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IHH INTERVIEW : SIMIA

Pour son premier EP “Spécial“, le rappeur parisien Simia, vainqueur 2017 du Buzz Booster Île-de-France en compagnie de DJ Manguini, a cherché à réaliser un projet qui le définit bien. C’est un projet sur lequel il travaille depuis plus d’un an, pour un rendu dont il est particulièrement fier.

Interview : GAB MORRISON
Photos : MELIE HIRTZ

“C’est un projet que j’ai vraiment fait à l’instinct”

iHH Magazine : Pour commencer, peux-tu parler de ton EP “Spécial” ?

Simia : C’est mon premier projet. C’est un EP de 8 titres, ça fait gros pour un premier EP, mais c’est un projet que j’ai bossé sur 2 ans. J’ai décidé de vraiment me lancer sur un premier projet à partir de la victoire au Buzz Booster en décembre 2017. J’ai fait cet EP parce que je me suis dis : “Bon, là y a des trucs qui peuvent se mettre en place”. J’ai eu envie de produire un projet dont je suis fier plutôt que de me lancer à moitié dedans. J’ai donc vraiment commencé à réfléchir à ce projet en décembre 2017 et j’ai commencé à écrire quelques mois après. Le premier morceau a été écrit en mars 2018. C’est un projet que j’ai vraiment fait à l’instinct, et en invitant que des proches. Je n’ai travaillé avec aucune personne que je ne connaissais pas avant. C’est un projet qui parle beaucoup de ma vie, il est très introspectif. J’étais un peu dans une période bizarre à cette époque-là. J’étais entre le chômage, la fin des études, une rupture un peu compliquée avec mon ex… Je ne savais pas trop quoi faire de ma vie. Du coup, c’est un peu ce qui se ressent dans le projet. C’est un premier projet pour un peu faire le point dans ma vie. Il est sorti il y a quelques mois. Depuis, on a sorti trois clips qui en sont extraits : “Elle Fait La Fête“, “Spécial” et il y a une Live Session qui est sortie récemment. On a fait une release party il y a quelques semaines au 1999 et c’était complet.

iHH Magazine : Pourquoi avoir choisi d’appeler cet EP “Spécial” ?

Simia : Au début, je ne voulais pas l’appeler comme ça. Je n’étais pas très convaincu du premier titre. J’ai écrit un premier morceau qui s’appelle “Moteur“, qui est finalement le premier son du projet. Après avoir écrit deux ou trois autres morceaux, j’avais la prod de “Spécial” qui était dans mon ordinateur, et je ne savais pas trop quoi en faire. “Spécial” a été comme une illumination, ce mot définit vraiment ce que je cherchais à mettre en valeur dans ce projet et même ce que j’essaye de trouver dans ma vie. C’est un peu un leitmotiv, un vrai moteur, de se dire qu’on est spécial. Moi aussi je suis spécial, dans le sens où je suis particulier. Quand tu écoutes le projet, il n’y a pas forcément que du positif. “Spécial“, c’est aussi reconnaître tous les trucs que tu n’assumes pas forcément en toi. Pour moi, c’est d’avoir décidé d’abandonner tout ce que j’avais entrepris avant, c’est-à-dire les études. Je suis allé quand même jusqu’à la fin de mon cursus… Mais c’est un parcours spécial en fait, qu’il faut assumer. Je suis resté très longtemps avec une fille, on s’est séparé. Ce sont des trucs très personnels, ça ne parle pas forcément aux gens. Le mot “spécial” est général, tout le monde peut se retrouver dedans. Pour moi, c’est surtout un mot qui veut dire les bonnes choses que tu peux accomplir, et les choses que tu n’assumais pas forcément et qu’il va falloir mettre au clair dans ta vie. C’est ce qui se retrouve dans le projet, des morceaux comme “Point Mort” qui sont un peu comme des remises en question sur ma vie. Des morceaux comme “100 Fois” qui sont super intimes et très sensibles dans le propos. Ce sont des trucs que je n’entendais pas forcément dans la musique urbaine.

“Depuis petit, je suis un méga fan de rock”

iHH Magazine : Tu as aussi fait un son qui s’appelle “Ian Curtis” [le chanteur décédé du groupe anglais Joy Division – NDLR], pourquoi avoir fait un morceau à son effigie ?

Simia : En fait, moi, depuis petit, je suis un méga fan de rock, un gros rockeur. Quand j’étais plus jeune, je faisais plutôt du rock, j’ai même été batteur dans un groupe. Dans un groupe en carton ! Mes premières influences, c’était pas mal de rock. Surtout le rock des années 70-80 en Angleterre. Ian Curtis, c’était le chanteur du groupe Joy Division, qui est un super groupe de new wave, qui a un peu révolutionné le rock anglais selon moi. Je les ai beaucoup écoutés. Je me suis rendu compte que peu de gens connaissaient Joy Division, mais tout le monde portait leur t-shirt. Ils ont un logo que plein de gens connaissent, mais qui ne connaissent pas le groupe. C’était quelqu’un de très novateur. Il est mort à 23 ans. Il y a un truc très sombre en lui, d’avoir marqué la musique et d’être disparu très vite. Un peu à la 2Pac. Plutôt que de faire un morceau en référence à quelqu’un qu’on connaît déjà, j’ai préféré faire quelque chose de plus personnel dans ce projet. Il y a plein de gens qui reconnaissent et qui me disent : “Ah c’est chan-mé que tu parles de ça dans un morceau de rap !”. Et il y a aussi des gens qui découvrent grâce à ça. J’avais envie de marquer un peu l’originalité. J’ai aussi vu un film sur lui qui était incroyable, il s’appelle “Control“. À partir de là, je me suis dit que j’allais faire un morceau sur lui.

iHH Magazine : Pourquoi avoir choisi Sheldon et Yaska pour une collaboration sur ton morceau “Rouge Pâle” ?

Simia : Je ne suis pas trop dans les cercles de rappeurs, tu vois. J’ai mon équipe, mes amis, et je fais de la musique pratiquement tout seul. J’ai mes potes qui font un peu de sons, mais je ne vais pas aller chercher des feats avec d’autres artistes. Beaucoup de gens m’ont dit de le faire, d’aller chercher des feats intéressants… Mais moi, pour ce projet, j’étais grave dans une démarche instinctive et vraie. Au début, j’avais cherché qui je pourrais prendre pour un feat qui marcherait, mais ça m’a saoulé. Je n’avais personne sous la main, personne à qui proposer… J’ai fait ce projet de manière très solitaire. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Je suis sur un deuxième projet, j’écris beaucoup avec d’autres gens, etc… Sheldon, c’est un gars qui est là depuis le début. Les premiers sons que j’ai enregistrés, c’était avec lui. C’est un frère. C’est vraiment un frangin qui m’a fait évoluer dans ma musique. Yaska c’est pareil. C’est un mec que j’ai rencontré à Montréal. Il n’était même pas ingénieur du son à l’époque, il était rappeur. Je l’ai vu devenir ingé-son, puis producteur… Pour moi, c’était logique de les ramener tous les deux sur le projets. Ils font tous les deux, au moins la moitié des prods. C’est Yaska qui a fait l’enregistrement et une partie du mixage. Et Sheldon, il a fait le mixage, le mastering et les arrangements. À la fin, on s’est tous retrouvés et on s’est dit : “Pourquoi on ferait pas un morceau ensemble ? On a vécu une aventure de ouf, on est tous les trois des rappeurs, on kiffe ce qu’on fait…” Le feat est sorti naturellement et instinctivement.

“Je suis impatient, j’ai envie de passer à la suite, montrer ce que je sais faire ”

iHH Magazine : Où as-tu créé et travaillé le projet ?

Simia : J’ai tout écrit chez moi. Avant l’enregistrement, il y a toute la création des prods, et on les a faites chez moi. Souvent, Yaska ramenait son ordi, etc. Sinon, il y avait aussi mes potes de Montréal qui m’envoyaient des prods. D’ailleurs j’y suis retourné pendant un mois. L’enregistrement final s’est fait au Plan à Ris-Orangis. C’est une grosse salle dans le 91 où j’ai la chance d’être accompagné depuis un an. J’y ai fait l’enregistrement avec Yaska, pendant 3 jours. Ce n’était pas non plus une grosse session. Le mixage et le mastering se sont fait au Dojo, à la 75e Session, pendant 10 jours avec toute l’équipe. Je n’ai pas vraiment bossé en studio avant d’enregistrer.

iHH Magazine : La cover de l’EP te représente toi, debout dans un étang. Y a-t-il une signification particulière à cette photo ?

Simia : Ouais, et comme tu vois, je suis habillé. Dans mon projet, je parle beaucoup de ma vie en ville, je n’avais pas envie de faire un truc en mode “le rappeur dans la ville”… Je voulais vraiment qu’il y ait un truc spécial pour cette cover. Je travaille avec la même photographe, c’est elle qui me fait toutes mes photos. C’est avec elle que j’avance depuis le début. Elle s’appelle Mélie Hirtz, et en fait, elle a énormément d’idées incroyables. On se prenait la tête, on a shooté une première cover qui n’a pas marché. Et elle m’a dit : “attends, on va se mettre dans l’eau et les gens ne vont pas capter pourquoi.” Et quand tu regardes bien la cover, on a fait un petit montage où le reflet n’est pas exactement le même que ma posture. On a fait exprès que ce ne soit pas super visible. En gros, le reflet regarde droit devant, alors que sur la photo, ma tête est sur le côté. L’eau, ça n’a pas forcément un sens particulier. Au début, on avait travaillé avec un miroir, mais finalement on trouve qu’avec l’eau il y a de beaux mouvements.

iHH Magazine : Tu m’as parlé d’un projet en préparation. Quels sont tes futurs projets ?

Simia : C’est encore assez flou parce que “Spécial” vient de sortir. Donc je suis encore sur la création. J’écris beaucoup, je vois des beatmakers… J’essaye d’aller rapidement parce que “Spécial” est un projet que j’ai fini d’écrire il y a un peu plus d’un an. Le dernier morceau, qui est d’ailleurs le dernier morceau du projet : “Peur d’être seul“, je l’ai écrit en novembre 2018. J’ai écrit beaucoup de choses depuis et j’ai vite envie de les sortir. “Spécial”, c’est le premier projet de ma vie, c’est le projet que je vais défendre au maximum. Mais je suis impatient, j’ai envie de passer à la suite, montrer ce que je sais faire et montrer ce qui peut ressortir encore plus de moi. Je suis sur la suite, et tu es le premier journaliste à qui je dis ça : je vais essayer de sortir quelque chose mi-2020.