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Kalu : La force tranquille en indépendant !

Kalu - © DR

Les indépendants dessinent toujours les contours du Rap Français, à force de sorties, d’idées et de convictions qui finissent toujours par devenir mainstream. Kalu fait sa route en indé, avec passion et conviction, il s’offre un destin dans la musique et un nouveau projet sorti il y a quelques semaines. Les lyrics sont forts, conscients et engagés. Retour avec lui sur ce nouvel album “Général Invaincu” et sa ligne de conduite.

Interview : La Rédaction

iHH : Première chose, peux-tu te présenter ?

Je viens du 94 et je vis depuis quelques années dans le 92. Je rap depuis 8 ans maintenant, j’ai commencé à écrire en 2012. J’ai pu sortir plusieurs projets : « Massacre Verbal », mixtape que j’ai taffée avec mon groupe Kalu & Ded Mic en 2015 ; « Soldat Inconnu » mon premier album solo sortie en 2018 et là, sorti dernièrement, un second album « Général Invaincu », mon plus gros projet jusqu’à maintenant. 

Je tente toujours de faire primer le fond à la forme. On peut me voir sur une prod° boom-bap aujourd’hui et me voir sur de la Drill demain, je n’ai pas de limite sur la forme tant que le fond y est c’est bon pour moi. 

iHH : À’écoute des premiers titres diffusés, l’engagement ne se fait pas attendre. Tu tailles dans le vif du sujet sur “Délinquants Politiques”, tu lances une alarme sur le titre “Terre”… Comment débutes-tu dans le rap pour en arriver là ? Quel est ton parcours ?

C’est simple en fait, j’ai toujours retranscrit dans mes textes ce que j’avais sur le cœur et dans la tête. De base, je suis quelqu’un qui observe et cherche beaucoup, j’essaye toujours d’être dans la réflexion et pas juste de gober ce qu’on me donne comme infos. Là, ce sont des sujets qui me touchent et j’utilise juste le rap comme un moyen d’en parler, de partager ça aux gens. 

Mais je n’ai jamais fait le choix de faire du rap dit « conscient » ou « engagé », ça s’est fait naturellement. Pour moi, c’est juste normal : si tu fais du rap c’est pour raconter des choses. Si tu n’as rien à raconter, fais autre chose, il y a plein d’autres styles de musique. Si en plus de faire kiffer les gens, tu peux aussi faire passer des messages importants qui peuvent, peut-être, faire changer certaines mentalités, il faut le faire. Pour moi, c’est un des grands pouvoirs de la musique et de l’art plus largement. 

iHH : Là où tout une partie du rap français fait dans la trivialité et la surenchère, tu montes au créneau pour mettre les problématiques au banc des accusés. Quel message souhaiterais-tu passer principalement? Ton leitmotiv est courageux.

Le message que je tente de faire passer, c’est qu’il faut toujours être dans la réflexion, ne pas prendre tout ce qu’on nous donne comme acquis. Il faut se battre, avec les moyens qu’on a, pour les sujets qui nous touchent. C’est en prenant des risques et en affrontant les problèmes avec courage que les choses peuvent changer. 

iHH : Tu sembles plus enclin à écouter du Kery James, La Rumeur, que beaucoup de choses actuelles. Le terrain rap français n’est pas toujours propice à la réflexion, loin de là… Tu te poses en héritier du rap conscient, ou des rappeurs à plumes comme Flynt par exemple ?

J’ai énormément de respect pour ces artistes et je n’aurais jamais la prétention de m’afficher en héritier. Mais ce qui est sûr, c’est que je continuerai toujours dans cette voie, celle de l’écriture et du fond. Tu ne me verras jamais modifier mes textes pour passer en bar à chicha ou en playlist, ça ne m’intéresse pas. 

iHH : Par ailleurs, concernant ton propos sur “Guerriers Oubliés”, ton dernier clip en date, il faut bien écouter pour voir où tu veux en venir. Dans un rap qui régresse bien souvent, ne penses-tu pas que le public puisse mettre du temps à comprendre ton propos ?

Si, bien-sûr, et justement c’est ça qui m’intéresse. La réflexion. Médine disait dans « Grand Médine »: « J’fais pas de rap pour qu’on l’écoute, j’fais du rap pour qu’on le réécoute ». Il a tout dit pour moi. 

Kalu – © D.R.

iHH : Tu échanges avec Melan sur le titre “Sur Le Front” dans lequel tu dresses un portrait au vitriol des amateurs du rap qui cherchent à se faire un billet pour un feat. Penses-tu que les rappeurs soient de moins en moins solidaires ou ce constat n’est que ponctuel ?

Nan, je ne pense pas que ce soit ponctuel, certains rappeurs sont solidaires et d’autres ne le sont pas, c’est comme ça partout, comme dans la vie. Tout n’est pas tout bleu ou tout rose, c’est normal et c’est pareil dans le rap. Demander un billet pour un feat, ça a toujours existé et c’est normal dans certains cas. Moi, ça ne me choque pas qu’un gros artiste demande un billet à un plus petit. C’est normal, il apporte de la force à un projet, et l’autre en bénéficie, c’est donnant-donnant.

Ce qui est dommage par contre, c’est le manque de respect de certains. Demander un billet alors que tu n’as rien fait dans le rap, que tu as juste les chiffres et pas de niveau, ou encore ne pas répondre à une demande de featuring sincère et respectueuse, ça pour moi ce n’est pas acceptable. J’ai été déçu par pas mal de mecs que je ne pensais pas comme ça.

Mais rien de choquant, c’est la vie, il y a des gens comme ça partout. 

iHH : Le champ lexical militaire – ainsi que ta cover d’album – est très présent sur ce projet comme c’était déjà le cas précédemment. Pourquoi ce choix esthétique martial autour de ta musique ?

Ce choix s’est fait très tôt en fait et il y a beaucoup de raisons. Depuis le début, je prends le rap comme un combat. Aussi bien contre moi-même que contre les sujets qu’on a évoqués tout à l’heure par exemple. 

Contre moi-même déjà parce que de base, l’adversité ça me booste, je tente toujours de repousser mes limites. Mon morceau « Général » de plus de 8 minutes en est un bon exemple. Je voulais me surpasser, c’était un travail d’endurance, de cardio, ce n’était pas facile mais j’ai réussi au final, et je pense que ça m’a renforcé. Dans ma vie plus largement, je tente toujours de prendre le mal, toutes les choses négatives qui m’arrivent comme un combat positif qui me renforcera. Je le dis d’ailleurs dans « Général » : « j’prends soucis et galères comme renforcement furtif ». C’est ma façon de penser.

Et il y a aussi le fait que je bosse en autoproduction : je suis mon propre producteur, je dois tout faire seul, je bosse pour financer mes projets moi-même et je t’avoue que ce n’est pas toujours facile. C’est une difficulté supplémentaire que je prends comme un combat positif, nécessaire pour avancer. 

Il y a aussi le combat que je mène sur tout un tas de sujets que j’aborde dans mes sons. À chaque fois que je suis devant ma feuille pour écrire, c’est un combat qui commence. Je dois être le plus incisif et impitoyable possible pour illustrer mes propos. Le politiquement correct, ça ne m’intéresse pas. Je prends chaque morceau comme un combat.

Je suis aussi un grand passionné d’Histoire, je peux passer des heures à regarder des vidéos explicatives sur des stratégies militaires ou sur Malcom X (pour moi c’était vrai un soldat, mort pour son combat) par exemple. Mais j’ai, de base, énormément de respect pour les militaires : toute une partie de ma famille a servi, c’est une grande fierté. C’était une façon pour moi de leur rendre hommage et à tous ceux qui ont eu le courage de prendre les armes.

D’ailleurs, je reçois pas mal de messages de militaires qui me remercient pour mon taf. Ça fait grave plaisir !

iHH : Durant cette période compliquée, quel rôle penses-tu que la musique doive avoir ? Penses-tu et espères-tu pouvoir défendre ce projet sur scène?

C’est compliqué en ce moment, c’est clair. Je pense que la musique doit apporter encore plus aux gens en ce moment. Que ce soit pour du divertissement, de la réflexion ou autre, peu importe. Les gens sont en manque de culture, ça se sent. À nous de répondre à la demande digitalement.

Pour répondre à ta seconde question, oui, j’aimerais défendre ce projet en live. Mais je suis lucide et conscient de certaines choses donc je préfères attendre le bon moment pour retrouver la scène, c’est pas ma priorité pour le moment. 

iHH : On ressort de ton projet avec une vision assez sombre des choses, et que l’humain a encore beaucoup à faire. Finalement ne penses-tu pas t’adresser à un autre public que celui du rap ?

Si, clairement ! Un morceau comme « Terre » s’adresse à tout le monde par exemple. Mon but c’est de toucher le plus largement possible évidemment et d’éveiller un maximum de consciences. Mais aujourd’hui mon public est très rap et ça, j’en suis déjà grave fier !

iHH : Nous savons que les carrières sont longues à construire, comment tu penses à la suite ?

Mon seul but c’est d’avancer, de rassembler toujours plus de monde autour des valeurs qui me définissent et qui définissent ma musique. Ce qui est sûr, c’est que je continuerais dans cette lignée.


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