Avec son premier EP “Enfant difficile”, sorti le 20 novembre, le jeune rappeur Bambino délivre une carte de visite représentative de son art. Rencontre avec un véritable amoureux de musique, au rap rempli d’images et d’émotions, qui a tout d’un futur très grand.
Interview : Dorian Lacour
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Alors moi, c’est Bambino, j’ai commencé à sortir mes sons il y a quelques mois. Le premier, c’était “Esperanza“. Ensuite on a balancé “Kékra“, et maintenant l’EP “Enfant difficile“. J’ai grandi entre le 18e, le 92 et le 93. En ce moment, je suis à Saint-Denis, dans le 93.
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Franchement très bien, je le perçois comme un commencement. Je suis curieux de voir comment les gens vont percevoir ma musique. On a décidé de balancer un petit EP de six titres, une sorte de carte de visite qui me permet aussi de tâter le terrain.
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Il a pas mal tourné, même en radio, je ne m’attendais absolument pas à ça ! Le morceau a été le fruit d’une session avec Junior Alaprod qui est un très bon pote. Avec Junior, on s’est rencontrés il y a quelques années, avant même qu’il fasse “Bella” de MHD ou “Mobali“. Quand j’ai décidé de me mettre à fond sur mon projet, je trouvais ça naturel d’inviter mes reufs. Pour revenir à la question, “Esperanza” s’est fait après une soirée bien arrosée, je ne vais pas te mentir. J’étais rentré au studio tout seul, j’ai commencé à topliner, à faire les mélos… Le morceau a été fait en une ou deux heures. Au final, j’étais très content de la track parce que je trouvais le refrain vraiment efficace. Il reste dans la tête, comme une boucle.
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En fait, on on était en session avec Bēn et Shaz’ et on n’avait rien du tout. Je crois que c’est Shaz’ qui a balancé le clavier, le synthé principal… Il y avait pas de beat, rien. Je me suis mis à gratter ce que je pensais être un couplet mais, très vite, je me suis dit que c’était un refrain. Au fil de la session, le morceau a pris forme, le texte est venu assez vite. Je n’écris pas sur une feuille ou sur mon téléphone en fait, j’écris derrière le micro, phrase par phrase. Je suis assez instinctif.
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Totalement, c’est totalement Malcolm ! C’est un des épisodes qui m’a le plus fait rigoler [“Alerte rouge” le deuxième épisode de la première saison – NDLR], ce truc-là j’ai du l’entendre peut-être une fois et ça ne m’a jamais quitté. Je trouvais ça marrant de le caler dans un son.
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Je suis comme ça par nature, je ne suis pas dans la réflexion. Quand je réfléchis trop, je bloque. Donc oui, il y a ce côté léger, la nostalgie de l’enfance, bien sûr. Je pense que tout le monde ressent un peu ça, les bons souvenirs de l’enfance. Cet EP est cohérent parce qu’il représente ce que je suis. En étant soi-même et honnête, on trouve toujours de la cohérence.
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Je ne pense pas. Je ne me considère pas différent des autres êtres humains, j’essaye de faire les choses différemment mais sans vraiment y réfléchir. Si je suis qui je suis, je me dis que ça sonnera différent des autres, forcément. Ce n’est pas réfléchi. En fait, je n’écoute plus du tout de musique. Je suis en studio 24 heures sur 24, donc il ne reste que ce que j’ai écouté dans mon enfance et qui m’a imprégné.
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Oui, c’est important, déjà parce qu’ils sont très chauds. Étant donné que moi aussi je produis, j’avais besoin de lâcher ce côté-là sur mon projet et de laisser faire les autres. J’avais besoin d’avoir ce rapport humain avec des beatmakers qui sont mes amis. C’est mieux parce qu’on peut parler de ce qui nous plait ou non et en débattre, parce que ce sont des frérots. La musique, c’est un partage, il n’y a pas d’ego.
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Ça m’a apporté beaucoup de kif, ça m’a permis de donner de l’amour aux gens avec qui je travaille. Tu vois, si demain je bosse avec Junior sur une prod°, ensuite lui peut m’appeler s’ils sont en galère sur un artiste, qu’ils recherchent une mélo, une topline, ou même quelque chose au niveau du beat. Je le prends plus comme des rapports humains, je ne bosse pas avec les gens par intérêt. Ça m’a aussi apporté d’autres trucs par rapport au monde de la pop. C’est une autre façon de faire, même si ça reste de la musique, ils font les choses différemment de nous. J’ai bossé dans plein d’univers musicaux différents et ce qui nous fait tous kiffer c’est quand une note tombe bien, il n’y a pas de secret. En plus, je suis un mec curieux, je préfère écouter de la musique amérindienne ou classique que les sorties du moment.
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En ce moment, je n’en éprouve absolument pas le besoin. Je suis focus sur mon projet, mais si demain je tombe amoureux de la musique de quelqu’un, je vais pas dire non. C’est le feeling en premier, je ne vais pas réfléchir à ma carrière, à ce que ça va me rapporter. Je pense que c’est pour ça que ça se passe aussi bien avec les gens avec qui je travaille. Après il y a des gars qui ont très bien géré les deux facettes, je pense à des mecs comme Pharrell Williams ou Will.I.Am qui ont su écrire pour d’autres et faire leur carrière en même temps. En France, on peut dire pareil d’un Pascal Obispo ou d’un Jean-Jacques Goldman, ils ont fait les deux et ils l’ont très bien fait. On ne leur a pas demandé si c’était différent de travailler pour un autre ou pour eux, parce que c’est la même chose. En plus, je te dis la vérité, parfois tu peux faire des trucs pour quelqu’un d’autre et ça lui ira parfaitement, alors que ça ne te va pas du tout à toi. Tu peux être designer, créer un superbe jeans et quand tu le mets, il ne te va pas du tout. Ça veut pas dire que le jeans est nul, juste qu’il n’est pas fait pour toi.
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Philippe Ascoli [le directeur du label, un vétéran de l’industrie phonographique qui a signé MC Solaar chez Polydor ou qui a fondé le label Source chez Virgin/EMI au siècle dernier – NDLR] est arrivé au studio où je travaillais tout le temps. Il ne me connaissait pas et, en discutant, il a compris ce que je faisais. On créé un rapport humain plus que business. J’ai regardé ce qu’il avait fait avant, ça m’a intéressé de voir comment il s’était occupé d’artistes comme Doc Gynéco ou MC Solaar. Je suis la première signature de Local. Il n’y avait pas d’autres artistes donc toute l’équipe était dédiée sur mon projet. D’autres labels on tellement d’artistes qu’ils n’ont pas le temps de se concentrer sur toi. Là, ce n’est pas le cas, et c’est vraiment bien.
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Sur le projet, c’est un de mes morceaux préférés. C’est rare que j’écoute ce que je fais, mais “365“, je me le suis mis à balle. Ça m’a fait du bien d’avoir un morceau comme ça sur le projet, une espèce de photographie. Le texte est introspectif et l’arrangement claque. Ça lui donne toute cette vibe qui me fait kiffer. J’ai trouvé intéressant de le mettre en ouverture du EP pour dire que Bambino, c’est pas que de l’enjaillement. C’est important, vu que je suis un nouvel artiste, de montrer que je peux faire des morceaux comme ça aussi.
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En vrai, c’est un truc émotif, je me dis qu’il n’y a pas d’espoir alors autant éteindre la lumière. J’aime la lumière, j’aime danser avec elle, mais j’aime être dans le noir aussi. Des fois des gens hyper heureux ne le sont qu’en façade, ils camouflent leur tristesse par un grand sourire. Je trouvais aussi jolie l’image du gamin qui essaye d’atteindre le soleil. C’est un rêve d’enfant en quelque sorte.
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Je vais te dire la vérité, j’ai été vraiment bercé par des trucs qui ne sont pas du rap. Miles Davis, Herbie Hancock, Michael Jackson, Quincy Jones, Prince, Marcus Miller, Charles Aznavour, Jacques Brel… Dans le rap, il n’y a pas longtemps, je me suis mis par curiosité à Lunatic, l’album “Mauvais Œil” que je n’avais jamais écouté. Je me suis mis un peu sur le tard à écouter du rap français par moi-même, mais c’est là dans notre subconscient, on écoute ça au quartier. En fait, j’avais entendu, mais jamais vraiment écouté. C’est bien parce que tu as une autre lecture quand tu prends un peu de bouteille. Comme je produis aussi, j’avais besoin d’écouter autre chose que ce qu’il y avait à la radio. Je suis un enfant d’internet, j’ai fait ma propre culture tout seul. C’est pour ça aussi que j’ai des lacunes : je n’ai pas ce truc d’aller au musée par exemple, parce que c’est pas quelque chose qu’on apprend au quartier. Mais je me dis toujours que si ça intéresse des gens, ça peut aussi m’intéresser.
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C’est Philippe Ascoli qui la connaissait et qui a fait la connexion entre nous. Ils m’ont organisé une rencontre et ça a matché direct. On a parlé de Jean-Paul Goude [un illustre photographe, graphiste et illustrateur français – NDLR], un mec qu’on admire tous les deux. La cover a été faite en un seul shooting. L’idée, c’était de mettre l’accent sur mon personnage ; la pose sur la pochette, c’est quelque chose que je fais naturellement. C’est à l’instinct et au kif encore une fois.
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En fait, je suis un cinéphile de fou, j’ai regardé énormément de choses et de manière inconsciente mon cerveau emmagasine énormément. Ça se retranscrit dans ce que je fais, sans y réfléchir. Bien sûr, j’aime les belles choses, comme un bon plat, une belle photo et un bon son, tout ça est lié. J’aime bien regarder ce qui se fait en France aussi. Pendant des années, dans le hip-hop et dans plein d’autres domaines, on était trop focus sur ce qui se faisait outre-Atlantique. C’est bête, parce qu’on a des choses superbes ici aussi, il suffit de s’y intéresser.
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Je pense qu’il y a du bon et du mauvis dans tout. Aujourd’hui on a perdu un peu la notion de l’artiste et de la fame. Je sais pas si on aura à nouveau des Michael Jackson ou des Mylène Farmer, des gens qui n’ont pas besoin de faire beaucoup d’interviews, qui restent assez mystérieux et qui pourtant sont des superstars. De nos jours, tu le vois avec Cardi B ou Jul, on a besoin d’être proches des gens. Avec les réseaux, on connait la vie de tout le monde sans être avec eux. Pour les artistes, c’est pareil. On se doit d’être proches ds gens qui nous écoutent. Je suis un être humain comme les autres. J’essaye de répondre au maximum aux gens qui m’envoient des messages et tout, même si pendant que je fais ça je ne fais pas de musique. En même temps, je ne peux pas faire de musique sans gens qui m’écoutent, donc c’est assez logique.
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En fait “enfant difficile” c’est une chose que ma daronne a toujours dit à propos de moi. Elle a eu cinq enfants et je pense que je suis celui qui lui a donné ses cheveux blancs ! C’est un petit clin d’œil à elle, comme pour lui dire que je savais ce que je faisais. Mais je pense que je suis plutôt un enfant perdu. On est tous un peu perdus dans le monde qui nous entoure en vrai. Quand dans “365” je dis “enfant perdu j’en connais qu’un”, c’est que je suis celui que je connais le mieux, pas que je suis seul dans mon cas.
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Au début, je ne voulais pas sortir de format EP ou album, parce que je me disais qu’on est dans une époque où les gens n’écoutent plus tout un album comme avant. Avec le streaming les gens mettent juste un morceau en playlist et c’est déjà bien. À la base je voulais sortir titre par titre, c’est pour ça qu’”Esperanza” est sorti il y a un petit moment, et “Kékra” ensuite. Mais, au final, je me suis dit que ce serait bien que les gens puissent en écouter plus, donc j’ai choisi d’envoyer un EP. Mais non, tu ne te trompes pas, j’ai 300 ou 400 morceaux sur mon PC. Ça a été très difficile d’en sélectionner six pour “Enfant difficile“. Finalement, je suis content. Mine de rien, j’ai réussi à raconter une petite histoire. J’avais besoin de me présenter au travers de ma musique et je pense que c’est réussi.
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Je suis en train de réfléchir. Je vais attendre encore peu pour que les gens digèrent bien le projet, mais je vais rapidement leur demander ce qu’ils aimeraient que je clippe. J’ai déjà ma petite idée pour le prochain clip mais j’essayerai au maximum de respecter ce que les gens veulent. Si leur son préféré c’est “Calamité“, alors ce sera “Calamité“.
Vous pouvez écouter l’EP “Enfant difficile” de Bambino juste ici :