Hip-Hop Ultimate Team est un concept unique au monde. Ce qui était à la base une idée entre potes fans de rap et de FIFA est devenu en quelques années une référence des cartes à jouer hip-hop. Des règles du jeu ont été éditées, et l’objectif est désormais de devenir LA référence des jeux de société hip-hop. Kevin Ienco, le co-fondateur de HHUT, a discuté avec nous de l’essor de son concept, de ses ambitions pour l’avenir, et bien sûr, de rap.
Interview : Dorian Lacour
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Kevin Ienco (K.I.) : Certes, mais tout projet se doit d’être un minimum audacieux. Et en même temps je te dirais non, que c’est pas si audacieux que ça, parce que moi qui jouais beaucoup aux jeux vidéos j’ai vu cette mode des cartes arriver dans FIFA, dans NBA 2K, le jeu de catch aussi, WWE 2K. Ils ont mis ça en place et ça a été un énorme succès auprès du public. Certaines analyses nous ont montré que l’univers de la musique et du rap pouvait s’y prêter. Au début c’est un truc de passionnés, entre potes. On était pas dans un esprit business. On a eu la chance d’avoir une interview chez Clique, à peine trois semaines après avoir lancé le projet. Si aussi vite ça a attiré des médias comme Clique, on s’est dit que ça valait le coup d’aller à fond là-dedans.
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Kevin Ienco : Au départ on était quatre, des potes qui aiment la musique depuis toujours. Forcément ce genre de projet demande beaucoup de travail. Quand tu commences, tu fais 50-60 likes, c’est compliqué. Début 2019 je me suis retrouvé seul, les autres ont arrêté ce qui était pour eux un passe-temps. J’ai passé toute l’année 2019 seul sur le projet. En 2020 on était à environ 13 000 followers et j’ai eu l’envie de recruter des gens de la communauté pour développer Hip-Hop Ultimate Team. J’ai été très étonné, j’ai reçu une cinquantaine de candidatures. Parmi celles-ci il y avait Youcef et Hugo, qui ont fait partie des profils les plus chauds. Ils sont avec moi depuis presque un an maintenant. On est partis du principe que c’étaient mes nouveaux associés, au sein d’une vraie marque, une vraie entreprise. Depuis, on se développe, on a pas mal de choses prévues cette année. Ça demande beaucoup de travail, mais ça me permet d’avoir des gens proches et passionnés dans cette aventure.
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Kevin Ienco : En effet il n’y a pas de concurrence vraiment structurée dans le monde. Il y a des américains qui ont fait des comptes un peu dans la même idée, mais rien de bien développé. C’est vrai que le marché US m’intéresse. Trippie Redd a liké et partagé la carte qu’on a fait de lui, c’était encourageant pour nous. Ce sont des cartes totalement faites pour ce marché. Moi qui ai la chance d’avoir quelques contacts là-bas, c’est prévu à terme d’aller explorer le marché aux États-Unis. Se développer en Europe aussi c’est important. On a fait Sfera Ebbasta, ça nous a permis d’organiser des jeux-concours avec des pages italiennes.
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Kevin Ienco : Sans te mentir, pour moi c’était prévu depuis le premier jour. Ce n’est arrivé que maintenant parce que c’est long à mettre en place, de valider des règles de jeu qui marchent et tout. On attendait aussi qu’il y ai un minimum de cartes en circulation, pour que les gens puissent jouer. Déjà, toute l’année 2019, on faisait 5 jours sur 7 des quizzes où quelqu’un gagnait des cartes. On a multiplié les concours et sur 2019-2020 on a offert au moins 1.000 cartes. Actuellement il doit y en avoir 3.000 ou 4.000 en circulation, et pas juste en France. On a des commandes en Belgique, en Suisse, au Québec, en Algérie, et en Allemagne aussi. Les Allemands sont fans de PNL, c’est fou.
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Kevin Ienco : Clairement, c’est certain. Je travaille moi aussi dans la musique et dans le rap depuis 2014, au moment où c’était encore un peu dur, et j’ai clairement vu l’évolution. C’est une révolution au niveau du public et du marché hip-hop. Ça s’est fait très naturellement, les Kanye West, Drake, Travis Scott et autres sont devenus des monstres. Le rap c’est un des marchés n°1, mais pourtant il y a très peu de jeux. On a tous connu les jeux vidéos Def Jam, ça nous a tous marqués, mais en jeux de société l’offre est très légère.
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Kevin Ienco : Non franchement, jamais, au contraire même. Au début Laylow m’avait dit qu’il méritait une meilleure note, mais c’est normal c’est la mentalité du rap, et ça n’a jamais été méchant. Même pour te dire, la première interview Hip-Hop Ultimate Team c’était avec lui. On a jamais eu de mauvais retours ou de retours très négatifs.
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Kevin Ienco : Comme je disais, Trippie Redd, on a eu la belle surprise qu’il like et partage la carte en story. En commentaires positifs on en a eu quelques uns. Captaine Roshi s’est complètement pris au jeu, il a dit qu’il visait 87 en paroles pour son prochain projet. Il y des plus anciens qui valident, Tunisiano avait partagé, Guizmo aussi. En fait on a plus de soutien des artistes eux-même que des médias rap. D’un autre côté, on sait bien que si on met une note peu élevée à un artiste, il va pas nous partager, c’est le jeu, mais on ne se censure absolument pas. On tient à garder notre avis ou notre vision, ne pas les biaiser.
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Kevin Ienco : Avant tout, chaque projet qui sort je l’écoute au minimum trois fois. Bien sûr il y a des albums plus galères genre “QALF” de Damso qui a demandé 12 ou 13 écoutes. Ensuite j’ai un système qui marche très bien pour attribuer chaque note. Par exemple pour la notation “Paroles”, j’écoute la pertinence des propos, de quoi parle l’artiste, la technique d’écriture, s’il a recours à des formules complexes ou simples, l’authenticité des propos tenus a aussi une importance. Ça permet d’être au maximum dans une neutralité, ne pas se fier qu’à nos goûts personnels. C’est exactement pareil pour les autres notes. Pour le “Flow” j’évalue la technique, mais aussi la mélodie, si le rappeur est versatile ou monotone, s’il a un flow reconnaissable. Pour les “Ventes” on a des paliers, on prend la première semaine, et par exemple 5.000 ventes correspond à un 83, etc… Petite précision pour la notation “Style”, ce n’est pas le style pas vestimentaire, c’est le style musical, l’identité du rappeur. Laylow par exemple a un style très démarqué, donc forcément il a une super note.
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Kevin Ienco : Comme je te disais, “QALF” ça a été une galère. J’ai pas forcément adhéré, au début j’avais beaucoup de mal à faire une notation parce que j’étais subjectivement déçu. Seulement, en écoutant bien, je me rendais bien compte que Damso était performant. C’est le plus dur d’enlever ta part de subjectivité. Au final, “QALF” a été un de mes projets de l’année 2020. Et je ne l’ai pas précisé mais je ne suis pas seul à attribuer les notes, je demande à l’équipe de faire leur propre notation et on se concerte pour valider la carte finale. Forcément il y a eu des moments où on était pas d’accord, sur la carte de Guizmo par exemple, mais c’est normal. Parfois on a du noter des artistes en même temps, c’était le cas pour Sofiane et Hamza. Forcément dans un cas comme ça il y a une part de subjectivité totale, t’es plus attiré par l’un ou par l’autre. Mais on essaye de bien travailler en équipe, en essayant d’être les plus neutres possibles, et je pense qu’on s’en sort pas si mal.
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Kevin Ienco : Tout est fait manuellement, j’ai tout le matériel chez moi. Au début je passais des journées entières à Bureau-Vallée pour fabriquer les cartes. Le confinement est arrivé et ça m’a forcé à faire autre chose. J’ai décidé de prendre tout le matos nécessaire à la maison. Au niveau de la création graphique, tout est fait sur Photoshop. Ensuite pour l’impression je prends du papier Platinum de chez Canon, c’est un des meilleurs papiers au niveau de la qualité. Nos cartes n’ont rien à voir avec les cartes Pokémon ou Yu-Gi-Oh, ce sont des pièces plus qualitatives.
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Kevin Ienco : En fait, quand je me suis retrouvé seul, à une période j’ai voulu taffer avec des graphistes, mais ça générait plein de problèmes, le respect des délais, le temps nécessaire à créer la carte, le pourcentage demandé… On génère quasiment aucun argent avec ce projet, alors forcément ça a été compliqué de bosser avec des graphistes. Donc je me suis mis à 100% dans ça. À la base je suis plus ou moins graphiste, je me suis perfectionné là-dedans et c’est moi qui réalise les cartes.
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Kevin Ienco : Pour l’instant je préfère être en indé. Tu sais comment ça marche ces gens, ils en ont rien à foutre du rap. Demain si je suis à 100 000 followers, que je suis plus fort et que je peux mieux négocier pourquoi pas, c’est pas une porte que je ferme mais ce n’est pas ma volonté actuellement. On continuera à travailler et à se dévouer pour ce projet.
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Kevin Ienco : Ah c’est compliqué… Mais je pense à celle d’A$AP Rocky pour “AT.LONG.LAST.A$AP” avec l’hommage à A$AP Yams sur la cover. C’est la carte qui me touche le plus, donc je dirais que c’est elle ma préférée.
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Kevin Ienco : Clairement on vise beaucoup plus large que les cartes. Comme tu peux le voir, sur Twitter on ne parle quasiment pas des cartes, on relaye l’info rap comme un média plus “traditionnel”. Twitch, on se devait d’aller là-bas, parce que c’est la plateforme du jeu par excellence. On aimerait à terme être l’entité n°1 dans le rap francophone au niveau des jeux, des rébus, des blind-tests, devenir une petite référence. À plus long terme, on ne veut pas devenir un média à proprement parler. On se tournerait plus vers l’événementiel, créer des événements, des soirées, des concerts, des festivals avec Hip-Hop Ultimate Team.
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Kevin Ienco : Pour l’instant c’est vraiment une activité annexe. On met plus notre priorité sur Twitch. Sur YouTube, on teste des choses, il y a les formats courts comme tu l’as dit. À terme on aimerait trouver des trucs, comme l’épisode animé sur la dernière journée de 2Pac qu’on avait fait avec DrawlDeNews. On cherche un autre illustrateur, pour expliquer en dessin animé une journée importante dans l’histoire du rap. Mais, pour l’instant, YouTube ce n’est pas notre axe de progression prioritaire.
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Kevin Ienco : Le dernier son, en direct, c’est “Maintenant” de Captaine Roshi, j’aime beaucoup. J’ai énormément écouté son dernier projet [“Attaque II” – NDLR]. Il y a aussi le JSX feat. Booba [“POMPEII” – NDLR]. En projets il y a la “don dada mixtape” bien sûr, et le projet “Space Pack” d’Ateyaba, même si malheureusement tous les sons étaient sur YouTube, donc je les connaissais déjà.
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Kevin Ienco : Forcément le premier quand j’étais ado c’est 50 Cent. Je suis né en 1992 donc il m’a énormément marqué, et même choqué. En rap français, plus jeune c’était Mac Tyer avec Tandem. Un peu plus tard Wiz Khalifa et A$AP Rocky m’ont grave marqué. En France je suis Laylow depuis très longtemps, je suis vraiment content de son explosion. Il y a la Fonky Family & les Psy 4 aussi bien sûr, mais ça c’est parce que je suis Marseillais !
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Kevin Ienco : À l’heure actuelle j’aimerais vraiment faire la “good kid, m.A.A.d city” de Kendrick Lamar, parce que c’est un album qui m’a énormément marqué, mais le concept Hip-Hop Ultimate Team est arrivé après. En France forcément je voudrais faire la carte de “Ouest Side” de Booba. Ces deux cartes me tiennent à cœur, elles devraient sortir en 2021, c’est quasiment sûr.
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Kevin Ienco : Vraiment en 2021 la priorité c’est le jeu de cartes, que les gens sachent qu’on peut jouer à un jeu de carte de rap, c’est notre axe de communication principal pour cette année. À-côté de ça, on aimerait pouvoir proposer des interviews à thème sur YouTube, mais ça sera très sélectif, on verra qui nous donnera l’opportunité de le faire, enfin ce n’est pas notre priorité. Aussi on voudrait lancer des vraies playlists, en rap français et rap US, pour étendre notre champ d’action.
Si vous voulez plus d’informations sur Hip-Hop Ultimate Team, vous pouvez vous rendre sur leur site web ou sur leur page Instagram.