Dans un monde où les frontières sont toujours plus militarisées, où les services publics indispensables (de Radio France à la SNCF, en passant par les hôpitaux et l’Éducation nationale pour ne citer que des exemples français) sont sabotés puis dépecés pour les livrer à des intérêts privés, où le racisme dans sa plus vulgaire expression est distillé consciencieusement depuis les plus hautes sphères d’États en totale décadence autoritaire, où l’on culpabilise les plus fragiles pour continuer à nourrir les indécentes fortunes des plus cupides et où l’on préfère réprimer et enfermer à tour de bras tous ceux qui ont l’audace de lutter pour des changement sociaux radicaux, le hip-hop continue à offrir un visage étonnamment fraternel et bigarré. Alors certes, pour ne puiser que dans le copieux sommaire de ce numéro 8, si l’on met côte-à-côte OrelSan, Kool G. Rap, Triplego, le Suprême NTM, les $uicideboy$, Kaaris, Chilla, Joe Lucazz et Hornet La Frappe, difficile d’en dégager la cohérence stérile de styles figés et moribonds tels que la country ou le rock FM. Tel un buvard géant, le style musical numéro 1 au monde absorbe, mixe, déstructure, réinvente toutes les influences qui passent par les cerveaux, les tripes et les machines de ses activistes. C’est désormais acquis par tous ses acteurs et fins connaisseurs, le rap est polymorphe, transformiste, contradictoire, imprévisible ; commercial ou confidentiel, trivial ou sophistiqué, traditionaliste ou iconoclaste, militant ou superficiel ; composé de dizaines de nuances plus ou moins subtiles, plus ou moins étanches entre elles, indépendantes ou directement inféodés aux multinationales du disque. Qu’importe, ce sont justement ces différences qui s’additionnent si paradoxalement qui font sa force.
Fidèle à son leitmotiv, iHH
Qu’importe que les codes du hip-hop soient récupérés par un troupeau d’opportunistes souhaitant tirer profit de sa phénoménale popularité, comme pour le blues, le jazz, le rock, la funk, le punk ou la house avant lui, ne passeront le test du temps que les meilleurs. Et comme d’habitude, c’est dans les pages de iHH
TEXTE : YANN CHERRUAULT – PHOTO : PUTSH.ONE