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Plongée dans les expérimentations engagées de BarbuSage

BarbuSage - © DR

BarbuSage n’a, à l’heure actuelle, dévoilé que les prémices de son rap. Influencé aussi bien par le hip-hop que par le rock ou l’electro, il ne se fixe aucune limite musicale et dévoile, avec pudeur, de très grandes ambitions. Nous avons rencontré un trublion du hip-hop, bercé au boom bap, qui met un point d’honneur à véhiculer un propos dans son rap. Vous êtes au prévenus, il faudra compter sur lui.

Interview : Dorian Lacour

iHH : Salut BarbuSage, dans un premier temps est-ce-que tu pourrais te présenter, pour ceux qui n’ont pas encore entendu parler de toi ? 

Je suis dans le Nord, mais je suis normand en fait, et j’ai commencé à me mettre sérieusement au rap en 2019. J’ai sorti “Azul” en septembre 2019. Fin 2020, j’ai sorti un single qui s’appelle “Par l’humour ou par la mort“. Là j’ai pu clipper mon morceau “Les bicots sont dans la place“, qui est en fait la première chanson que j’ai sortie. C’est disponible !

iHH : Qu’est-ce-qui t’a décidé à passer à l’étape supérieure, et à vraiment te mettre au rap à 100% ? 

Alors, pour commencer je suis mélomane depuis le début des années 2000. Mon premier coup de cœur c’était le rap, et après j’ai atterri dans le rock, dès 2005. Ce qui m’a poussé à faire du rap c’est que c’est un genre musical que j’adore depuis toujours, que j’écoute énormément. À un moment je me suis dit, “pourquoi pas moi ?” J’ai enregistré deux morceaux, et même si c’était pas les trucs les plus fous, ça se tenait, c’était très correct. Donc j’ai continué, en peaufinant quelques trucs. 

iHH : Tu viens du Nord de la France, une scène qui est souvent dépeinte comme une bonne élève du rap français. Plusieurs artistes importants sont sortis de là-bas. Toi, quel regard portes-tu sur ça ? 

Forcément ça me plait, ça fait plaisir de se dire qu’il n’y a pas que Paris et Marseille. On peut commencer à se dire que le Nord pèse. Il faut que ça continue, peu importe le département. Ça m’a l’air plus diffus, ils sont plus régionalistes ici, on ne représente pas vraiment une ville. Pour moi, on verra dans le futur. Si je rentre dans ce cercle, que j’ai des connexions, je les accepterai avec grand plaisir. Aussi pourquoi pas me connecter avec artistes normands, Médine, Rilès, Alivor… C’est du très sérieux la scène là-bas aussi.

iHH : Tu n’a pas encore dévoilé beaucoup de morceaux, mais ton rap se veut profondément engagé. Tu es d’origine algérienne, et c’est quelque chose qui revient souvent dans tes textes. C’est essentiel pour toi, de transmettre des messages dans ta musique ? 

Pour moi, il faut que la musique ait un message, je fais partie de cette école. La musique qui ne dit pas grand chose n’a pour moi pas beaucoup d’intérêt. J’attends pas forcément un message politisé des artistes, ça peut être personnel aussi, mais il faut avoir un message. L’engagement sociétal et politique ce n’est pas non plus mon fonds de commerce, mais c’est vrai que j’aime parler de ces sujets-là. Je me vois mal faire un banger egotrip. Les gars qui font ça savent très bien le faire, mais leur chanson ne dit pas grand chose au final, donc ça m’intéresse moins.  

BarbuSage – © DR

iHH : Pour parler de ton morceau “Les bicots sont dans la place”, dont le clip est sorti le 31 mars, qu’est-ce-que tu voulais dire avec ce titre ?

Un ras-le-bol, sur ces choses qu’on peut entendre dans les médias, et même dans la vie, comme si les enfants ou petits-enfants d’immigrés étaient responsables de quelque chose. Ces gens-là sont comme tout le monde, ils ne sont pas fautifs, je ne vois pas pourquoi on s’en sert de boucs émissaires. Quand j’entends ça, je pense à ma famille, on est pas des criminels en fait, donc ça m’embête. Ce morceau, c’est aussi un petit questionnement sur à quoi être bon être accepté, parce qu’apparement on ne le sera jamais… Il faut admettre que les gens issus de l’immigration font pleinement partie de la France. Si tu es une mauvaise personne, c’est comme ça, c’est pas une question d’origine. Le racisme je ne l’ai pas vécu de plein fouet, mais ma famille, mon père et mon grand-père, complètement. Encore aujourd’hui je le ressens. C’est des trucs gratuits, des petites remarques, des gens que t’apprécies qui te sortent des dingueries.

iHH : C’est une idée que tu soulignes dans ton morceau “D’Afrique et d’ailleurs”, quand tu dis “On débarque d’Afrique et d’ailleurs, t’es venu nous chercher alors viens pas la ramener”… 

Si on suit certaines personnes, les problèmes de la France viennent des immigrés et des enfants d’immigrés. Je te prends l’exemple de l’Algérie, mais quand les colons sont arrivés ils ont pris énormément de terres. Alors les algériens ont du bouger pour trouver du travail, d’abord sur Alger, et ensuite en France. Il faut prendre conscience de ce qu’il s’est passé dans l’histoire avant de porter un jugement.

iHH : Comment est-ce-que tu définirais ton rap ? On sent des inspirations du boom bap, mais c’est plus particulier que ça à mon sens… 

Le rap qui me touche, à la base, c’est le boom bap. J’avais envie de commencer ma carrière par ça, mais je ne m’enferme pas en effet. Dans la trap ou la drill il y a des super sonorités. Du moment que la prod° me plait, je la prends. Effectivement je suis attaché au boom bap, mais je veux proposer quelque chose de plus large que ça. Je suis ouvert à tout, même inclure des influences electro, d’artistes comme Kavinsky, Gesaffelstein ou les Daft Punk, que j’aime beaucoup. Des influences pop aussi, pour des refrains plus catchy, et du rock, parce que c’est une musique que j’adore. Je pense qu’à l’avenir il y aura des prod° carrément rock, c’est totalement envisageable, ça va se faire. Il y aura peut-être même à un moment un petit solo de guitare, parce qu’à titre personnel je fais de la guitare, et ça va, je pense et j’espère, donner une musique plutôt riche. 

iHH : Le clip de “Les bicots sont dans la place” sera ton premier, et c’est toi qui l’a réalisé. Qu’est-ce-que ça t’apporte de réaliser toi-même les clips de tes morceaux ? 

Ça m’apporte un contrôle sur la chose finie, si tu délègues trop tu es pas sûr de l’image que ça va renvoyer. Au niveau artistique, je suis quelqu’un de curieux, j’aime faire un peu de tout. Je fais mon storyboard, je fais du cadrage, bien sûr j’ai ma petite équipe avec moi qui m’aide énormément, mais je touche à tout. Je fais aussi bien de la musique qu’un peu de vidéo ou de graphisme. J’ai un œil sur tout, je peux collaborer avec des gens, mais j’ai toujours le dernier mot. Si je veux, je peux quasiment tout faire seul, si on me lâche au dernier moment un jour, je peux me débrouiller en fait. Pour la réalisation, j’envisage de faire appel à des gens extérieurs par la suite. Ce n’est pas quelque chose auquel je ferme la porte. Parce que je me débrouille, mais je suis pas non plus Spielberg. À un moment, il faut savoir laisser les gens qui sont à fond là-dedans faire leur boulot, parce qu’ils peuvent vraiment t’amener une plus value.

iHH : Quelle place il a, pour toi, ce clip ? 

Il y a des choses importantes dans ce clip. C’est plutôt aéré, on a un pont à Rouen, pour proposer quelque chose qui change un peu, que pas forcément beaucoup de monde ne connait. C’est quelque chose d’épuré. Les clips actuels sont très rapides, tu n’as pas le temps d’apprécier l’image, les plans, les gestuelles. Dans mon découpage, c’est plus lent, et c’est ça ma patte. Il y a aussi pas mal de références dans la mise en scène, ça lui ajoute un intérêt. C’est un clip très important, c’est la base de BarbuSage.

iHH : J’ai l’impression que, même si ta carrière n’en est qu’à ses prémices, tu as déjà un plan de route bien établi pour la suite. Je me trompe ? 

Tu ne te trompes pas, c’est ça. On a l’album qui arrive, des chansons, des clips, des singles sur les plateformes. On veut essayer de faire connaitre aux gens mon personnage. Comme ça, quand l’album sort, tu as déjà un petit groupe de personnes qui te suivent. Acquérir cette fanbase, c’est du temps, de l’investissement, de l’argent aussi. C’est un travail de longue haleine, mais en étant régulier et sans jamais lâcher, ça paye. Souvent je pense à Sofiane, qui a charbonné pendant très longtemps avant d’exploser. Je me dis que je ferais peut-être comme lui.

iHH : Alors c’est quoi ton ambition, dans le rap ? 

Déjà je veux finir l’album, développer une petite audience, avoir des retours, ça c’est le minimum. Évidemment ensuite je veux aller plus loin, faire grandir la famille de gens qui peuvent m’apprécier. Après ce sera le deuxième album, puis le troisième… J’ai envie de te dire que dans 10-15 ans je suis encore là. La musique c’est ma vie, si je peux m’engouffrer dedans, je le ferais. Aussi, je veux faire des concerts, si un jour on peut. Le kiff ce serait de tourner dans toute la France, voire même en Europe.

iHH : Parle-moi aussi de ton rapport à l’electro…

Ce sont des sonorités qui me parlent beaucoup, que j’adore, et qui ne sont pas toujours grand public, à l’exception des singles type Fun Radio. J’ai envie de faire des trucs un peu plus granuleux, comme “Par l’humour ou par la mort”. Ce ne sont pas des chansons qui rencontreront un grand succès commercial, mais je kiffe faire ça, à-côté des chansons calibrées rap. Je le fais pour moi, parce que j’ai envie de créer des chansons comme ça, l’electro c’est un genre que j’aime et que j’ai envie de m’approprier. Je ne fais pas de prod°, j’ai déjà composé mes chansons, mais à l’ancienne. Ce n’est pas exclu que j’en fasse bientôt, je me suis acheté FruityLoops il y a quelques temps. Sur un album de 10 chansons, il pourrait y en avoir une faite par moi, mais je ne suis pas pro, donc je vais laisser faire les pros. Ça donnera un meilleur mélange.

iHH : Tu aimerais démocratiser le mélange electro-rap en France ? 

Je me suis déjà posé la question, et je me suis dit que sur un album j’aimerais explorer des sonorités electro oui. Je pense à Laylow, il a fait ça très bien avant moi, donc ça m’embête un peu, les gens pourraient penser que je fais comme lui parce que ça a marché. Mais ce n’est pas le cas, j’aimerais bien avoir un son frais, avec de l’electro. Là j’ai une prod° avec une guitare flamenco sur le refrain, et ça se marie bien avec un couplet electro club. Sur le refrain ça redescend, avec un riff un peu à la Gipsy Kings, vraiment c’est lourd. Mais mon discours ne sera pas le même que d’autres morceaux club, il ne sera pas aussi léger. Tu peux vraiment te servir de ce genre de prod° pour kicker de façon énervée.

BarbuSage – © DR

iHH : Il y a aussi quelque chose d’assez cool, c’est que tu as une playlist qu’on peut retrouver sur Spotify, avec une douzaine de titres que tu apprécies tout particulièrement. Ça va de Freeze Corleone à Julien Doré, en passant par Gesaffelstein ou Michel. Comment t’est venue cette idée ?

Par pure passion, j’avais envie de proposer de l’éclectisme. Avec BarbuSage, je vais capter des gens du rap, mais qui ne sont pas forcément fermés aux autres genres musicaux. L’idée c’est d’ouvrir mon public, pour peut-être emmener certains à se dire qu’en fait Julien Doré ou Gesaffelstein, c’est pas si mal. C’est mes goûts musicaux, et c’est ce qui compose ma musique. Julien Doré a plein de balades mélancoliques, des vibes dans lesquelles je peux me retrouver. J’adore Michel, sa musique ce n’est pas quelque chose que je ferais, mais j’adore vraiment. Je sais pas si un jour on va se connecter, mais ce serait cool. C’est un gars que j’apprécie et je me dis que rien n’est impossible. Quand tu vois Fianso et Vald faire “Dragon“, tout est possible !

iHH : Justement, en parlant des artistes que tu aimes, tu pourrais me citer quelques uns de ceux qui t’inspirent ? 

Médine forcément, Kery James, Orelsan aussi, c’est lui qui m’a remis dans le rap. Je pense à Fianso évidemment, Vald j’aime vraiment bien aussi. En sortant du rap, on vient d’en parler mais Julien Doré quand même, quand il raconte des choses tristes à sa façon, j’aime vraiment beaucoup. Dans l’electro, je pourrais te citer Gesaffelstein que j’admire vraiment. De base j’aime beaucoup le metal, alors forcément je dois parler de Korn et de Slipknot.

iHH : Le clip de “Les bicots sont dans la place” est donc sorti le 31 mars. Tu as d’autres projets sur le feu ? 

Pour les mois à venir, on a plusieurs chansons qui vont sortir accompagnées d’un clip. Pour 2022, si tout va bien, c’est l’album, et en fonction des conditions sanitaires, les concerts devraient commencer. J’ai déjà préparé ma setlist, j’aimerais vraiment défendre le truc en live. Ensuite on va enchainer, faire des clips de mieux en mieux. J’adore le premier, il n’a pas de prétention mais c’est les bases de mon univers. L’idée c’est de faire toujours mieux pour attirer de plus en plus de personnes.


Pour écouter d’avantage de BarbuSage, c’est ici :