juste ici :