Ce qui frappe, en l’album live “Danser Encore”, le livre “Une Vie de Rêves et de Combats” et le théâtre musical “Poète en Cavale” de Kaddour Hadadi a.k.a. HK, c’est une inspiration frondeuse, qui chante la paix et se désaltère à la magnifique diversité de l’humanité. On y croise Césaire, Hugo, Brel… Et y palpite, chevillée à l’âme du rappeur, chanteur, auteur, la mémoire ouvrière de son Nord natal.
Dans son disque “Danser Encore”, sous-titré “Le Live – Tournée 2023”, on entend l’euphorie du public, qui applaudit à tout rompre les exhortations de HK à la résistance, à la tolérance, à la paix, et qui reprend en chœur les chansons. Celui qui a fondé en 2009 le groupe HK & LES SALTiMBANKS parvient à combiner la prégnance de ses messages, l’exigence de son écriture et la puissance jubilatoire de la musique, tandis que l’émotion, tapie au creux d’une pudeur naturelle, vient poindre soudain, à l’hémistiche d’un vers ou au détour d’une mélodie. Notre cœur tressaille, quand HK clame :
L’album réunit les moments forts de la tournée 2023, qu’a montée la précieuse structure indépendante Blue Line Productions, et qui s’est déroulée aux quatre coins du pays, sur des places de villages, dans des salles prestigieuses comme l’Olympia, ou encore lors de bals paysans.
Danser, hurler, chanter, avec le troubadour des corons
“Citoyen Du Monde”, “Indignez-vous”, “Rallumeurs d’étoiles”, “Sans Haine, Sans Armes Et Sans Violence”… Il suffit d’égrener les titres de l’opus, pour saisir le propos de HK. À la gravité des paroles fustigeant la suprématie de l’argent et s’alarmant sur la condition infligée aux peuples de la planète, l’ingambe musique imprime des grappes d’optimisme, franchit facétieusement les frontières. Elle a été composée collectivement par Les Saltimbanks. La richesse de timbres et d’univers se décline au gré d’une large palette instrumentale – mandole, basse mandole, guitares électriques et acoustiques, instruments à vents, percussions, violon, accordéon, orgue… Chapeau bas aux musicien.ne.s, il serait long de les nommer toutes et tous, citons entre autres Jacotte Recolin, Thibault Delbart, Raphaël André, Martin Choquet, Sébastien Wacheux, Saïd Zarouri, Mehddy Ziouche, Mathilde Dupuch. Etourdissantes escapades tsiganes, accolades espiègles de l’accordéon, somptueuses arabesques délivrées par le mandole, embardées rock de la guitare, radieux groove reggae, fanfare décoiffante, tourbillon de violon… On n’a qu’une envie : danser, hurler, chanter, ensemble.
À lire absolument, le livre de HK – “Une Vie de Rêves et de Combats” –, qui permet d’appréhender pleinement la réflexion et l’intégrité éthique de l’artiste activiste qui, sans trahir ses idéaux, prend garde à ne pas s’assoupir sur des certitudes. Au contraire, l’ancien membre du groupe hip-hop Ministère des Affaires Populaires (MAP) se questionne, incite à démanteler les truismes à travers un vrai dialogue. Et, infatigablement, il crée des ponts. Il rappelle, avec une lucidité délestée de rancœur, les perpétuelles clarifications politiques qu’il doit opérer, dans “cette ère de turbulences et de grande division, de stigmatisation, d’opprobre et de méfiance généralisée” (page 41). Quand ont été perpétrés les attentats de janvier et novembre 2015 en région parisienne, HK en a dénoncé l’horreur, bien sûr. Et, sur ses réseaux sociaux, a réitéré la clarté de ses déclarations – dont certaines sont rapportées dans le livre. Cela n’a pas empêché une canonnade par des détracteurs repus de préjugés contre un artiste citoyen défendant ses convictions, “sans haine, sans armes et sans violence”. Il formule, page 44 : “Pour moi, il est clair que les terroristes et les xénophobes sont les deux faces d’une même pièce. Quand les uns prospèrent, les autres progressent”.
L’émérite Stéphane Hessel avait compris la démarche de Kaddour et de ses camarades artistes du MAP. Un jour, il vint les saluer, lors d’un événement militant pour les droits humains en Palestine. Dans son livre, HK raconte avec grâce leur rencontre impromptue. En 2012, il écrivit, avec ses collègues du MAP, le titre “Indignez-vous” (reprise dans le disque), en hommage au manifeste éponyme de Stéphane Hessel.
Charb, lui non plus, ne s’était pas laissé monter le bourrichon par les propagateurs de principes préconçus, et avait discerné l’acuité de la démarche du MAP. En 2010, il offrit, à un membre du crew, un dessin dédicacé, dont le livre présente une reproduction.
Le polygraphe de la dignité prolétaire déploie une œuvre protéiforme
“Poète en Cavale”, seconde partie du livre, restitue le texte original de l’enthousiasmant spectacle de même nom, que le rallumeur d’étoiles a joué d’octobre à décembre 2024 à Paris (à la Scène Libre), trois mois après ses représentations au Festival Off d’Avignon. Création musicale cosignée par Thibault Delbart et HK, mise en scène de Saïd Zarouri et, sur le plateau aux côtés de HK, Claire Bernardot, à l’accordéon et au chant. Tour à tour, Kaddour chante, rappe, slame, se fait conteur ou comédien, avec brio. Nos ami.e.s belges pourront assister au théâtre musical de “Poète en Cavale”, les 1er et 2 février 2025 à Bruxelles (à la Maison Qui Chante). Surveillez les dates de ce spectacle, car on en ressort ragaillardi.e pour continuer la lutte !
“Poète en Cavale” narre l’évasion d’un poète poursuivi pour insubordination poétique. Le noble rimeur roubaisien a écrit en vers cette pièce. Un défi joliment relevé. Rien de suranné ni de compassé, dans sa versification. Au contraire, la modernité vibrante de l’auteur tout du long brasille, au cœur de sa poésie piquetée d’ironie. Par moments, et chaque fois à point nommé, nous retrouvons le chanteur dont les envolées mélodiques nous emportent. Et, au fil de “Poète en Cavale”, on croise Aimé Césaire, Victor Hugo, Guillaume Apollinaire, ou encore Jean Jaurès, à travers la reprise de l’hommage de Jacques Brel (“Pourquoi Ont-ils Tué Jaurès ?”).
La chanson “Sans Haine, Sans Armes Et Sans Violence” illustre bien ce qui bouleverse, chez le troubadour des corons : son sincère engagement, sa révolte à fleur d’âme, sa poésie de l’utopie. L’expriment, sur YouTube, nombre de commentaires émus, au sujet du clip regardé plus de 300 000 fois.
Faisons circuler l’œuvre vivifiante de HK
Celui qui a participé à maints concerts de soutien, et qui s’est produit dans des prisons et d’autres lieux d’enfermement, a vu son hymne “Faut Rien lâcher” chanté à tue-tête dans de nombreuses manifs. Lui, le polygraphe de la dignité prolétaire, déploie une remarquable œuvre protéiforme, dont la matrice conjugue la contestation de l’iniquité, l’amour de la poésie et la fidélité au peuple des humbles dont il est issu. Le héros de son spectacle énonce : “La poésie est cette petite lueur en nous, cette voix qui résonne / Ces mots qui nous bousculent, nous réveillent / Nous cognent, nous émerveillent (…)”. Kaddour est ce Petit Prince dont la quête embrasse, dans un même élan, Kateb Yacine, Gil Scott-Heron, Allain Leprest… Alors, nous, vous, ainsi que celles et ceux qui programment des spectacles, diffusent des musiques ou ont à leur charge la formation de jeunes, faisons circuler son œuvre vivifiante.
iNFORMATiONS PRATiQUES :
HK, “Danser Encore, Le Live – Tournée 2023” (L’Epicerie des Poètes / distrib. IRFAN le label), 15 euros.
Pour écouter ou télécharger l’album en ligne :
https://bfan.link/danser-encore-le-live
“Une Vie de Rêves et de Combats”, Éditions Riveneuve, 146 pages, 10 euros
https://www.riveneuve.com/catalogue/une-vie-de-reves-et-de-combats/
HK en tournée en 2025. Dates de ses différents spectacles :
https://openagenda.com/fr/hk-pres-de-chez-vous
Notamment :
1er et 2 février 2025, “Poète en Cavale”, à Bruxelles (BE) à la Maison Qui Chante
Du 30 août au 5 octobre 2025, tournée des Bals Paysans, avec HK et sa troupe au complet.
www.facebook.com/hksaltimbanks
Fara C. :