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LA NUiT DE LA RUE, solidarité solaire du RAP avec la FONDATiON ABBÉ PiERRE

A l’initiative de la Fondation Abbé Pierre, les 15 et 16 décembre, au Bataclan, huit figures du hip-hop offrent leurs rimes pour perpétuer la mémoire du combat que mena sans répit l’abbé Pierre. Le 15 décembre, pleins feux sur Hatik, Ronisia, Soso Maness et la rappeuse française d’origine ivoirienne Le Juiice. Puis, le 16 décembre, place à Doria, Black M, la rappeuse franco-gabonaise Vicky R et Fianso, parrain de la Fondation Abbé Pierre. La rappeuse et chanteuse Doria et Yves Colin, directeur de la communication de la Fondation Abbé Pierre, présentent, à iHH MAGAZiNE, la première édition de LA NUiT DE LA RUE.

https://www.livenation.fr/festival/la-nuit-de-la-rue-fondation-abbe-pierre-tickets

Ces deux soirées de lancement du festival, qui se déroulent au soleil du rap et de la solidarité, entrent pleinement en résonance avec la lutte de l’abbé Pierre (1912-2007), dont ont retenti, jusqu’à sa mort, les coups de gueule contre la misère, contre les injustices et contre l’indifférence à celles-ci. En 1996, l’Abbé Pierre me confiait : “Quand j’ai fondé Emmaüs en 1949, je me suis endetté pour acheter du terrain et des matériaux, afin de mettre à l’abri des familles. Nous avons commencé à bâtir des logements, mais sans permis de construire. Quand la police débarquait, je lui expliquais que ces logements permettaient à des familles démunies d’avoir un toit, même modeste. Et j’ajoutais : Je n’ai pas de permis de construire, mais voici l’acte de naissance de ces personnes, c’est leur permis de vivre !

Aujourd’hui, la Fondation Abbé Pierre poursuit le combat de l’infatigable insurgé, avec une énergie et une ouverture d’esprit comparables à celles qui animaient l’ancien résistant. Elle peut être fière de dépendre quasi exclusivement de la générosité publique – des dons de particuliers, pour l’essentiel. Elle finance un réseau de 450 à 600 associations qui ont pour mission de conduire des opérations contre le mal-logement – rénovation ou construction de logements, pensions de famille, etc. Elle intervient aussi sur le plan international, dans des zones marquées par la guerre, comme en Syrie. L’osmose entre la Fondation Abbé Pierre et des artistes de rap s’est effectuée naturellement. Yves Colin et Doria nous confient leur réflexion.

Photo : © David Delaplace

iHH : Que signifie pour vous, Doria, le fait de participer à la Nuit de la Rue ?

DORiA : D’abord, je veux dire combien je suis heureuse, honorée, d’y prendre part. Et ravie qu’autant de rappeurs et rappeuses se mettent au service de cette cause. Fianso prend le temps d’apporter sa pierre, bien qu’il soit débordé de travail. Il est très attaché à la valeur de solidarité défendue par la Fondation Abbé Pierre et par le riche tissu associatif auquel cette dernière contribue. Pour moi, il est naturel que des artistes hip hop se sentent concernés par les combats de la Fondation Abbé Pierre. Contrairement à ce qui est parfois raconté, les rappeurs, dans l’ensemble, ne sont pas nombrilistes, mais ouverts et sensibles à la souffrance d’autrui. Soutenir la lutte contre le mal-logement, ça nous concerne toutes et tous.

« La Fondation Abbé Pierre se sent concernée par le rap qui, dès sa genèse, a porté des revendications »

iHH : Yves, comment est venue l’idée de la Nuit de la Rue avec des artistes de rap ?

YVES COLiN : Cette initiative prolonge l’opération de sensibilisation, Abbé Road, que nous avons lancée en 2014 auprès des jeunes publics. Abbé Road consiste en une tournée dans les grands festivals musicaux de l’été, en vue de sensibiliser les jeunes aux problèmes du mal-logement et aux moyens à déployer pour les en préserver. En 5 ans, nous avons rencontré plus de 80.000 personnes, dont une majorité de jeunes. Cette tournée se termine chaque fois le 17 octobre (Journée mondiale du refus de la misère) par un grand concert de rap. C’est aussi l’occasion de dresser un bilan en direction du public et de la presse, et de distribuer le “Guide du Logement des Jeunes”. La 3e édition du guide sera disponible ce week-end, lors de la Nuit de la Rue.

Dès le premier jour, nous avons pensé que les acteurs des cultures urbaines, dont un bon nombre provient de quartiers déshérités, savent mieux que quiconque ce que sont le mal-logement et ses conséquences. Nous nous sentons concernés par le rap, qui, dès sa genèse, a porté des revendications. Nous sommes intéressés par les rappeurs, dans le sens où ils véhiculent une parole politique – non pas dans le sens partisan du terme, mais comme expression d’une vision de la société. Dans leur immense majorité, ils savent ce que sont que la discrimination, la difficulté à boucler les fins de mois… Et ils sont les artistes les plus connus auprès de la jeunesse. En définitive, nous nous adressons au même public. C’est ainsi qu’en 2023, la Fondation Abbé Pierre a décidé de mettre sur pied la première édition de son festival La Nuit de la Rue.

iHH : Comment FiANSO est-il devenu parrain de la Fondation Abbé Pierre ?

YVES COLiN : En 2019, nous lui avions donné carte blanche, à l’Olympia, où il avait invité des artistes de son label Les Affranchis. Fianso est un acteur important du rap. Il s’exprime remarquablement bien et développe un discours politique qui nous touche.

Vidéo : Vald et Fianso, rappeurs solidaires avec la Fondation Abbé Pierre, 2019

iHH : Et pour vous, Doria, que représente Fianso ?

DORiA : C’est la première personne que j’ai rencontrée dans le milieu professionnel du rap. Lorsqu’il m’a invitée à faire un freestyle dans “Rentre Dans Le Cercle”, l’émission web qu’il produisait et présentait, il m’a dit, avec bienveillance : “Il faudrait qu’on se revoie à d’autres occasions”. Par la suite, nous nous sommes effectivement revus, que ce soit en studio ou lors de certains événements. Je le considère comme un grand frère.

Vidéo : Doria, freestyle dans l’émission “Rentre Dans Le Cercle

iHH : Parmi les autres artistes des 15 et 16 décembre, y en a-t-il qui ont joué un rôle dans votre parcours ?

DORiA : Je connais bien Hatik. Plus proche de moi en âge, il est également comme un frère pour moi. Nous nous sommes rencontrés, alors qu’il n’avait pas encore démarré dans la série “Validé”. De mon côté, j’avais seulement publié des vidéos sur les réseaux sociaux. Il y a un certain parallélisme dans nos carrières. Nous avons travaillé ensemble, il a fait un featuring avec moi sur le morceau “Valhalla”.

Quant à Soso Maness, il incarne Marseille, l’intelligence des quartiers. J’aime la façon dont il s’exprime en interview et dont il représente les quartiers sans tomber dans la caricature. J’apprécie énormément Le Juiice, aussi. Nous avons fait des séances studio et participé à des événements ensemble. J’apprécie son franc-parler, son côté “trash talk”. Elle s’assume en tant que femme. Et ça, c’est respectable, car, dans presque toutes les sphères de la société, ce n’est pas facile de faire sa place en tant que femme.

Clip de Doria feat. Hatik : “Valhalla

iHH : Que signifie pour vous, Yves, le choix du Bataclan ?

YVES COLiN : Le Bataclan apporte un supplément de cette humanité qu’il faut continuer à faire vibrer partout et en particulier dans ce lieu. En outre, le “Bata” a joué un rôle dans l’histoire du hip-hop. S’y sont déroulés, au début des années 1980, les premiers événements hip-hop, les premières battles, la première tournée de hip-hop américain en France…

« La Nuit de la Rue, festival en soutien à la Fondation avec des rappeurs à l’affiche, l’abbé Pierre aurait adoré ça ! »

iHH : Comment avez-vous perçu l’incorporation, par Nekfeu dans un de ses titres, d’un extrait de discours de l’abbé Pierre ?

YVES COLiN : Formidable ! En intégrant le discours presque in extenso dans son morceau “Nique Les Clones Pt. II”, Nekfeu en a probablement fait plus qu’on ne fera jamais pour la mémoire de l’abbé Pierre auprès de la jeunesse. Grâce à lui, une grande partie des nouvelles générations connaît ce discours de l’abbé Pierre.

iHH : L’abbé Pierre est resté, jusqu’au bout, un être révolté, qui, aux antipodes de la langue de bois, dénonçait les injustices. Dans “Nique Les Clones Pt. II”, on l’entend déclarer, en direction des nantis qui n’agissent pas : “Les premiers violents, les provocateurs de toute violence, c’est vous (…) Au regard de Dieu, vous avez probablement plus de sang sur vos mains d’inconscients que n’en aura jamais le désespéré qui a pris des armes pour essayer de sortir de son désespoir”. Une belle audace !

YVES COLiN : Oui, la sensibilité de l’abbé Pierre à la misère et au malheur d’autrui ne s’est jamais émoussée. Jusqu’au bout, il est resté aux côtés des personnes en situation de précarité. Il ne cédait ni aux préjugés, ni aux pressions. Laurent Desmard, ancien secrétaire particulier de l’abbé Pierre et président d’honneur de la Fondation, a dit : “La Nuit de la Rue, festival en soutien à la Fondation avec des rappeurs à l’affiche, l’abbé Pierre aurait adoré ça !

Le discours de l’abbé Pierre repris dans “Nique Les Clones, Pt. II” de Nekfeu

iHH : Doria, un dernier mot, pour la route ?

DORiA : La lutte de l’Abbé Pierre et, aujourd’hui, de la Fondation, est encore terriblement actuelle. Tous les artistes qui se produisent ce week-end au Bataclan et, j’en suis sûre, la majeure partie des artistes hip-hop se reconnaissent dans ce que l’Abbé Pierre dénonçait, ainsi que dans sa façon de parler sans prendre de pincettes, comme beaucoup d’entre nous, artistes de rap, le faisons.

De nos jours, nous faisons face à une énorme crise du logement. Nous connaissons tous des gens qui, même quand ils ont un travail, se heurtent à des problèmes de logement ou se retrouvent dans des habitats insalubres. Je suis très émue de participer à la Nuit de la Rue et de contribuer, modestement, à répandre son message.

Propos recueillis par FARA C.

INFORMATIONS PRATIQUES

@fondationabbepierre

#NuitDeLaRue

Vendredi 15 et samedi 16 décembre 2023, au Bataclan, La Nuit de la Rue, première édition du festival organisé par la Fondation Abbé Pierre.

Ouverture des portes : vendredi à 19 heures 30 et samedi à 18 heures 30 ; fin des concerts à 22 heures 30.

https://www.fondation-abbe-pierre.fr/actualites/la-fondation-presente-la-nuit-de-la-rue

Notamment, pass 2 jours : assis 64,80 € ; debout 45 € :

https://www.bataclan.fr/evenement/la-nuit-de-la-rue-pass-2-jours_2023-12-15

15 DÉCEMBRE : HATIK, RONISIA, SOSO MANESS, LE JUIICE
16 DÉCEMBRE : FIANSO, DORIA, BLACK M, VICKY R

La 3e édition du “Guide du Logement des Jeunes” est téléchargeable gratuitement sur https://lanuitdelarue.fr/le-guide-du-logement-des-jeunes/

Doria présentera son deuxième album (“Petite fille”), le 23 février 2024, à la Maroquinerie

@doriado_do