Sagat est un jeune rappeur bruxellois très prometteur. Masqué pour cacher son identité, il permet au public de découvrir son personnage tiraillé grâce à ses textes. Il sort aujourd’hui son second projet “Étape 5”, qui sonne comme un renouveau, tant d’un point de vue personnel que musical. Mehdi s’efface, faites place à Sagat.
Interview : Dorian Lacour
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Moi c’est Sagat, je viens de Bruxelles et j’ai 22 ans. J’ai commencé la musique vraiment sérieusement il y a plus d’un an. J’ai sorti mon premier projet “Mort de vie” en mai dernier, entièrement réalisé par moi-même sur des prod° de Swy. Le but c’était vraiment pour moi de pouvoir me lâcher. Ensuite j’ai enchainé avec des singles, d’abord “Adresse“, ensuite “Love” et enfin “À ma gauche” mixé par Hakim Ovitch.
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Pour tout t’expliquer, j’écoute de la musique depuis toujours. J’ai été éduqué avec beaucoup de musique, du classique, de la variété, un peu de tout… Ce qui m’a vraiment mis dedans c’est que je faisais des morceaux pour le délire, à la Maskey, pour amuser ma classe quand j’étais à l’école. Un jour je me dis que j’allais tester de faire un truc sérieux. Je l’ai envoyé à Swy qui se lançais dans la prod° à ce moment-là. Il m’a dit qu’il fallait que je me lance là-dedans, on s’y est mis à deux. En vrai c’est plus grâce à lui, il m’a dit qu’il voyait quelque chose. Je sais que si ce que je faisais c’était de la merde il me l’aurait dit cash, là c’était sérieux. J’ai directement investi dans un PC, des baffles, un micro, une carte son, j’ai commencé à prendre ça au sérieux.
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Je vois pas trop ça comme ça. Chacun fait sa propre musique. Certes quand on parle de chiffres il y a une concurrence c’est sûr, mais tant qu’il y a des auditeurs il y a de la place pour tout le monde. Force à celui qui arrivera à rester au sommet. Mais honnêtement je ne m’intéresse pas à ce que font les autres. Pour moi il y a de la place pour tout le monde.
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Je vais pas te mentir, je ne le remarque pas parce que c’est ma voix, mais on m’a déjà fait la remarque plusieurs fois. Je dirais que c’est important à partir du moment où ça reste naturel, Koba LaD c’est naturel, même Booba ça reste naturel. Ça peut être bien pour s’identifier ceci dit.
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Déjà parce que mon premier projet s’appelait “Mort de vie“. C’était un projet où je me livrais par rapport à un décès qui m’a beaucoup touché dans ma famille. En fait j’étais et je suis encore dans un processus du deuil. C’est le docteur Elisabeth Kübler-Ross qui a expliqué les cinq étapes du deuil. Pour elle, la cinquième étape c’est la résignation. Ça veut dire qu’on est bien partis pour s’en remettre mais qu’à tout moment on peut avoir une rechute. C’est ce que je montre. Mon premier projet était plus sombre, là je me livre plus sur ma vie sentimentale, sur des choses plus heureuses.
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Oui clairement, c’est quelque chose que je vis au quotidien, quand je parle c’est avec le cœur. Pour moi parler d’une femme ça va être assez simple, c’est la vérité, c’est la vie. Malgré ce que je raconte j’essaye de pas niquer l’humeur des gens non plus. C’est important pour moi de ne pas jouer un personnage. Je disais souvent “appelle-moi Sagat plus Mehdi” dans mon premier projet. Sagat c’est la partie de moi qui s’exprime, en aucun cas j’ai besoin d’inventer quelque chose. Le jour où j’ai besoin de m’inventer une vie pour rapper ce sera nul. Aujourd’hui je me sens mieux par rapport au deuil, mais peut-être que dans trois ans tout va changer, on sait jamais.
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Franchement tout se passe avec Swy, quand il m’envoie la prod°. Je me rappelle que pour ce morceau j’avais commencé par la topline du refrain. J’ai des facilités à sortir les mots. Je suis dans une période de ma vie où tout se passe bien Dieu merci. C’est ces mots qui sortent en premier, dis-toi que mes toplines à part peut-être pour le morceau “Rookie” c’est 70% de mes textes. Je vis cet amour donc j’ai envie de le raconter, je suis très spontané dans mon écriture.
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Clairement, je vais pas te mentir quand j’ai commencé à faire mes conneries sur mon téléphone c’était grâce à l’autotune. Quand Booba sortait des morceaux autotunés tout le monde se moquait de lui mais moi je trouvais ça génial. Je me disais “mais c’est quoi ce truc ?” Aujourd’hui ça fait partie de ma musique, je peux ne pas l’utiliser comme dans les premières paroles d’”À ma gauche” mais j’aime bien jouer avec. Ça arrive à retranscrire ce que tu ressens en terme de mélodie. Quand j’écoute Booba avec “BB” c’est incroyable la manière dont l’autotune est gérée. Même PNL quand tu écoutes leurs morceaux, ça dégage une émotion folle. Tu ressens les émotions qu’ils veulent te transmettre à travers l’autotune.
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Déjà il y a Michael Jackson, Prince, Édith Piaf, Joe Dassin, Jacques Brel. Ensuite il y a beaucoup de musique classique. Niveau rap franchement j’ai eu de la chance qu’un oncle me fasse découvrir beaucoup de rap américain, Young Thug, Lil Uzi Vert, Future… Et puis Booba aussi a été une de mes premières influences en rap. On peut passer de Dr. Dre à George Clinton chez moi, on est très éclectiques. C’est un peu tout ça qui m’a influencé.
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Clairement c’était pas dans mes projets de faire ça comme ça, mais en vrai je le vois aussi de cette manière. Déjà au niveau du résultat final, quand je regarde il y a 7 ou 8 mois qui séparent ces deux projets, et la différence en terme de qualité d’écriture et de son, elle est complètement folle. Quand j’ai posté “Mort de vie” c’était juste pour moi, et ça a plu aux gens, donc ça m’a motivé. Pour “Étape 5” je me suis investi bien plus. C’est un projet qui marche bien et qui est fait de manière professionnelle. Entre les deux j’ai fait une cinquantaine de morceaux, il a fallu que j’en choisisse quand j’ai commencé à taffer, et je me suis dit que ces sons-là étaient parfaits.
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Je m’en suis donné les moyens, personne n’est venu me chercher pour ça. Je suis allé chercher les bonnes personnes, si c’est pas moi qui sort la tête de l’eau et qui vais poser mes couilles sur la table personne ne le fera. C’est pour ça d’ailleurs qu’on est en interview là ! Tu peux pas reprocher aux gens de ne pas venir te chercher…
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Donc comme je te disais pour ce projet j’ai contacté Hakim Ovitch, l’ingénieur du son de Hamza, j’aimais bien son travail et c’est quelqu’un de très humble. J’ai aussi pris contact avec Don Moja, l’ingé son de Kobo qui m’a été d’une grande aide. C’est moi qui suis allé vers eux, si tu veux quelque chose il faut aller le chercher et c’est ce que j’ai fait. Je suis un fan du mix, quand j’entends les mixes de Damso ou de PNL ça me rend fou. C’est pour ça que j’ai voulu passer à l’étape supérieure en contactant Hakim et Moja. Un grand merci eux, vraiment !
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Ça m’a fait du bien de poster ce projet et de voir que ça plaisait aux autres. Je recevais des DMs de personnes sur certains morceaux comme “Mal-être vécu“, des gens me disaient qu’ils ressentaient ce que je disais. “Mort de vie” a été un beau succès aussi, c’est cool parce qu’on ne s’y attendait pas. Ma musique c’est mon travail, je fais pas ça pour m’amuser. Enfin si, bien sûr, en partie mais ça vient après le côté pro pour moi. J’essaye de faire les choses du mieux possible. Quand j’ai vu tous les retours sur mon premier projet ça m’a fait plaisir. C’est le résultat du boulot, si on continue à pousser encore plus on pourra aller encore plus loin. Chaque année qui passe je me dis que je dois être plus fort. Après “Étape 5” il y a une évolution encore, je travaille tout le temps, tous les sons que je fais ne sont pas évolutifs mais je passe une sorte de petit cap à chaque fois. Parfois c’est mes proches qui me disent qu’ils aiment ce que je fais et ça me touche beaucoup. Comme je dis dans “À ma gauche” j’aime pas qu’on me dise que j’ai du talent. J’ai travaillé pour être là où j’en suis.
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En vrai je dirais que c’est dans le financement que c’est le plus compliqué. Je travaille et j’économise pour ça, mais je consacre pratiquement tout à ma musique. Ça peut être compliqué dans ma vie. Avoir des contacts aussi c’est compliqué. Pour pouvoir travailler avec Hakim Ovitch je l’ai contacté en privé, Dieu merci il m’a répondu mais rien ne l’y obligeait. Pour les clips aussi ça a été compliqué. Heureusement qu’Alexis Vassivière, un très bon photographe de Bruxelles, m’a permis de rencontrer Le S PRODUCTION. Mais à part ça franchement rien de très compliqué, à part peut-être le financement qui pose souvent problème. Mais après c’est obligé, si tu mets pas la main au portefeuille ce que tu proposes est moins qualitatif.
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En soi tout dépend de comment va se passer la suite de ma carrière. En indépendant ça commence à être compliqué parce qu’il faut savoir s’entourer des bonnes personnes alors que les labels ont leurs équipes. Ça pourrait être cool d’être signé, il y a moyen de faire de belles rencontres et d’essayer de vivre de la musique. Tout dépend des propositions, de qui m’approche, mais je n’ai aucune réticence par rapport à ça.
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Franchement, à la base ce morceau n’était pas dans “Étape 5“, on décidé de l’incorporer il ça y a quelques semaines. Je l’avais clippé pour faire patienter mais après le mix on s’est dit “ah ouais en fait il est vraiment bon ce son, il a une vibe vraiment stylée !” Donc je me suis que ça pourrait être un bon single pour annoncer l’arrivée de cet EP. Swy est à la prod° et dans ce morceau j’aborde tout ce dont je vais parler dans “Étape 5” en fait. C’est un beau résumé, sans pour autant dévoiler toute l’énergie de l’EP.
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Non franchement non, et le truc qui est bien c’est que j’ai beaucoup de retours par rapport au clip et au refrain, certaines gimmicks sont reprises par les gens. Je m’y attendais un peu mais pas autant que ça. En vrai, il y a tout dans ce son. Je kicke sans autotune au début, puis on a un demi-couplet autotuné et un refrain avec mes backs délirants. C’est un son qui peut convenir à tout le monde, la prod° elle est méchante aussi, les 808s comment elles sonnent !
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Ça peut paraître un peu contradictoire non ?
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En fait dans la musique je fais ce que j’aime. “Mort de vie” et “Étape 5” ce n’est pas du tout le même mood, mais c’est ce que j’aime. Si d’ici 3-4 ans le public réclame un son style “Etangs noirs” je pourrais pas vraiment le faire, ça a été ce que j’ai aimé faire mais plus forcément ce que je veux maintenant. Après, je ne vais pas oublier que si j’en suis là c’est grâce aux auditeurs qui m’ont soutenu au début et qui ont kiffé. C’est important de faire plaisir et de renvoyer au public ce qu’il aime. Il faut trouver le juste équilibre.
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Alors là dernièrement j’ai écouté Slim Lesio, le son “Audi“, j’ai trouvé ça nickel, un son très joyeux comme ça, j’ai bien aimé. Sinon avant ça j’ai écouté l’album de Zola [“Survie” – NDLR]. Mais c’est vrai que j’écoute très souvent Michael Jackson, ça me rend fou les instruments. C’est un rêve de pouvoir faire ça.
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Déjà de base, avant même la musique, j’avais un projet de motiver les gens sur Internet en étant masqué. Le masque c’est pour garder une vie privée, le succès ne m’intéresse pas du tout. J’ai pas percé ni rien, mais imaginons qu’un jour je perce, ne pas pouvoir sortir chez soi sans être harcelé dans la rue ça me dérangerait. Je dis souvent aux gens “vous me connaitrez mieux en écoutant ma musique que si j’enlevais mon masque.” Je veux que ma musique s’entende et se voit. Sagat c’est un personnage, Mehdi c’est moi.
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Je voulais quelque chose de très simple pour explique “Étape 5”. J’ai essayé avec ces cinq personnages de montrer les cinq étapes du deuil. Aucun n’est dans la même posture. Chaque personnage représente une étape en fait celui qui est debout contre le capot de la voiture c’est moi, c’est ma cinquième étape. Cette cover est simple sans être simple. Le gars débout a envie de partir mais il regarde quand même les autres étape, comme s’il pouvait redevenir comme elles. Il voit aussi ce par quoi il est passé pendant son deuil.
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J’ai écrit le texte dans un bad mood, j’étais dans le métro et j’écrivais “14 juillet mon père m’réveille”. Je continue en rentrant chez moi, j’écoute cette prod° et je me dis “c’est maintenant.” L’idée du répondeur c’est qu’en plein milieu il n’y a pas de refrain, on m’entend pleurer et je pleurais vraiment, je fake pas. J’ai aimé écrire ce son qui représentait cette étape, il représentait vraiment la potentielle rechute.
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Franchement non, c’est important de faire la part des choses. Certes je ne montre pas mon visage mais j’ai quand même envie de montrer qui je suis. C’est ce que je te disais tout à l’heure. À travers un visage tu vois certaines émotions, certains sentiments, mais quelqu’un qui écrit te qui rappe ça exprimer beaucoup plus d’émotions, ça peut aussi faire du bien aux gens qui vivent la même chose. Donc non, je n’ai pas peur de m’ouvrir au public.
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Mon ambition c’est de pouvoir vivre de ma musique. J’ai pas envie d’être millionnaire, si ça arrive tant mieux mais j’ai simplement envie de pouvoir en vivre. Je veux pouvoir quitter mon job, rencontrer des gens, des beatmakers, des pianistes, des guitaristes, pour pouvoir faire les choses encore mieux, progresser et faire quelque chose de vraiment grand.
Vous pouvez écouter l’EP “Étape 5” de Sagat juste ici :