Le terme “activiste” est souvent utilisé à tort et à travers dans le hip-hop, mais il semble idéal pour éviter de faire la liste des multiples activités de Bobbito Garcia. Une des principales était l’émission “The Stretch Armstrong Show Hosted By Bobbito” qu’il présentait chaque semaine de 1990 à 1998 entre 1 heure et 5 heures du matin sur la station WKCR. Une véritable épopée retracée dans le documentaire “Stretch and Bobbito: Radio That Changed Lives”, et considérée comme la meilleure émission de radio de l’histoire que le hip-hop ait connue. Rencontre exclusive en marge du festival Paris Hip-Hop.

Interview et traduction : SLurg et Naomi BABE
Photos : D.R.

Peux-tu nous raconter comment tu as grandi et quelle était ta relation à la musique et la radio quand tu étais enfant ?
Bobbito Garcia :
Je suis né et j’ai grandi à New York, mais mes parents viennent de Porto Rico. J’ai grandi juste à côté du Rock Steady Park qui est le QG des plus grands danseurs de breakdance de tous les temps. Le fait de baigner en permanence dans cet environnement est vraiment ce qui m’a entraîné dans la beauté de la culture hip-hop des années 70.


Est-ce que tu écoutais déjà des émissions de radio hip-hop à ce moment-là ?

B.G. : Non, il n’y a pas eu de radio hip-hop jusque dans les années 80. Enfin, je pense que la première a dû commencer en 1979. Mais de toute façon, je n’ai pas entendu parler de hip-hop avant les années 80. Par contre, quand j’ai commencé à en entendre, à en écouter, j’ai été complètement aspiré et je suis moi-même devenu un adepte. Mais en réalité, les premières années de la radio hip-hop, c’était plutôt des cassettes audio et ce qu’il se passait dans la rue. Il n’y avait pas de reportage, pas de documentaire qui en parlait, pas de magazine. C’était juste pur, juste des expériences. Et je suis vraiment attaché à mes souvenirs : le fait d’être né en 1966 et d’avoir eu la chance d’expérimenter ça aussi tôt, à un âge aussi innocent…


Tu étais assez âgé pour réaliser que ça allait devenir quelque chose de sérieux ?

B.G. : Je ne pensais pas que c’était quelque chose qui allait durer. Pour moi, c’était juste une autre expérience cool à avoir à New York.


Il y a un groupe dont tu ne parles pas vraiment dans le film mais qui a été très important pour ta carrière, c’est 3rd
Bass. Tu peux nous parler d’eux ?
B.G. : Ils ont été décisifs pour ma carrière. Je ne peux même pas mesurer à quel point j’ai de la reconnaissance pour 3rd Bass [trio new-yorkais composé de MC Serch, Prime Minister Pete Nice et de DJ Richie Rich auteurs de multiples classiques en groupe ou en solos – NDLR]… Je les ai rencontrés en boîte de nuit, on était tous à fond dans le basket-ball, les sneakers, le hip-hop… On a très vite sympathisé, on est devenus très proches, et ils m’ont donné l’opportunité de commencer à travailler chez Def Jam. Ils m’ont présenté à des personnes grâce auxquelles j’ai pu m’élever et j’ai commencé à travailler pour 5 dollars de l’heure. J’ai dansé pour 3rd Bass et je suis apparu dans des clips. J’ai aussi dansé dans quelques concerts avec eux, mais seulement deux ou trois fois. Je coupais aussi les cheveux de Pete Nice, pas ceux de MC Serch. Mais chaque photo de Pete Nice, la coiffure était signée Bobbito [rires] !

Stretch and Bobbito: Radio That Changed Lives from Saboteur Media on Vimeo.

J’ai appris dans le film que ta mère est coiffeuse, elle aussi.
B.G. :
Oui, c’est vrai, et mon grand-père était également coiffeur dans les années 50 à New York ; il avait son propre salon de coiffure pour hommes. C’est une longue tradition dans ma famille [rires]. Et pour ceux qui ne le sauraient pas, 3rd Bass était un groupe sacré disque d’or chez Def Jam Records, qui était le label phare dans les années 80. Et à l’époque, être disque d’or, c’était quelque chose de grand dans le monde du hip-hop, ce n’est pas comme maintenant, où la mesure du succès, c’est d’être 10 fois disque de platine. Personne n’était disque de platine. Vendre 500.000 cassettes, vinyles et CD’s, c’était déjà impressionnant.

C’est donc grâce à eux que tu décroches un job à Def Jam. Est-ce que tu peux nous en dire plus sur ce que tu y faisais exactement ? On a tous l’impression qu’un label, c’est juste un PDG et des responsables découverte de nouveaux talents (A&R), mais en réalité il y a un million d’autres jobs. Qu’y faisais-tu ?
B.G. : C’est vrai qu’il y a un million de jobs, mais il n’y avait que 15 employés à l’époque, donc j’avais beaucoup de casquettes. J’ai fait de la découverte de talents, j’ai aidé Faith Newman, la personne en charge de ça. Russell Simmons, Lyor Cohen et Faith comptaient sur moi pour mes conseils, vu que je faisais la promotion auprès des radios universitaires. Du coup, beaucoup de DJ’s disaient : “Hey, j’aime beaucoup cet album !”… je compilais les conseils, les commentaires, et je leur disais : “Ça, ça devrait être le nouveau single”.

As-tu repéré quelques artistes pour Def Jam ?
B.G. :
Oui, mais Russel n’a jamais signé les artistes que je lui ai présentés ! Il y a une drôle d’histoire : Nas essayant de me jeter dans la fosse aux lions pendant une interview, il y a quelques années, parce qu’on m’avait fait passer ses démos… Je les avais écoutées, mais comme j’avais déjà essayé sans succès de faire entrer Organized Konfusion chez Def Jam et que Russell les avait refusés parce qu’il avait jugé que c’était trop pointu, trop “lyrical”, j’ai su qu’il allait dire la même chose à propos de Nas et je n’ai pas insisté. Mais en fait, la démo de Nas a finalement atterri sur le bureau de Russell par un autre biais, un an plus tard. Et il l’a refusée, comme je l’avais prévu. Je n’avais pas envie de faire perdre du temps à Nas. Mais pourtant, dans une interview, il a déclaré : “Bobbito a boudé ma démo”, mais cela ne s’est pas passé comme ça… J’adorais Nas et ça, il le sait.


Donc officiellement, ton job n’était pas de faire passer cette démo à Russell ?
B.G. :
Non, je savais que ça allait être une perte de temps.

La plupart des démos que nous recevions à Def Jam étaient pourries. Mais la magie dans tout ça, c’est que parmi cent démos, une était super bien.


En gros, il disait non à tous les morceaux que tu lui faisais écouter ?
B.G. :
Oui, à peu près. La plupart des démos que nous recevions à Def Jam étaient pourries. Mais la magie dans tout ça, c’est que parmi cent démos, une était super bien. Peut-être pas assez bonne pour qu’on la prenne dans le label, mais assez bonne pour qu’on la passe dans notre émission. Donc c’est devenu une sorte de bonus : on avait l’opportunité de passer plein d’inédits.

Peux-tu nous dire comment tu as rencontré ton comparse Stretch Armstrong ?
B.G. :
Je l’ai rencontré à Def Jam. Il passait dans le coin pour prendre des disques et on s’est tout de suite bien entendus. J’avais déjà entendu parler de lui comme DJ de boite de nuit.


Il était déjà dans le monde de la nuit ?
B.G. :
Oui, il était vraiment jeune, DJ depuis seulement un an, à peu près. Donc oui, on est devenus proches assez vite et, quelques mois plus tard, on a lancé notre émission de radio. Tout ça, c’est retracé dans le film “Stretch and Bobbito : Radio that changed lives”. Il est disponible en téléchargement en France, avec sous-titres français, sur Vimeo.

Est-ce que WKCR a été la première radio à laquelle tu as demandé d’avoir une émission, ou bien tu t’étais déjà fait recaler ailleurs ?
B.G. : Non, non, c’est drôle, mais je n’ai jamais contacté d’autre station de radio. J’ai fréquenté l’université ; là-bas, nous avions une station de radio mais je n’avais même pas essayé d’y passer, donc je n’avais aucune expérience. Ils nous ont donné une chance, et on en a tiré le meilleur parti.

Les chiffres d’audience, ça sert à vendre des pubs. Or il n’y avait pas de pub sur WKCR. Mais on a estimé qu’on devait avoir environ 200 000 auditeurs.


Kurious était le premier co-animateur de l’émission. Pourquoi est-il parti ?
B.G. :
J’adore Kurious [MC auteur de l’album classique “A Constipated Monkey” paru en 1994 sur Hoppoh Records, le label de Bobbito, avec notamment des productions des Beatnuts – NDLR] , on a grandi ensemble. Je suis plus âgé que lui, j’ai été son mentor comme artiste, j’ai financé son premier album et j’étais aussi son manager. Mais tu sais, il avait souvent des opportunités en or, sans toutefois en voir le potentiel. On s’était dits qu’il pouvait passer quand il voulait, mais il a arrêté de venir à un moment. Ensuite, il a signé avec un autre label et s’est concentré sur sa carrière de rappeur.

Il y a un autre animateur dans le documentaire, mais l’attention n’est pas vraiment portée sur lui : c’est Lord Sear. Quand a-t-il commencé à travailler avec vous, et qu’est-ce qu’il faisait ?
B.G. :
On lui accorde un peu d’attention dans le film, quand même. Il y a une interview de lui. Mais c’était un bras droit. Le sujet du documentaire, c’est Stretch et moi. Sear était là depuis le début, toujours à tout gérer en coulisses. Mais vers les années 1993-1994, il a commencé à prendre le micro avec nous, et les gens l’ont adoré. Il a toujours été très drôle, il a une super énergie et une super personnalité. On l’adore. C’est un de mes très proches amis. Je pense que c’est en 1995 qu’on a commencé à l’intégrer comme membre officiel de l’équipe d’animateurs. Il incarne un gros bout de l’émission : beaucoup d’auditeurs nous écoutaient surtout pour nous entendre discuter, pas seulement pour la musique.

Quand as-tu réalisé que vous aviez autant d’auditeurs, que ça devenait quelque chose ?
B.G. :
Probablement pas jusqu’à ce qu’on ait fait le film.

L’émission passait à partir d’une heure du matin, sur une très petite station…
B.G. : Oui, ce n’était pas la tranche horaire idéale, et on avait seulement 100 watts de puissance d’émetteur, donc c’était un signal très faible. Mais quand même…

https://www.youtube.com/watch?v=S_a5DYZNyrc


Y a-t-il eu un moment particulier où tu t’es dit : ” Wow, ça a vraiment dépassé mes espérances” ?
B.G. :
Oui, le “Rock Steady Crew Anniversary”, en 1994. Mad Skillz était en train de passer, il était encore inconnu. Il dévoilait un morceau en exclu dans notre émission et, malgré ça, le public le connaissait par cœur. Ce mec n’avait sorti aucun titre, aucune vidéo, comment connaissaient-ils la chanson par cœur ? Ce n’était même pas vraiment une chanson : comment connaissaient-ils ses rimes ? C’était juste parce qu’il était déjà passé dans notre émission. 5.000 personnes l’encourageaient, c’était fou.

As-tu des chiffres officiels, des évaluations de l’audience l’émission ?
B.G. :
Non, c’était une époque différente, ce n’était pas une station commerciale. Les chiffres d’audience, ça sert à vendre des pubs, or il n’y avait pas de pubs. Mais on a estimé qu’on devait avoir environ 200.000 auditeurs.
Quand as-tu commencé à passer des démos d’artistes dans l’émission ?
B.G. :
Dès le départ.

Je ne pensais pas que ça allait durer. Pour moi, c’était juste une expérience cool à vivre à New-York


Ce n’est pas le genre de choses qu’on avait coutume d’entendre dans une émission de ce type…
B.G. :
On voulait juste passer la meilleure musique, et la meilleure musique n’était pas toujours sortie. Donc si quelque chose était cool, ça devait être entendu. On nous envoyait des choses à la radio et j’en prenais chez Def Jam. Stretch connaissait beaucoup de producteurs car il a travaillé pour le label Big Beat [de 1990 à 1993 – NDLR], il était DJ de boîte de nuit… donc on lui donnait des démos sur cassettes ou acétate à passer dans l’émission. Quand l’émission s’est popularisée dans les années 90, je pouvais très bien être en rendez-vous au restau’, et quelqu’un venait me déposer ses démos… je devais dire : “Hey, j’essaie d’avoir une discussion avec la fille assise en face de moi !” [rires]

On connaît tous les grands artistes qui ont commencé dans l’émission, mais il y en a d’autres que vous avez refusés parce que vous ne les trouviez pas bons, et qui sont pourtant devenus de grandes stars.
B.G. :
Oui, il y a une super histoire dans le film, mais je ne peux rien dévoiler !

Y a-t-il quelqu’un que tu aurais aimé avoir dans l’émission ?
B.G. : Il y a une tonne d’artistes des années 80, comme Run-DMC, Rakim, Chuck D de Public Enemy… Ils connaissaient la station et l’émission, mais ils ne sont jamais passés.

Mais tu as essayé d’aller les chercher par leurs agents ou labels ?
B.G. :
Je ne m’en souviens plus trop, mais on avait une émission assez reconnue, donc c’était vraiment aux artistes d’essayer de passer s’ils le voulaient, car rien ne les y forçait. Mais il y a également une tonne d’autres artistes, comme Q-Tip, qui n’avaient aucune raison de venir dans notre émission mais qui le faisaient quand même tout le temps… A Tribe Called Quest avait beaucoup de succès dans les années 90. Les Jungle Brothers sont venus, De La Soul est venu. Il y a aussi beaucoup de groupes des années 80 qui ont fait partie de notre histoire. Mais, en réalité, notre truc c’était les artistes des années 90. Ils n’étaient pas connus, ils n’avaient pas de label, et ils ont débarqué, comme Nas, Biggie, Wu-Tang Clan, Big Pun, Eminem, Mobb Deep, Jay-Z, Big L…

Y a-t-il des artistes de l’ouest, ou du sud, d’ailleurs, que tu aurais aimé recevoir dans l’émission?
B.G. :
Non, tous les gens qu’on voulait sont venus : tous les gens qu’on trouvait cool sont passés dans l’émission. Aucun regret.

https://www.youtube.com/watch?v=_xERvO_X8io

Comment t’es-tu retrouvé avec Hoppoh, le label que tu avais avec Pete Nice de 3rd Bass ?
B.G. : J’ai travaillé à Def Jam en 1993. Pete était un super pote, et l’une des raisons pour lesquelles j’y étais. Donc quand il a lancé son propre label, il m’a invité à y prendre part et je l’ai fait, parce que Def Jam, c’était la vision de Russell, et je n’étais pas d’accord avec certaines choses. C’était donc la meilleure option, de partir avec Pete. Hoppoh n’a pas eu un succès fulgurant et j’ai ensuite fondé le label Fondle’Em, en 1995. De là, j’ai eu une totale indépendance pour sortir tout ce que je voulais. C’est la meilleure situation que j’ai eue parmi tous les labels dont j’ai fait partie.

Y avait-il de la compétition entre Fondle’Em et Dolo, qui était le label de Stretch ? Car il a lancé Dolo à peu près en même temps que toi Fondle ’em…
B.G. :
Non, j’ai commencé Fondle’Em avant tout le monde. Eastern Conference, Dolo, ABB, Stones Throw, ils ont tous commencé après moi. J’ai commencé en 1995 et c’est seulement après que beaucoup d’autres labels se sont mis à émerger. Mais non, il n’y avait pas de compétition réelle. MF Grimm a sorti un morceau sur Dolo et un autre sur Fondle’Em, par exemple.

Est-ce que Stretch était jaloux du fait que le morceau que MF Grimm t’avait donné soit meilleur que celui qu’il avait reçu ?
B.G. :
Non, écoute, Stretch a vendu beaucoup plus de disques que moi. Stretch a vendu au moins 60.000 copies de “L.A., L.A.” [classique de Tragedy avec Mobb Deep et Capone-N-Noreaga, produit par Stretch et sorti en cassette et vinyle en 1995-96 – NDLR],. Tu peux additionner toutes mes ventes de disques, tu n’arriveras pas à ce chiffre. J’ai soutenu le label de Stretch, et il a soutenu certains de mes morceaux. Il ne passait pas ceux qu’il n’aimait pas, mais je devais respecter ça.

Une dernière chose notable du DVD, c’est le côté visuel. Ce ne sont pas juste des interviews au hasard et des vidéos de vos premiers jours. Est-ce que c’était important pour toi d’inclure des graffeurs, etc. ?
B.G. :
Bon, il n’y a pas que des graffeurs. Lee Quinones ne graffe plus, il est artiste depuis les années 70, Jose Parla est désormais un des peintres les plus respectés au monde. Et Stash… Ce sont tous nos amis. Et le challenge du film, c’était d’illustrer des moments pour lesquels nous n’avions aucune prise vidéo. Du coup, en tant que directeur artistique, j’ai pris l’initiative de contacter nos amis. Haze [graffiti artiste en couverture du dernier numéro de Paris Tonkar International et créateur des logos Cold Chillin’, Tommy Boy, L.L. Cool J, EPMD entre autres – NDLR] est un autre géant qui a participé… Je leur ai dit : “Ecoutez la musique, les paroles, et interprétez ça comme vous voulez.” Pas de consignes, pas de barrières. Et le résultat est fantastique.

Un dernier mot, un projet que tu aimerais promouvoir ?
B.G. :
Je suis sur beaucoup de projets… allez sur koolboblove.com et cherchez “@koolboblove” sur tous les réseaux sociaux pour suivre ce que je fais. Je bosse sur mon troisième film, une autobiographie, sur ma vie et ma musique, les sneakers et le basket. J’ai vraiment hâte. Mon premier film, “Doin’ It In The Park”, était une collaboration avec des réalisateurs français. J’ai l’impression que Paris c’est chez moi, un de mes nombreux “chez moi” dans le monde. J’ai passé beaucoup de temps ici, au fil des années. En fait, la raison pour laquelle j’ai eu un passeport, c’était venir à Paris avec Stretch en 1993. Je n’en avais pas avant ça. Respect à ma communauté de m’avoir toujours soutenu, moi et mon travail. Et merci au Paris Hip-Hop Festival de m’avoir invité.

Filmographie

2016 : “Stretch & Bobbito: Radio That Changed Lives” (Saboteur/Fat Beats)


Discographie

2016 : “Stretch & Bobbito: Radio That Changed Lives – 11/2/95” (Cassette Fat Beats)

2015 : “Stretch & Bobbito: Radio That Changed Lives – 03/02/95” (Cassette Fat Beats)

2015 : “Stretch & Bobbito: Radio That Changed Lives – 3/24/95” (Cassette Fat Beats)